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que

Une vérité qu'on ne peut méconnaître, parce qu'elle se reproduit constamment dans l'histoire de la police, c'est que les progrès de cette institution, aussi bien les améliorations qu'elle a contribué à introduire dans le gouvernement de la cité, sont dus à l'unité de direction; tandis que de déplorables erreurs, et des conflits plus déplorables encore, parce qu'ils ont presque toujours été suivis de quelque calamité publique, ont signalé les époques où ces attributions importantes étaient divisées entre plusieurs magistrats. Si l'expérience n'avait pas suffisamment constaté ce double résultat, si les faits que nous avons déjà exposés pouvaient laisser quelque doute dans les esprits, ce doute ne serait plus possible après ce qu'il nous reste à dire.

Par un édit de 1666, Louis XIV avait pourvu én grande partie aux moyens d'établir l'ordre, la sûreté et la propreté dans la capitale; mais l'absence d'une autorité indépendante dans sa marche, et spécialement chargée du soin de la police, empêchait que les améliorations qu'il avait projetées ne reçussent une entière et constante exécution.

Avant cette époque, ainsi que nous l'avons déjà dit, la police, qui faisait une des grandes attributions du prevôt de Paris, était exercée sous la haute surveillance et l'autorité du Parlement, par deux lieutenants au Châ

Lezeau, de Machault, de Sève, de Ménardeau, de Morangés, de Poncet, de Boucherat, de la Marguarie, Pussort, Voisin, Hosman et Marin, tous magistrats ou administrateurs distingués.

telet, l'un civil et l'autre criminel, conformément à un arrêt du Parlement de février 1572. Le prevôt des marchands et le bureau de ville avaient dans leurs attributions tout ce qui concernait les approvisionnements par eau et les fêtes publiques.

Ce partage de l'autorité et les formes établies par les anciens usages pour l'exécution des règlements et les mesures d'ordre à prescrire, ne permettaient pas aux autorités existantes de veiller suffisamment à l'administration d'une ville qui commençait à prendre de grands accroissements.

C'était donc une évidente nécessité que la création d'une magistrature unique chargée de la police. Nous avons vu que, sur la proposition du conseil de police, le roi s'empressa d'y pourvoir par l'édit de mars 1667.

Pour se faire une idée exacte des attributions confiées au lieutenant de police, il importe de donner ici l'analyse de cet édit de création :

«Notre bonne ville de Paris, y est-il dit, étant la capitale de nos états et le lieu de notre séjour ordinaire, nous avons estimé que rien n'était plus digne de nos soins que d'y bien régler la justice et la police, et nous avons donné notre application à ces deux choses. Elle a été suivie de tant de succès, et plusieurs défauts de la police ont déjà été si heureusement corrigés, que chacun, excité par la commodité qu'il en reçoit, concourt et prête volontiers la main pour la perfection d'un si grand ouvrage.

«Mais il est nécessaire que la réformation que nous y apportons soit soutenue par des magistrats; et comme les fonctions de la justice sont souvent incompatibles et d'une trop grande étendue pour être bien exercées par un seul officier dans Paris, nous aurions résolu de les partager, estimant que la justice contentieuse et distri

butive, qui requiert une présence actuelle en beaucoup de lieux et une assiduité continuelle, soit pour régler les affaires des particuliers, soit pour l'inspection qu'il faut avoir sur les personnes à qui elles sont commises, demandent un magistrat tout entier; et que d'ailleurs la police, qui consiste à assurer le repos public et des particuliers, à purger la ville de ce qui pourrait causer les désordres, à procurer l'abondance, et à faire vivre chacun selon sa condition et son devoir, demandait aussi un magistrat, qui pût être présent à tout: à ces causes, etc. »>

L'édit supprime, en conséquence, l'office de lieutenant civil au Châtelet, et crée deux officiers du prevôt de Paris, l'un qualifié lieutenant civil, l'autre lieutenant de police; il règle ensuite les fonctions et attributions de ces deux magistratures, dont la réception se faisait au Parlement, où les titulaires prêtaient serment. Le roi se réserve la disposition de ces deux charges pour en pourvoir qui bon lui semblera, en remboursant à ceux qui en jouissaient à la date de l'édit le prix de leur acquisition.

