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COUR DE CASSATION.

(12 avril 1843.)

Lorsque la vente comprend des accessoires indispensables, elle forme un tout indivisible qui, sous aucun prétexte, ne peutêtre scindé Le défaut de délivrance par le vendeur d'un des accessoires de la chose vendue (par exemple de la cheminée d'une machine à vapeur) donne lieu à la résolution de la vente, sans que les juges puissent, à raison du peu d'importance de cel accessoire, substituer d'office à la résolution une indemnité pécuniaire en faveur de l'acquéreur (1). C. civ. 1610, 1614 et 1615.

OGIER C. COMPAGNIE DES MINES DE

SAINT-ETIENNE.

Le 17 juin 1833 la compagnie des mines de Saint-Etienne, obligée d'arriver à une liquidation judiciaire, vendit aux enchères publiques tous les objets mobiliers composant le matériel de l'exploitation.

Une machine à vapeur de la force de quatorze chevaux fut adjugée au sieur Ogier moyennant 6,700 fr. Cette machine était vendue expressément avec sa chaudière, vargue, tour de lanterne, cheminée, et autres constructions accessoires et indispensables pour le placement et le jeu de la machine. Cependant, lorsque M. Ogier, qui avait payé son prix comptant, voulut prendre livraison, la cheminée de la machine n'existait plus, et les constructions et travaux d'art qui servaient à sceller cette machine et à la faire fonctionner avaient disparu et été vendus à d'autres moyennant un nouveau prix. En conséquence le sieur Ogier intenta une demande en résolution de la vente, en restitution du prix, et en 3,000 fr. de dommages-intérêts.

Jugement du tribunal de Saint-Etienne du 29 avril 1835, qui statue en ces termes :

(1) Il est généralement reconnu que les juges peuvent, en l'absence de toute clause résolutoire expresse (Duvergier, Vente, t. 1, no 266), accorder, suivant les circonstances, un délai au vendeur pour exécuter l'obligation de délivrance. V. Bordeaux, 8 août 182); Aix, 4 mai 1832. Duvergier, loc. cit.; Troplong, Vente, t. 1, p. 293. Mais lorsque la livraison complète est devenue impossible par le fait des vendeurs, ils ne peuvent, changeant la nature du droit de l'acquéreur, l'obliger à prendre possession moyennant une réduction de prix. Dans ce cas, la résolution doit être prononcée aussi bien qu'elle le serait pour défaut de paiement d'une portion quelconque du prix ; car l'obligation de délivrer et celle de payer le prix sont corrélatives (Duvergier, no 268), et toutes deux indivisibles. Duvergier, n° 266, in fine, dit : «< On conçoit que, si le simple retard de la délivrance peut donner lieu à des condamnations à des dommages-intérêts et à la résolution du contrat, à plus forte raison le défaut absolu de tradition doit avoir les mêmes conséquences. »

« Attendu qu'il est établi, en fait, que la compagnie des mines de fer a vendu une machine à vapeur avec chaudière, vargue, tour de lanterne, et autres accessoires, ce qui comprenait nécessairement la cheminée et autres constructions indispensables pour le placement et le jeu de la machine;

Attendu que la compagnie n'a pas fait la délivrance de tous les objets compris dans la vente et des matériaux qui composaient la cheminée et les autres constructions de la machine à vapeur;

» Attendu néanmoins que ce n'est pas le cas de prononcer la résolution du contrat du 17 juin 1833, vu le peu d'importance de l'infraction commise par la compagnie, mais qu'il appartient au tribunal d'arbitrer le dommage souffert par le sieur Ogier; - Condamne la compagnie à payer au sieur Ogier la somme de 150 fr., à laquelle est évalué le préjudice souffert par ledit sieur Ogier par suite du défaut de livraison, de la part de la compagnie, de la cheminée de la machine et autres accessoires; Condamne en outre la compagnie aux dépens de l'instance pour tous dommagesintérêts. »

Sur l'appel, arrêt de la Cour royale de Lyon du 26 mai 1837 qui confirme en adoptant les motifs des premiers juges.

Pourvoi en cassation du sieur Ogier pour violation et fausse application des art. 1184, 1603, 1610, 1614, 4645, C. civ., et des principes en matière de résolution de contrats.

