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Faillite.--Effets de commerce.- Revendication.— Compte courant.

Créditeur.

Les expressions de créditeur et débiteur employées dans l'art. 584 du code de commerce, relatif à la revendication d'effets de commerce passés en compte courant avec un failli, doivent-elles s'appliquer seulement à la contexture des comptes et non à leur résultat, de telle sorte que le revendicant, s'il figure à la fois dans le compte comme créditeur et comme débiteur, ne puisse pas, par cela même, obtenir la restitution des effets qu'il réclame, quoique la balance du compte le constitue créancier du failli, à l'époque des remises? (Rés. nég.)

Spécialement Celui qui était en compte courant avec un failli, à raison de recouvremens réciproques, peut-il revendiquer des effets de commerce entrés dans ce compte, lorsque ces effets se trouvent en nature et non échus dans le portefeuille du failli, et qu'il est établi par le compte que le revendicant était toujours demeuré créancier du failli, à l'époque des diverses remises qu'il lui a faites? (Rés. aff.)

(Bosseront contre les syndics de Rachon et Comp.)

E

Le sieur Bosseront, banquier à Agen, était en relation d'affaires avec les sieurs Rachon et Comp. de Montauban, depuis le mois de septembre 1822.

Ces deux maisons se remettaient réciproquement des effets de commerce à recouvrer; il s'établit entr'elles, à raison de ces opérations, un compte courant et d'intérêts.

Seconde Partie.

Les livres indiquent que les effets envoyés par le sieur Bosseront étaient de plus forte valeur que les effets envoyés par les sieurs Rachon et Comp., et le laissaient toujours créancier de ces derniers.

En novembre 1822, la maison Rachon et Comp. suspend ses paiemens. La faillite est déclarée.

A cette époque, trois effets de la valeur de 2,233 fr., envoyés par le sieur Bosseront et non encore échus, se trouvaient dans le porte-feuille du failli.

Le sieur Bosseront les réclame des syndics de la faillite. Ceux-ci les lui refusent.

Le 21 mars 1823, il dirige contr'eux une demande en revendication de ces effets devant le tribunal de commerce de Montauban.

Le 29 avril, jugement qui rejette cette demande. Les motifs de ce jugement sont ainsi

conçus :

Considérant que, dans toutes les dispositions du code de commerce relatives à la revendication, il est facile de reconnaître qu'il a été dans la pensée et dans la volonté de ses auteurs de restreindre, dans les bornes les plus étroites, la faculté de la revendication, et de la limiter à des cas si simples et si évidens qu'elle ne pût plus devenir une source intarissable de procès, comine sous l'ancienne législation;

>> Qu'en admettant ce principe incontestable, on ne peut présumer que le législateur ait voulu se contredire lui-même, en introduisant, dans la loi, un article qui exposerait aux mêmes dangers, et ferait renaître les mêmes inconvéniens qu'il a voulu prévenir;

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Que l'art. 584 du code de commerce s'exprime ainsi :

» La revendication aura pareillement lieu pour

les remises faites sans acceptation ni disposition si elles sont entrées dans un compte courant par lequel le propriétaire ne serait que créditeur; mais elle cessera d'avoir lieu si, à l'époque des remises il était débiteur d'une somme quelconque ; »

>>

Que les termes débiteur et créditeur ont, dans le commerce, une signification bien connue, et applicable seulement à la tenue des livres; que ces termes sont corrélatifs à ceux de crédit et de débit, et ne peuvent s'appliquer qu'à la contexture des comptes, et non à leur résultat ;

Que le législateur faisant usage une seule fois, dans le code, de ces termes techniques, ne peut être présumé avoir voulu leur attribuer un différent, avec d'autant plus de raison. que, dans ce cas, il aurait pu s'exprimer d'une manière plus succincte, et avec des termes généralement usités;