L'édit, après avoir déterminé et classé les droits, fonctions et compétence du lieutenant civil, expose ainsi les attributions du lieutenant de police:

« Il connaîtra de la sûreté de la ville, prevôté et vicomté de Paris, du port d'armes prohibées par les ordonnances, du nettoiement des rues et places publiques; il donnera les ordres nécessaires en cas d'incendie ou d'inondation; il connaîtra de toutes les provisions nécessaires pour la subsistance de la ville, amas, magasins qui en pourront être faits, du taux et prix d'icelles, de l'envoi des commissaires et autres personnes nécessaires sur les rivières pour le fait des amas de foin, bottelage, conduite et arrivée d'icelui à Paris, comme faisait ci-devant le lieutenant civil exerçant la police;

Règlera les étaux des boucheries et adjudications

d'iceux; aura la visite des halles, foires ou marchés, des hôtelleries, auberges, maisons garnies, brelands, tabacs (tabagies) et lieux mal famés;

<«< Aura la connaissance des assemblées illicites, tumultes, séditions, désordres qui arrivent à l'occasion d'icelles; des manufactures et dépendances d'icelles; des élections des maîtres et gardes des six corps des marchands, des brevets d'apprentissage et réception des maîtres, de la réception des rapports des visites desdits gardes, de l'exécution de leurs statuts et règlements, et des renvois des jugements ou avis de notre procureur sur le fait des arts et métiers, et ce, en la même forme et manière que les lieutenants civils exerçant la police en ont ci-devant usé;

« Pourra établir les poids et balances de toutes les communautés de la ville et bourgs d'icelle, à l'exclusion de tous autres juges; connaîtra des contraventions qui seront commises à l'exécution des ordonnances, statuts et règlements faits pour le fait de l'imprimerie par les imprimeurs, en l'impression des livres et libelles défendus, et par les colporteurs en la vente et distribution d'iceux.

<«<Les chirurgiens seront tenus de lui donner des déclarations de leurs blessés, et qualités d'iceux ; pourra connaître de tous les délinquants pris en flagrant délit en fait de police; leur faire et parfaire leur procès sommairement, et les juger seul, sinon ès-cas où il s'agira de peines afflictives, et audit cas, en fera son rapport au présidial (du Châtelet) en la manière accoutumée; et généralement appartiendra audit lieutenant de police l'exécution de toutes les ordonnances, arrêts, règlements concernant le fait d'icelle, circonstances et dépendances, pour en faire les fonctions, en la même forme et manière qu'ont fait ou ont été en droit de faire les ci-devant pourvus de la charge de lieutenant civil

exerçant la police. Le tout sans innover ni préjudicier aux droits et juridictions que pourraient avoir les lieutenants criminels, particuliers, et notre procureur audit Châtelet, et même les prévôts des marchands et échevins de la dite ville, de connaître les matières ci-dessus mentionnées.

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«Seront tenus, les commissaires au Châtelet, huissiers et sergents, d'exécuter les ordres et mandements dudit lieutenant civil et de police; même le chevalier du guet, lieutenant criminel de robe courte, et prevôt de l'ile; comme aussi les bourgeois de prêter main forte à l'exécution des ordres et mandements, toutes les fois qu'ils en seront requis.

« Aura ledit lieutenant de police son siége ordinaire particulier dans le Châtelet, en la chambre précédemment appelée la chambre civile, et entendra en icelle les rapports des commissaires, et y jugera sommairement toutes les matières de police, les jours de chacune semaine, ou à tel jour qu'il jugera nécessaire.

« Jouiront, lesdits lieutenants civils et de police, des mêmes droits, avantages, honneurs et prérogatives qui leur ont appartenu, et dont ont bien et dûment joui ou dû jouir lesdits ci-devant lieutenants civils, etc.» (1)

(1) L'édit de mars 1667 fut complété successivement par divers arrêts, et ordonnances ayant pour objet, soit d'étendre, soit de définir les attributions du lieutenant de police. Ainsi on trouve dans les collections:

Arrêt du conseil du 14 avril 1667, portant défenses au bailli du palais, et à tous autres juges, de troubler le lieutenant de police et les officiers du Châtelet de Paris dans la connaissance et les fonctions de la police générale,

Arrêt du conseil du a1 avril de la même année, portant que les ordonnances du lieutenant de police pour les provisions et les subsistances de Paris seront exécutées dans toute l'étendue du royaume;

Déclaration du roi du 18 avril 1674, qui réunit à l'office de lieutenant de police de l'ancien Châtelet de Paris celui qui avait été créé pour le nouveau › pour être exercé par le même magistrat en l'un et l'autre siége,

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