On soutenait que l'obligation pour le vendeur de délivrer la chose telle qu'elle a été vendue est correspondante à celle qui existe, pour l'acheteur, de payer le prix convenu; l'une et l'autre de ces deux obligations sont indivisibles, et aussi bien que l'acquéreur ne peut éviter la résolution s'il refuse de payer une partie de son prix, quelque peu importante qu'elle soit, de même le vendeur ne saurait être relevé de la résolution lorsqu'il ne fait la délivrance que d'une manière incomplète.

Il est vrai que les juges peuvent, lorsque la clause résolutoire qui lie l'acquéreur et le vendeur est purement lacite, accorder, suivant les circonstances, au vendeur, un délai pour exécuter son obligation; mais là se borne leur droit, et il ne saurait leur être permis de dispenser l'une des parties de l'exécution, même partielle, de l'obligation soit de payer, soit de délivrer; c'est donc à tort que la Cour royale de Lyon, en constatant que la délivrance n'avait pas été faite et ne pouvait l'être d'une maniècer la résolution en se bornant à condamner re complète, a cependant refusé de prononla compagnie à payer une indemnité.

DU 12 AVRIL 1843, arrêt C. cass., ch. civ., MM. Portalis 4er prés., Gillon rapp., Hello av. gén., Jousselin av.

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autres choses réputées accessoires, l'adjudication comprenait par là même la cheminée en construction surmontant la machine à vapeur, et encore les autres constructions indispensables pour le placement et le jeu de cette machine; Que l'arrêt constate aussi que le vendeur, ayant fait opérer la démolition de la cheminée et des autres constructions, qui aurait dû n'avoir lieu que sur l'ordre et pour le compte de l'acheteur, a disposé à son profit personnel des matériaux, et que c'est vainement que l'acheteur a demandé que ces matériaux lui fussent délivrés ; — Que néanmoins, en cet état des faits ainsi déclarés, l'arrêt a refusé à l'acheteur la résolution de la vente, sous le prétexte du peu d'importance des objets non délivrés, et a substitué arbitrairement à l'annulation du contrat une indemnité pétuniaire qu'il impose au vendeur au profit de L'acquéreur; En quoi faisant, ledit arrêt a ouvertement violé les articles visés; CASSE, etc. »

COUR DE CASSATION. (12 avril 1843.)

On ne peut assimiler à un testament la donation faile entre époux pendant le mariage (1).

(1) V. conf. Paris, 6 août 1810; Bruxelles, 2 mai 1812; Cass. 18 mai, 9 juil. 1812; Nanci (et non Paris), 27 août 1814; Cass. 23 mars 1815; Rouen, 7 fév. 1816; Cass. 1er fév. 1820; Rouen, 9 déc 1825; Cass. 11 janv. 1827, 5 avril 1856. Instr. de la régie, 5 juin 1809, art. 432, no 3.

V. contr. Cass. 25 vent. an XI; Paris, 6 janv. 1806; Grenoble, 12 janv. 1815; Cass. 16 nov. 1813; Paris, 10 mai 1815; Cass. 5 déc. 1816; Pau, 2 janv. 1827; Colmar, 15 mai 1829; Cass. 8 nov. 1830, 20 juil. 1856, 22 janv. et 18 avril 1838.

Jugé que le mineur ne peut disposer par testament en faveur de son conjoint que de la moitié de ce que la loi autorise un majeur à donner. Caen, 18 août 1838. Jugé également que le seul fait de la célébration du mariage emporte, de la part d'une mineure, ratification de toutes les conventions matrimoniales arrêtées en son nom, dans le contrat de mariage, par ses père et mère, encore bien qu'elle n'ait pas elle-même assisté au contrat. Toulouse, 15 juin 1844.

Mais, abstraction faite des donations par contrat de mariage, que les mineurs sont autorisés à constituer avec le consentement de ceux sous la puissance desquels ils sont placés, ils sont déelarés incapables de consentir toutes autres donalions; ils ne peuvent, aux termes de l'art. 904 C. civ., disposer que par testament. Cet article ne ait aucune distinction entre le mineur marié et celui qui ne l'est pas.