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Que M. Pardessus, dans son Cours de droit commercial (chap. des revendications), ne laisse pas de doute sur le sens dans lequel, en parlant d'un compte courant, on doit prendre les mots débiteur et créditeur; que, dès-lors, la loi ne peut être présumée les avoir entendus dans un sens autre que celui qui leur est donné dans l'usage du commerce; qu'on doit donc les prendre dans leur acception ordinaire, et non en dénaturer le sens pour leur faire prendre celui de créancier ;

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Qu'en règle générale, les remises d'effets confondues dans un courant d'affaires réciproques, et passées au compte courant, ne peuvent être revendiquées, à moins que le propriétaire des effets n'ait prévenu cette confusion, en donnant à ses remises l'une des destinations spéciales indiquées dans l'art. 583 du code de commerce; que l'état particulier du compte courant, et le défaut d'affaires réciproques produisent le même effet, dans l'espèce prévue

par l'art. 584, qui n'est que la suite et la conséquence de l'art. 583;

» Que le sieur Bosseront est d'autant moins fondé à prétendre que ses effets ne se sont point confondus avec ceux du failli, qu'il résulte de la correspondance que son intention était de fournir aux sieurs Rachon et Comp. tous les fonds que ceux-ci pourraient employer, en leur faisant des retours, non en valeurs ordinaires de la place, mais en valeurs rares, et donnant de gros bénéfices, sous la condition que lesdits sieurs Rachon et Comp. ne seraient jamais en avances de caisse, et que, par conséquent, les intérêts lui seraient toujours payés à 6 pour cent par les sieurs Rachon et Comp., qui ne retiraient aucun droit de commission; d'où il résulte qu'en attendant que ces valeurs fussent trouvées, il fallait bien que les fonds fussent à la disposition des sieurs Rachon et Comp., qui d'ailleurs en payaient les intérêts; par où l'on voit que le sieur Bosseront a évidemment donné à ses fonds une destination toute différente de celles indiquées par l'art. 583, qui seules donnent le droit de revendiquer. »

Le sieur Bosseront a émis appel de ce jugement devant la cour royale de Toulouse.

ARRÊT INFIRMATIF.

» Attendu que, suivant l'art. 584 du code de commerce, la revendication des effets de commerce non échus ou non encore payés, sans acceptation, ni disposition, a lieu lorsque les remises se trouvent en nature dans le porte-feuille du failli, à l'époque de la faillite, et même lorsqu'elles sont entrées dans un compte courant, par lequel le propriétaire ne sera que créditeur, la revendication ne doit cesser d'avoir lieu

et que

que dans le cas où, à l'époque des remises, était débiteur d'une somme quelconque ;

il

>> Attendu que ces dernières expressions montrent que le législateur n'a exclu la revendication que lorsque le propriétaire se trouvant devoir une somme quelconque, à l'époque des remises, il est censé les avoir envoyées, et le failli les avoir reçues en paiement et en acquit de tout ou de partie de ce qui était dû au failli, sauf réglement sur le solde, s'il y en a de part ou d'autre;

» Que l'interprétation donnée à cet art. 584, par les premiers juges, serait abolitive du droit de revendication dans le cas où les remises sont entrées dans un compte courant, puisque n'y ayant jamais de compte courant sans qu'il y ait des articles au débit et au crédit des deux parties, le propriétaire des remises se trouverait toujours débiteur, dans le sens que les premiers juges ont attribué à l'art. 584;

t

» Attendu que le sieur Bosseront a été constamment créditeur aux époques des diverses remises par lui faites au sieur Rachon;

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Que celui-ci n'était que son mandataire chargé de faire le recouvrement pour son compte, sans acceptation de la part dudit Rachon, et sans disposition de la part du sieur Bosseront

etc.

LA COUR ordonne que les syndics remettront au sieur Bosseront les quatre effets de commerce portés au compte courant dont il s'agit; à défaut, les condamne à lui en payer le montant, avec intérêts, etc.

Du 5 mars 1825. Cour royale de Toulouse, 3. chambre. Prés. M. DE CAMBON. Plaid. MM. FÉRAL et DÉCAMPS.

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