donné, dans le clergé, une influence à celui qui en était le dispensateur..... Long-temps on l'a cherché, maintenant on sait où le trouver; car le budget porte un article de 60,000 francs pour les bureaux de M. le grand aumônier. Il est bien évident que cette dépense n'a pas trait à l'administration de la chapelle dont il est le chef. Elle se rapporte donc à ce que l'on appelait jadis la feuille des bénéfices. C'est donc le grand aumônier qui choisit les hommes qui occupent les premiers postes d'un département rétribué par l'Etat.... et cela se fait sans responsabilité, sans contrôle, dans un gouvernement représentatif! Il faudrait se bien entendre et se demander dans quel gouvernement on vit et l'on veut rester. Quiconque manie les deniers de l'Etat, nomme aux emplois de l'Etat, est ministre et responsable, ou bien délégué de ministre. Quel est au juste en France l'état de grand aumônier? A quel titre a-t-il une administration et pourvoit-il aux emplois? Je ne connais rien de plus grave dans l'Etat, que le choix des chefs d'un aussi grand corps que l'est le clergé, car il aura nécessairement l'esprit de ses chefs; par conséquent, pour qu'il ne devienne pas nuisible, il faut s'en bien assurer; car, si par malheur ces chefs unissant à beaucoup de vertus religieuses, une connaissance in suffisante du temps, un éloignement naturel et calculé de ce qui existe, venaient à ne pas se bien entendre avec la nation au milieu de laquelle ils siégent dans des postes élevés; s'ils propageaient ou fortifiaient parmi le clergé un esprit d'opposition correspondant au leur propre, alors qu'arriverait-il? C'est que le ministère ecclésiastique serait contraire à l'esprit de la nation, que les ministres religieux seraient en dehors de la nation, que la religion serait séparée d'elle par ses propres ministres, et que ceux-ci, en perdant leur utilité, perdraient leur pouvoir et leur considération; car vit-on jamais un clergé utile et considéré, quand il était séparé de la nation, qui est l'objet de son ministère? Beaucoup d'évêques ont été installés depuis quelques mois et le seront prochainement. J'aime à reproduire les hommages que j'ai déjà rendus à leurs vertus. Mais combien parmi eux sont connus par cet esprit de conduite, de conciliation, et j'allais dire de nationalité, qui peut seul assurer des fruits abondans à leur ministère ? Dans tout autre temps leur choix ne laisserait rien à désirer, mais dans celui-ci, c'est autre chose. L'abondance des vertus privées, de la science théologique ne suffit plus; il faut encore la connaissance des hommes et du temps. S'appliquer uniquement à faire refleurir la religion, n'est pas le moyen assuré d'arriver même à ce but. La plus soigneuse habileté est encore nécessaire pour y atteindre. On navigue entre des écueils. Un parti est toujours attentif à se servir de ce moyen; consentir à l'aider est se condamner à n'être qu'un parti dans un parti, et à perdre toute influence sur la masse; c'est là une des grandes erreurs du clergé moderne. Il met de la confiance dans un petit troupeau, il s'appuie sur des ségrégations de la masse, il s'entoure de confréries en croyant se fortifier par là, il s'affaiblit, car la masse n'est pas là, et c'est sur elle qu'il doit faire porter sa force, car hors d'elle il n'est plus qu'un clergé à part..... Le clergé, et sur-tout les jeunes ecclésiastiques qui se jettent avec ardeur dans le ministère au sortir des séminaires, dépourvus qu'ils sont encore d'expérience, de la connaissance des hommes en général, et de celle de ce temps-ci en particulier, de préférence cherchent à procéder par le rappel strict des observances légales, en quoi ils commettent une grave erreur. Ce n'est plus de ce côté que la religion parle encore au cœur des hommes mais de celui de sa morale, si bien appropriée au bonheur des sociétés, de cette morale que le ciel semble avoir donnée à la terre pour qu'elle ne pût lui reprocher d'avoir rien soustrait à ce qui peut rendre ses habitans heu reux.... Ce langage aura toujours un empire cer tain sur l'esprit des hommes; toujours leur cœur s'ouvrira à ce doux enseignement, toujours leur esprit y souscrira; mais il est permis de croire et de craindre que des prescriptions purement légales ne les frappent ou ne les attachent pas avec autant de force. La morale est une semence qui trouve toujours le cœur préparé pour la recevoir, tandis qu'il se ferme souvent à des exigeances dont il sent moins les avantages, ou dont l'esprit montre le résultat dans le lointain. Le clergé, affecté d'ultracisme et d'ultramontanisme, a de plus contre lui sa coexistence avec les jésuites et les missionnaires. Ce sont les quatre grandes maladies du clergé. Il ne s'agit pas plus ici du panégyrique que de la censure des jésuites. Je m'en suis expliqué avec franchise, impartialité et convenance, dans les quatre Concordats : que tout le monde en fasse autant; mais il s'agit de l'opportunité de leur apparition. Le Pape rentre à Rome, et voilà les jésuites recréés. Ce premier acte signale son retour; un cri de joie se fait entendre d'un côté, un cri d'horreur et d'effroi, de l'autre. Il n'y a point de religion, point d'éducation sans les jésuites, disent les uns; il n'y a pas de paix dans les états, plus de sécurité dans les familles avec les jésuites, disent les autres. Voilà déjà la discorde ravivée à leur nom seul (1); la lutte s'établit. Créés contre le protestantisme et la réformation, les jésuites sont rappelés contre la révolution; un parti s'en empare, les préconise comme ses auxiliaires, les voilà montrés à toute la France comme contrerévolutionnaires. Or, il ne peut exister une plus déplorable recommandation aux yeux des Français que l'affiche de la destruction méditée et jurée de ce qui constitue leur existence nouvelle, leurs intérêts les plus chers, les plus généraux, et cependant c'est de la ruine de tous ces biens que l'apparition des jésuites vient leur donner l'avantgoût. Lorsqu'on créa les jésuites, ils entraient dans les int rêts de la majorité des Français, de là leurs succès; lorsqu'on les recrée, ils sont contraire aux intérêts de cette même majorité du peuple français, de là leur disgrâce. La position était inverse; l'effet devait être dissemblable. Maintenant, que l'on dise des jésuites en bien ou en mal tout ce que l'on voudra, ce n'est plus la question actuelle; la voici : un grand corps de prêtres, précédé par des souvenirs plus que douteux, par des vœux plus qu'indiscrets, par Findication d'un but effrayant pour toute une nation (1) Voyez les Pièces justificatives sous le numéro Jésuites de Fribourg, |