V., pour le droit ancien, Maynard, Questions notables, liv. 5, ch. 34, no 18, t. 1, p. 753; Dumoulin, sur l'art. 6, ch. 27, De la coutume de

En conséquence la libéralité faite dans la forme des donations entre viss par une femme majeure de seize ans, mais mineure de vingt-el-un, en faveur de son mari, des biens qu'elle laissera à son décès, constitue une véritable donation entre vifs nulle aux termes de l'art. 904 C. civ. (1).

Le notaire qui a conseillé et rédigé un acle de celle espèce peut être déclaré responsable el condamné à des dommagesintérêts comme garant du préjudice résultant de la nullité prononcée par le tribunal (2). C. civ. 1382; L. 25 vent. XI, art. 68.

BURDELOT C. BRIAUD ET LOUazel.

Par acte du 16 nov. 1840, Françoise Renaud, âgée de plus de seize ans, mais mineure de vingt-et-un ans, a donné à Pierre Briaud, son mari, dans la forme des donations entre vifs, la propriété pleine et entière du mobilier sans exception et l'usufruit de tous les biens immeubles dont elle décéderait propriétaire, et en outre l'usufruit de la portion de son mobilier réservée en faveur de sa mère, en cas de survie de celle-ci.

Le sieur Briaud a figuré dans l'acte pour l'acceptation expresse, et dans le même jour il a lui-même fait, dans la même forme et dans les mêmes termes, une donation semblable à sa femme.

Celle-ci étant morte quelques jours après, le 24 nov., le sieur Briaud demanda, le 7 janv. suiv., contre les héritiers de sa femme, le par tage de la succession, et la délivrance à son

Nivernais; Brodeau, Coutumier général de Richebourg, t. 3, p. 1152, note a; de Laurière, t. 2, p. 560, éd. de 1777; Merlin, Quest. de dr., Comm. sur l'art. 280 de la coutume de Paris, vo Revocation de testam, § 4, no 2; Furgole, sur l'art. 5 de l'ord. de 1731, Sur les donations; Bergier, notes sur Ricard, t. 1, p. 186; Denisart, vo Insinuation, n's 46 et 47; d'Aguesseau, lett. 287, 288, 290, 9e vol. in-4°.

Pour le droit nouveau, Toullier, t. 5, no 922; Grenier, Donations, t. 2, no 453; Delvincourt, 1. 2, p. 449; Duranton, t. 9, no 778; Rigaud et Championnière, Traité des droits d'enregistr., t. 4, no 3913; Robert, Jurispr. sur la capacité des femmes, vo Donat. entre époux; Rolland de Villargues, Rép. du not., vo Donat. à cause de mort, no 9; Coin-Delisle, Donat. et testam., Comm. sur l'art. 893.

- V. aussi

(1) V. conf. Paris, 10 nov. 1820. Malleville, sur l'art. 1095; Grenier, no 461; Levasseur, De la quotité disponible, no 63; Toallier, Dr. civ., t. 5, no 60; Coin-Delisle, Com. analyt., sur l'art. 903, et 904, no 4.

(2) V. conf. Paris, 18 et 28 fév. 18:2, et la note; 12 août 1842. La Cour de cassation a, du reste, constamment décidé que la question de responsabilité des notaires était une question de fait laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond.

profit des avantages à lui faits par son épouse, par donation à cause de mort du 16 nov. 1840.

Il a mis aussi en cause Me Burdelot, l'un des deux notaires qui avaient reçu l'acte, et qui, sur cette demande, a déclaré en assumer la responsabilité.

Le sieur Briaud concluait subsidiairement contre lui à ce qu'en cas d'annulation de l'acte il fit condamné comme responsable à lui payer à titre de dommages-intérêts le montant de la donation.

