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Le sieur Pernier les transmet ensuite aux sieurs Levrier et Jacquemet par un endossement valeur reçue comptant.

A l'échéance, protêt faute de paiement.

Les sieurs Levrier et Jacquemet, porteurs, assignent le sieur Mercier, souscripteur, et les sieurs Goujon et Pernier, endosseurs, devant le tribunal de commerce de Saint-Claude, en condamnation solidaire au remboursement des deux billets.

Mercier et Goujon soutiennent, en fait, qu'ils n'ont jamais touché la valeur des billets; en droit, ils excipent du défaut d'énonciation dans le corps de ces billets de l'espèce de valeur reçue par le souscripteur; d'où ils induisent que ces titres se réduisent à de simples promesses. Ils excipent, en outre, de l'irrégularité de l'endossement passé par Goujon à Pernier sans énonciation de valeur fournie; ils en concluent que cet endossement est nul, et qu'il n'a pu donner à Pernier le pouvoir de transmettre valablement les effets aux sieurs Levrier et Jacquemet.

Jugement qui rejette la demande des porteurs, à l'égard de Mercier et Goujon, donne défaut contre Pernier, et le condamne à rembourser à Levrier et Jacquemet le prix de la cession nulle qu'il leur a faite des deux billets dont il s'agit, etc.

Les motifs de ce jugement sont ainsi conçus :

« Considérant que tout billet à ordre doit énoncer l'espèce de valeur fournie, à défaut de quoi il n'y a plus qu'une promesse ordinaire, non transmissible par voie d'endossement;

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Considérant, en outre, que si l'endossement d'une telle promesse est lui-même irrégulier par le défaut de mention de valeur, il ne saurait être un

pouvoir suffisant pour le négocier, comme sil s'a− gissait de lettres de change ou de billets à ordre véritables, puisque, en matière de simples billets, on retombe sous l'empire du droit commun, suivant lequel il faut, pour aliéner, un pouvoir spécial et ad hoc ;

» Considérant qu'à la vérité il a été jugé, par arrêt de la cour de cassation du 20 janvier 1814, qu'une lettre de change causée valeur en moi-même, et imparfaite sous ce rapport, acquiert son complément par le premier endossement régulier qui y est apposé, quand même les endossemens précédens seraient irréguliers; mais qu'il n'y a aucune raison d'analogie pour décider, à l'égard d'un simple billet, que le premier endossement régulier dont il est revêtu le régularise lui-même, et le transforme en véritable billet à ordre; que la raison de différence se tire de la nature mène des choses, et de la première règle à consulter en matière d'obligation, à savoir la volonté des parties; qu'en effet, la lettre de change causée valeur en moi-même, au lieu d'être une véritable lettre de change, mème imparfaite, au lieu d'être un contrat quelconque, n'est autre chose qu'un simple projet d'engagement qui, dans l'intention même de celui qui l'a fait, doit devenir un engagement véritable et une lettre de change parfaite, aussitôt qu'il y sera fait un endossement régulier au profit de quiconque fournira la valeur, tandis qu'au contraire un billet où l'on n'a point encore énoncé l'espèce de valeur fournie, s'il n'est pas un billet à ordre, est néanmoins un engagement parfait dans son genre, tel que l'a entendu le souscripteur, et auquel il n'est pas possible à des tiers de rien changer par des endossemens postérieurs;

>> Considérant que

les deux billets du 16 novembre

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1818, souscrits par Mercier au profit de Goujon, n'énoncent point l'espèce de valeur fournie; que l'endossement qui en a été fait par Goujon à Pernier ne porte point qu'il ait été fourni aucune valeur, que, par conséquent, cet endossement est nul, aussi bien que celui passé par Pernier aux demandeurs. »>

Les sieurs Levrier et Jacquemet ont émis appel de ce jugement devant la cour royale de Besançon. Le 24 mars 1821, arrêt confirmatif, d'après les motifs des premiers juges.

