par l'intervention des Divinités fabuleuses, & les preftiges de la Mythologie difparoîtroient devant les charmes majestueux de la fageffe & de la raison. » Nos Prophetes, dit » un Journaliste célebre, à les regarder même » du côté de ce qu'on peut appeller talent poétique, font autant au-deffus d'Homere, » qu'Homere eft fupérieur aux autres Poëtes. » Ifaïe, envisagé fous des traits profanes, eft » un beau génie qui répand la flamme für » tout ce qu'il touche. Tous les pinceaux » font dans fes mains. Traite-t-il l'aimable » ou le tendre? c'eft la nature parée de » toutes fes grâces. S'éleve-t-il dans les » Cieux ? il nous déploie la gloire & la puif » fance d'un Dieu, il nous fait entrer dans » le fecret de fa Grandeur. Le peint-il armé » de fes vengeances? Ifaïe defcend jusqu'à » nous au milieu des éclairs & du tonnerre. » Nous voyons fous le bras d'un Dieu ex » terminateur les Empires fe heurter, fe bri» fer, s'évanouir en pouffiere; nous enten» dons le fracas de la terre qui fe diffout; » en un mot, ce Poëte facré nous remplit, » nous penetre de ses images. Voilà la fource » du vrai fublime, de cette belle, de cette » grande Poéfie qui cache fon front dans » les Cieux, & qui de fes pieds touche les » voûtes des enfers. L'Écrivain qui traite » ces fortes de fujets n'est plus un homme » ordinaire, c'est un Dieu qui dicte fes ora»cles; la terre l'écoute en filence, & le » Lecteur s'éleve avec le Poëte, & fe pé» netre de la grandeur de Dieu & de la pe» titeffe de l'homme. » (Ann.. Litt.) Je fuis bien éloigné affurément de vouloir déprimer les Anciens, & leur disputer l'eftime dont ils jouiffent depuis tant de fiècles, & qui leur eft dûe à tant d'égards. Je fouhaiterois feulement, & c'eft-là l'unique but de mes obfervations, que les hommes chargés de l'éducation de la Jeuneffe, vouluffent, à l'exemple du grand Boffuet, analyser les Poéfies des Livres faints, & mettre fouvent en paralelle les Écrivains inspirés avec les Auteurs claffiques. Ils apprendroient ainfi à leurs Éleves, par cette difcuffion littéraire, que les plus beaux morceaux, les traits les plus frappans qu'on admire avec tant de plaisir, qu'on cite avec tant d'enthousiasme chez les Poëtes profanes, fe trouvent au centuple dans les divins Cantiques de Moïfe & de David, avec cette différence effentielle qui fépare à jamais les Écrits marqués du sceau de l'inspiration divine, de ceux qui ne font que de pures productions de génies mortels. En familiarifant ainfi de bonne heure avec les Écrivains facrés ces efprits ardens & avides de connoiffances, ils les accoutumeroient infenfiblement à n'entendre, à ne goûter, à n'eftimer que le vrai, à ne s'attacher qu'à lui feul; à ne donner enfin, felon le fage confeil du refpectable Abbé Fleury, (a) à ne donner à la Poéfie que des sujets dignes d'elle, & à la réconcilier avec la véritable Philofophie, c'est-à-dire, avec la bonne morale & la folide piété. Faire des vers médiocres en ce genre, n'eft pas un grand malheur; mais abuser de fon talent poétique, en le confàcrant au triomphe du vice & de l'impiété, c'eft un crime affreux digne de l'horreur de tous les honnêtes gens. On peut appliquer au plus grand nombre de nos Poëtes ce que le judicieux Écrivain que je viens de citer dit de Bocace & de Ronfard. » A les lire, dit-il, on ne devine»roit jamais qu'ils ayent été Chrétiens; & (a) Difcours fur la Poéfie en général, & fur celle des Hébreux en particulier. » quoique l'on écrive aujourd'hui d'une ma»niere plus naturelle & plus intelligible à >> tout le monde, le fond n'en vaut gueres » mieux qu'il n'a jamais valu, & les prin»cipaux fujets qui occupent nos Beaux» Efprits, font encore les amourettes & la >> bonne chere: toutes les chansons ne ref» pirent autre chofe, & l'on a trouvé le » moyen, malgré toute l'antiquité que l'on » prétend imiter, de fourrer l'amour avec >> toutes fes baffeffes & fes folies dans les » Tragédies & dans les Poëmes héroïques, » fans refpecter la gravité de ces Ouvrages, » que l'on dit être fi férieux, & fans crain>>dre de confondre les caracteres des Poë>>mes, dont les Anciens ont fi religieusement » obfervé la diftinction. Il eft vrai que depuis >> environ trente ans, on a moins cultivé » le genre férieux que la raillerie, foit bur» lefque & folle, foit fatyrique & piquante. |