Le 2 juil. 1844 le tribunal civil de Rennes a déclaré la donation nulle et de nul effet, et condamné le notaire Burdelot à garantir le sieur Briaud, par jugement ainsi motivé :

.......Considérant que cette donation, constatée par deux notaires seuls, sans assistance de témoins et selon la forme prescrite pour la rédaction des donations entre vifs, a été formellement acceptée par Pierre Briaud, donataire ;

Considérant que Marie Renaud, donatrice, était mineure lorsqu'elle disposait par cet acte; >Considérant qu'en principe général le mineur est incapable de contracter et de disposer (art. 903 et 1124 C. civ.);

Considérant que les exceptions que la loi apporte à ce principe doivent être restreintes dans les limites qu'elle a elle-même posées;

Considérant qu'il n'existe dans la loi d'autres exceptions à l'incapacité du mineur pour disposer à titre gratuit que celles qu'établissent, avec de sévères restrictions, les art. 904 et 1095 C. civ.;

Considérant qu'il ne s'agit point dans la cause de la donation dont l'art. 1095 règle les conditions;

Considérant que l'art. 904 ne permet pas au mineur parvenu à l'âge de seize ans de disposer à titre gratuit autrement que par testament; que l'art. 893 C. civ. porte que l'on ne peut disposer de ses biens à titre gratuit que par donation entre vifs et par testament, et selon les formes établies par la loi ;

Considérant que l'on ne peut, il est vrai, malgré les termes, en apparence exclusifs, de cet article, admettre que la donation entre vifs et le testament, tels que les définissent dans leurs effets seulement les art. 894 et 895, ne sont pas les deux seuls modes de disposer à titre gratuit qu'il faille reconnaître sous l'empire du Code, et qu'il existe en outre dans les donations faites entre époux pendant le mariage, telles que les autorisent et les déterminent les art. 1091 et 1096, une troisième espèce de donation distincte des deux premières, intermédiaire entre elles, et participant de la nature du testament beaucoup plus que de la donation entre vifs définie par l'art. 894;

Mais considérant que l'espèce particulière de donation dont il s'agit dans l'art. 1096 est, dans la prévision bien évidente du législateur, une donation qui aurait été constatée selon la forme prescrite pour les donations entre vifs proprement dites, ou qu'on aurait qualifié donation entre vifs, qu'il eût été inutile de statuer qu'une pareille donation serait toujours révocable, s'il s'agissait d'une donation constatée dans les formes prescrites pour les actes

testamentaires ou qui doit être qualifiée testa ment;

>> Considérant que le testament que le Code permet par l'art. 904 au mineur âgé de seize ans est la disposition qu'il définit, mais quant à ses effets seulement, dans l'art. 895, dont il prescrit impérieusement la forme dans les art. 970 et suiv., et que c'est dans la réunion de ces articles que l'on doit chercher une définition complète du mot testament employée dans Part. 904;

» Considérant, en effet, que, dans le Code, le législateur n'emploie jamais le mot testament dans un autre sens ;

Considérant que la donation entre époux prévue par l'art. 1096 ne peut être complétement assimilée au testament, même sous le rapport de ses effets; qu'elle en diffère également quant à ses conditions d'existence;

» Considérant que de ce qui précède il résulte que l'acte authentique du 16 nov. 1840 n'a pu conférer aucun droit à Pierre Briaud dans la succession de Marie Renaud, sa femme, et qu'il est sans qualité pour demander le partage de cette succession ou la délivrance des legs qu'il prétendait lui avoir été faits par cet

acte;

D

» Considérant, quant à l'action en garantie formée par Pierre Briaud contre Me Burdelot, l'un des notaires rapporteurs de l'acte du 16 nov. 1840, que Me Burdelot déclare expressément qu'il assume sur lui toute la responsabilité que les deux notaires auraient pu encourir par suite du rapport de cet acte;

Considérant que Me Burdelot reconnaît que lersqu'il fut mandé près de Marie Renaud, alors dangereusement malade et alitée, pour rapporter acte de ses dernières volontés, il lui fat déclaré qu'elle était min ure, et qu'on s'en rapportait entièrement à luir la forme qu'il convenait de donner à l'acte pour le rapport duquel il avait été requis;

D

» Considérant que l'intention de Marie Renaud, quant à la nature des dispositions que devait constater cet acte, est clairement manifestée par cette circonstance, énoncée dans l'acte lui-même, qu'elle ne disposait que des biens qu'elle laisserait à son décès;