Pourvoi en cassation, de la part des sieurs Levrier et Jacquemet, pour fausse interprétation des articles 136, 137, 138, 187 et 188 du code de commerce, et pour violation des principes généraux sur le transport des créances et le mandat.

ARRÊT.

« Sur les conclusions conformes de M. Jourde, avocat-général,

» Vu l'article 138 du code de commerce,

» Considérant que, sans examiner si les billets dont il s'agit peuvent n'être réputés que simples promesses, il est constant que Mercier, qui les a souscrits à l'ordre du sieur Goujon, a consenti et qu'aucune loi ne lui a défendu de consentir à ce

que

ledit Goujon les transférât par la voie de l'ordre, et a, par conséquent, pris l'engagement d'en payer la valeur à celui auquel ils auraient été transmis par un endossement contenant la mention de la valeur fournie ;

» Considérant que les billets dont il s'agit sont parvenus aux sieurs Jacquemet et Levrier par l'en-: dossement régulier que Pernier leur en a passé et avait le droit de leur passer, d'après les dispositions

de l'article 138 du code de commerce; que de la il suit qu'en déclarant les endossemens nuls, et en leur refusant contre Mercier et Goujon, souscripteurs et endosseurs desdits billets, les effets que ces endossemens devaient légalement produire, la cour royale de Besançon a commis une contravention expresse à l'article 138 du code de commerce, cidessus cité, »

LA COUR casse, etc. (1).

Du 18 janvier 1825.- Cour de cassation, section civile. - Prés. M. BRISSON. - Rapp. M. MINIER. -Plaid. MM. NICOD et DALLOZ.

(1) Voy. dans ce Recueil, tom. 3, Ire part., p. 184, un jugement par lequel le tribunal de commerce de Marseille a décidé qu'un billet à ordre causé valeur reçue, est réputé simple promesse, et ne donne lieu qu'à une action civile devant les tribunaux ordinaires.

Dans l'espèce qui vient d'être rapportée, la cause n'a point été discutée sous ce rapport. On ne déclinait pas la juridiction commerciale on soutenait seulement que les billets à ordre réputés simples promesses, ne sont pas transmissibles par voie d'endossement. La cour suprême, en proscrivant ce système par l'arrêt qui précède, n'a pas eu à prononcer sur le caractère des billets dont il s'agit.

Voy. sur la question relative au caractère qu'il faut donner aux billets et lettres de change qui ne contiennent pas l'énonciation de la valeur fournie, les décisions notées tome 2, Ire part., pages 140 el 141 de ce Recueil.

Lettre de change.

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Valeur non exprimée.

Compétence.-Endossement en blanc.

Une lettre de change souscrite par un négociant, à l'ordre d'un autre négociant, conserve-t-elle le caractère d'effet de commerce transmissible par endossement et soumis à la juridiction commerciale, quoique la valeur fournie n'y soit pas exprimée? (Rés. aff.)

Le tireur d'une pareille lettre de change peut-il se prévaloir, contre celui qui en est porteur en vertu d'un endossement en blanc, de l'irrégularité de cet endossement? (Rés. nég.)

N'appartient-il, au contraire, qu'à celui à l'ordre de qui l'effet a été souscrit, ou à ses créanciers, de critiquer l'endossement qu'il en a passé? (Rés. aff.)

L'endossement en blanc vaut-il à celui qui en est porteur pouvoir de toucher comme de négocier? (Rés. aff.)

PREMIÈRE ESPÈCE.

(Fazeuille contre Pomarède.)

LE 19 juin 1823, le sieur Pomarède souscrit, à

Saint-Gaudens, un effet de 2000 fr., à l'ordre du sieur Bascans, VALEUR REÇUE, payable fin décembre suivant, au domicile des sieurs Noël, Sainte Marie et compagnie, à Toulouse.

Le sieur Bascans transmet cet effet, endossé en

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