>> Considérant que les notaires sont tenus de connaître la forme dans laquelle doivent être rédigés les divers actes auxquels ils peuvent seuls conférer le caractère de l'authenticité et les conditions de capacité que la loi exige de ceux qui les requièrent pour constater leurs conventions ou leurs dispositions au moyen de ces actes qu'ils sont à cet égard les conseils obligés des parties et qu'ils doivent être responsables du préjudice qu'elles pourraient éprouver par suite de l'annulation de ces actes';

» Considérant qu'en adoptant qu'il existat réellement controverse dans la jurisprudence et dans les auteurs sur la question de droit qu'a cru devoir trancher Me Burdelot en adoptant, pour la rédaction de l'acte du 16 nov. 1840, la forme des donations entre vifs au lieu de la forme testamentaire, Me Burdelot doit s'imputer d'avoir préféré le parti le plus dangereux au parti le plus sûr, à celui que la prudence devait lui prescrire sur une question ainsi controversée.... »

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour royale de Rennes en date du 27 avril 1842. Pourvoi.

Premier moyen. Violation des art. 895, 908, 904, 1096 et 1097, C. civ.; fausse application de l'art. 894 du même Code.

Ce moyen s'appuyait sur les deux propositions suivantes : 1o La donation faite pendant le mariage par l'un des époux à l'autre, dans les termes de l'art. 1096, des biens que l'époux laissera à son décès, est une donation à cause de mort qui participe de la nature des dispositions testamentaires, et qui par cette seule raison peut être faite par l'époux mineur au dessus de seize ans, conformément à l'art. 904.

2o D'ailleurs il résulte des art. 903, 1094 et suiv., au chapitre Des donations entre époux par contrat de mariage ou pendant le mariage, qu'il y a un droit spécial pour les dispositions entre époux, et que, d'après ce droit spécial, l'époux mineur peut, comme l'époux majeur, disposer à cause de mort et dans la forme des donations entre vifs, en faveur de l'autre époux, des biens qu'il laissera à son décès.

Deuxième moyen. Violation de l'art. 68 de la loi du 25 vent. an XI en ce que l'arrêt attaqué aurait soumis le notaire à la responsabilité non en vertu des principes de la loi sur le notariat, mais par application de l'art. 1382.

ch. req.,

Du 12 AVRIL 1843, arrêt C. cass., MM. Zangiacomi prés., Ménard rapp., Pascalis av. gén. (concl. conf.), Moreau av. « LA COUR ; Sur la première branche du premier moyen : - Attendu, en droit, que l'art. 904 C. civ., en déclarant en termes précis que le mineur parvenuà l'age de seize ans ne pourra disposer que par testament, est exclusif, pour le cas qu'il prévoit, de tout autre mode de disposer; que, s'il était vrai que les donations faites entre époux pendant le mariage forment une classe particulière, et participent, sous quelques rapports, de la nature des donations testamentaires, principalement par le caractère de révocabilité qui est com-. mun aux uns et aux autres, on ne saurait cependant les ramener à une assimilation parfaite; qu'il existe entre les deux modes de disposer, non seulement quant à leur forme et leurs conditions d'existence, mais encore quant aux conséquences légales qui s'y rattachent, des différences assez significatives et assez profondes pour qu'il ne soit permis ni de les confondre ni de les substituer indifféremment les uns aux autres ;

» Que le testament, œuvre d'une volonté unique et indépendante, dont tous les effets sont ajournés à l'époque du décès de son auteur, ne peut être régulièrement assimilé à la donation faite pendant le mariage entre époux, laquelle, tout en perdant un des caractères essentiels des donations, l'irrévocabilité, n'en couserve pas moins sa nature de contrat soumis, quant à sa validité, au concours et à l'expression de la volonté du coujoint donataire, et produisant, bien que sub conditione, l'effet actuel du dessaisissement de la part du donateur au profit du donataire;

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Que, par suite, ce dernier reste dispensé de toute demande en délivrance, et n'est exposé à l'atteinte de l'action en réduction qu'après que celle-ci s'est d'abord exercée sur les dispositions purement testamentaires; d'où il suit, sous ce premier rapport, qu'en decidant que le mineur âgé de plus de seize ans, et habile à disposer seulement, n'a pu valablement disposer au profit de son conjoint sous la forme d'une donation entre vifs, l'arrêt attaqué a fait une juste application de la loi; » Sur la deuxième branche du premier moyen: Attendu que l'art. 904, inscrit dans le chapitre du Code civil qui a pour objet de régler la capacité de disposer ou de recevoir par donation entre vifs ou par testament, échappe, par la généralité de sa prescrip tion, à la supposition qu'il ne s'appliquerait pas aux dispositions que peuvent se faire les époux au profit l'un de l'autre ;

Que, si l'art. 903, après avoir refusé au mineur de seize ans toute faculté de disposer, le relève de cette incapacité par une exception de faveur portée au chapitre 9 du même titre, cette exception se rattache uniquement aux donations que se peuvent faire les époux mineurs par contrat de mariage et sous les conditions réglées par les dispositions de l'art. 1095; que cet article contient ainsi la seule dérogation qui áit été faite aux prescriptions de l'art. 903; que ni les termes de l'art. 1094 ni ceux de l'art. 1096 sainement entendus ne

peuvent conduire à une autre conséquence, non plus que ceux de l'art. 1097, qui, en avtorisant implicitement les dons mutuels entre époux sous la condition qu'ils ne seront pas faits par un seul et même acte, n'a pu enten dre, à l'occasion de ces dispositions, affranchir les époux des conditions générales de capacité qui leur sont imposées ;

» Qu'ainsi l'arrêt attaqué, en déclarant nulle dans l'espèce la donation faite entre vifs pendant le mariage par une femme mineure au profit de son mari, n'a pu, sous ce nouveau rapport, contrevenir aux divers textes de loi invoqués par le demandeur;

» Sur le deuxième moyen : Attendu que l'arrêt attaqué, en décidant en droit que les notaires sont tenus de connaître la forme dans laquelle doivent être rédigés les divers actes auxquels ils sont appelés à conférer le carac tère de l'authenticité, et que leur responsabi lité est engagée par suite de l'annulation de ces actes, a fait une juste interprétation de la loi;

» Attendu qu'après avoir déclaré en fait qu'il y avait dans l'espèce faute et imprudence du notaire Burdelot, la Cour royale n'a fait qu'user du pouvoir discrétionnaire et souve rain qui lui est attribué en appréciant et en déterminant la quotité des dommages-intérêts encourus par le notaire à titre de réparation du préjudice par lui causé;

REJETTE, 1

COUR DE CASSATION.
(12 avril 1843.)

L'acte d'appel destiné à une personne èta

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blie à l'étranger doil élre signifié non au procureur du roi près le tribunal qui a slalué en première instance, mais bien au procureur général près la Cour qui doil connaitre de l'appel (1). C. proc. civ. 69, § 9.

Le demandeur en cassation ne peut fonder son pourvoi sur ce que l'arrêt allaqué aurait omis de statuer sur une partie des conclusions des défendeurs, ces derniers élant seuls recevables à se prévaloir d'u

ne semblable omission.

Aux termes des art. 7 el 9 de la loi du 12
mars 1820; les tiers détenteurs de do-
maines engagés auxquels serait applica-
ble la loi du 14 vent. an VII doivent
élre déclarés propriétaires incommula-
bles, quilles et libérés par l'effet seul de
la loi de 1820, si, possédant ces biens
avant la promulgation de cette dernière
loi, ils n'avaient pas, à l'expiration du
lerme fixé (le 4 mars 1829), reçu de l'ad-
ministration des domaines une significa-
tion pour qu'ils eussent à se conformer à
la loi du 14 vent, an VII.
Celle signification ne saurait être suppléée
par les réserves introduites dans l'arrêté
de restitution des biens liligieux (Rés.
impl. par la Cour de cassation, et expl.
par la Cour royale.)

Un motif surérogatoire, et indépendam-
ment de la justesse duquel un arrêt peut
se soutenir, ne peut pas entraîner la nul-
lité de cet arrêt.

PRÉFET DE LA VIENNE

C. DUC DE BORDEAUX, MARIE-THÉRÈSE
D'ARTOIS, ET autres.

Le procès qui s'agitait entre le préfet du département de la Vienne. agissant au nom de l'état, d'une part; et Charles-Ferdinand d'Artois, duc de Bordeaux; Marie-Thérèse d'Artois, 'sa sœur, demeurant à Goritz, comme garants; et treize autres parties ayant même intérêt comme tiers détenteurs ou sous-garants, d'autre part, avait pour objet la terre de Montreuil-Bonnin, qui, suivant le demandeur en cassation, serait domaniale d'origine.

En 1377 le connétable Duguesclin, alors propriétaire de cette terre, l'avait vendue à Jean II, duc de Berri, qui l'avait transmise par droit d'hérédité à son neveu Charles VI, roi de France. Elle passa à titre d'apanage à Charles VII, qui, pour racheter le comte d'Eu, fait prisonnier à la bataille d'Azincourt, la céda pour 40,000 écus d'or à Laurent Vernon, Ecossais au service de France.

1828.

(1 V. Trèves, 50 janv. 1811; Colmar, 26 nov. 1945; Cass. 11 mars 1817; Montpellier, 16 juil. V. surtout Cass. 14 juin 1850 qui présente une analogie complète avec le procès actuel. V. Coin-Delisle, Comm, analyt., sur les

art. 14 et 15 C. civ.

Il est à remarquer que les lettres patentes constatant cette aliénation sont du mois de mars 1423, bien antérieures par conséquent à l'édit de 1566, et ne contiennent aucune clau

se de retour, aucun droit de rachat.

La terre de Montreuil-Bonnin passa depuis entre les mains du marquis de Courtaumer, qui en 1774 en fit la vente au sieur Forieu. Elle fut saisie à la requête des créanciers de ce dernier.

Le comte d'Artois, apanagiste du Poitou, intervint sur la saisie, et déclara que, cette terre étant un domaine engagé, il entendait exercer le retrait domanial. La domanialité fut contestée par les créanciers de Forieu et par le marquis de Courtaumer, qui soutinrent en outre que le prince n'était pas recevable à faire le rachat d'une terre aliénée par le roi pour retirer un prince du sang des prisons d'Angleterre.

Par arrêt du 26 juin 1784, le parlement ordonna la remise du domaine au comte d'Artois, qui en conserva la jouissanee jusqu'à l'époque où il fut confisqué en exécution des lois sur l'émigration. Une portion fut vendue nationalement.

La loi du 5 déc. 1814 ayant ordonné la remise des biens confisqués qui se trouvaient encore entre les mains de la nation, la commission chargée de la remise desdits biens prit le 19 déc. 1815 un arrêté qui, en ordonnant que les biens restant, consistant dans le parc de Montreuil, forêts et bruyères, seraient remis

au comte d'Artois, déclarait dans ses considérants « qu'il résultait des renseignements fournis par l'administration des forêts et des domaines que les biens réclamés appartenaient à titre particulier à Son Altesse Royale, qu'ils avaient toujours été considérés comme patrimoniaux »; et cependant le dispositif de cet arrêté, tout en ordonnant la remise, réserve expressément les droits de l'état et l'application des lois des 14 vent. an VII et 11 pluv. an XII.

Le comte d'Artois fit le 9 nov. 1819 donation entre vifs et irrévocable de la terre de Montreuil-Bonnin (telle qu'elle lui avait été restituée) au duc de Berri, son fils puîné.

Au décès du duc de Berri, la nue propriété de ces biens passa au duc de Bordeaux et à sa sœur, alors mineurs.

Par suite de la loi du 10 avril 1832, les biens dont il s'agit ayant été vendus à divers acquéreurs, l'administration des domaines fit, seulement aux dates des 2 mars 1837 et 6 janv. 1840, signifier aux détenteurs des biens litigieux sommation de se conformer aux art. 13, 14 et 15, de la loi du 14 vent. an VII, en soutenant que ces biens, étant de nature domaniale, étaient des biens engagés.

Par jugement du 29 mars 1844, le tribunal de Poitiers a considéré la terre de MontreuilBonnin et les biens dont il s'agit comme étant d'origine domaniale; mais il a déclaré le domaine de l'état déchu de tous les droits qu'il aurait pu y prétendre, pour ne s'être pas conformé aux dispositions de la loi du 12 mars 1820, et a décidé qu'au moyen de cela il n'y avait pas lieu de s'occuper des questions de garantie et d'arrière-garantie, et, par suite, il

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