VIDAL FRENES C. HERNANDEZ ET ESTARICO. n'avaient aucun engagement de fret antérieur,etc. MM. Hernandez et Estarico dirigent à Marseille une maison de commerce très importante, consacrée à la commission de transit pour l'Espagne; aussi ont-ils, à tous les départs des bateaux à vapeur qui font le service des côtes d'Espagne, un certain nombre de colis à mettre a bord. Le 12 sept. 1852, un bateau à vapeur de la compagnie Navigation et Industrie, représentée à Marseille par MM. Vidal frères, venait de partir, et, sur le motif que la place manquait, un grand nombre de colis de MM. Hernandez et Estarico étaient restés à terre.— Le 13, ils envoyèrent au bureau de MM. Vidal leur connaissement de colis qu'ils voulaient faire embarquer pour l'Espagne. Ces connaissements furent reçus, gardés toute la journée; mais le soir on les leur Attendu qu'en l'état d'un pareil engagement retourna en leur disant que, dans l'ignorance pris volontairement envers le public, et sur ledu bateau qui arriverait, on ne croyait pas de- quel il a dû compter, on ne pourrait admettre voir s'obliger; mais qu'une fois le bateau arrivé, qu'une entreprise de cette nature pût établir une on n'aurait qu'à se présenter. En effet, le 15 préférence, sans en justifier, entre les divers char au matin, le Cid arriva; à l'instant même, les geurs qui se présentent les premiers pour prenconnaissements des sieurs Hernandez et Esta- dre place sur un bateau dont le départ a été anrico furent retournés au bureau de MM. Vidal, et noncé, ou refuser leur marchandise tant qu'il y refusés sur le motif que le navire avait déjà son a place à bord; -Que ce serait laisser à une telle plein. Cependant, dans cette même matinée, entreprise un arbitraire incompatible avec la le bureau continua à recevoir les connaissements liberté du commerce, et lui donner le pouvoir de divers autres chargeurs ; il demeura même extraordinaire de frapper d'une espèce d'interdit sous charge encore pendant plusieurs jours. tebet tel commerçant;-Attendu que la question envisagée sous ce rapport par le tribunal, et les faits dont Hernandez et Estarico demandent à faire la preuve étant pertinents et admissibles, il y a lieu de l'ordonner; - Par ces motifs, le tribunal, faisant droit aux fins subsidiaires prises par Hernandez et Estarico, ORDONNE avant dire droit qu'ils prouveront 1°..... 2°..., pour ladite preuve faite et rapportée, etc. (1). MM. Hernandez et Estarico protestèrent et assignèrent les sieurs Vidal devant le tribunal de commerce de Marseille, pour s'entendre condamner à recevoir, dans les 24 heures du jugement à intervenir, à bord de leur navire, pour être transportés aux lieux de leur destination, les colis refusés, sinon à des dommages-intérêts à liquider par état Subsidiairement, ils demandaient à prouver: 1°que dès six heures du matin de la journée du 15 septembre ils avaient demandé place à bord du bateau à vapeur le Cid pour un certain nombre de colis, et qu'il leur avait été répondu par un refus tiré de ce que ledit bateau avait la totalité de son chargement engagée; 2° que, postérieurement à ladite heure et vers la fin de la même matinée, il avait été donné place à bord et reçu des connaissements pour un grand nombre d'autres chargeurs qui à leur convenance, de refuser les marchandises proposées, de donner la préférenceà un chargeur sur un autre, de faire un choix entre les diverses marchandises offertes, etc... S'il en est ainsi, que ne l'annonçaient-ils au public? Ce sont là de ces choses qui l'intéressent à un haut degré. Mais les entrepreneurs ont dû comprendre qu'une publicité de cette nature discréditerait l'entreprise dès l'instant même de son apparition. Ainsi de deux choses l'une ou leur prospectus ne serait qu'un piége tendu à la confiance publique, ce qu'on ne peut admettre; ou il est l'annonce loyale que les transports promis seront exécutés, à moins de quelque obstacle qui ne provienne pas de leur fait, par exemple si la marchandise consiste en certains produits chimiques de nature à causer dommage, soit au navire lui-même, soit aux autres marchandises à transporter. Hors ces cas exceptionnels et les cas de force majeure, le principe de Casaregis est une règle commune à toutes les hypothèses possibles: Iniquum est illos publico programmate "falli (Casaregis, disc. 122, no 24). » Delamarre et Lepoitvin.» (1) Ce jugement causa une certaine émotion chez les directeurs et agents des services de bateaux à dans la liberté de leur industrie, délivrèrent imvapeur établis à Marseille, qui, se croyant menacés médiatement aux sieurs Vidal l'attestation suivante, que nous croyons utile de reproduire en entier : « Nous soussignés, directeurs et agents des compagnies de bateaux à vapeur, déclarons que nous n'avons jamais considéré les avis insérés dans les journaux, indiquant les jours de départ des paquebots, que comme des annonces faites au public pour porter à sa connaissance un fait qui l'intéresse; que ces mots : Pour fret et passage s'adresser au burean du consignataire-armateur, indiquent le droit de celui-ci de traiter et de refuser, suivant sa convenance, les marchandises qui lui ont été proposées, et que, dans tous les cas, ces annonces n'ont pas été et ne peuvent être considérées comme un engagement exprès ou tacite capable d'enchaîner la liberté de la compagnie, et de l'obliger à charger la marchandise au fur et à mesure qu'elle lui est présentée, sans pouvoir donner la préférence à un chargeur sur un autre, ou faire un choir entre les diverses marchandises offertes, et qu'un pareil engagement nous paraîtrait incompatible avee la nécessité d'assortir les cargaisons, et avec les inté rêts du service, surtout lorsqu'il s'agit de bateaux qui desservent plusieurs échelles, et dont les tarifs varient suivant la distance. Nous ajoutons que, jamais, jusqu'à ce jour, il n'était parvenu à notre connaissance qu'un négociant eût manifesté l'intention de demander compte en justice du refus de recevoir sa marchandise, bien que cette circonstance se réalise très fréquemment. » Suivent quatorze signatures. Appel par les sieurs Vidal. On a, dans leur vant la nature de la marchandise; -Considérant intérêt, vivement critiqué la partie des motifs qu'en l'état d'un pareil engagement, pris volondu jugement qui fait résulter un quasi-contrat tairement envers le public, et sur lequel on a dû de l'annonce, répétée dans les affiches et jour- compter, l'on ne saurait admettre qu'une entrenaux, du départ régulier des bateaux, aux jours prise de cette nature pût établir une préférence, fixés et moyennant un fret tarifé. Le tribunal a sans en justifier, entre les divers chargeurs qui donc implicitement admis qu'il n'existait pas se présentent les premiers pour prendre place dans la cause de contrat synallagmatique, de sur un bateau dont le départ a été annoncé, ou convention parfaite, que peut seul former le refuser leurs marchandises tant qu'il y a place à concours de deux volontés. C'est à tort, ajoutait- bord; que ce serait laisser à une telle entreprise on, qu'il a prétendu qu'il ne s'agissait pas d'un un arbitraire incompatible avec la liberté du affrétement, parce que la compagnie serait une commerce, et lui donner le pouvoir extraordientreprise à départs réguliers et à tarif. Qu'im-naire de frapper d'une espèce d'interdit tel ou tel portent ces circonstances si cette industrie et ces commerçant;-Considérant que la question endéparts ne consistent qu'en louage de navire pour visagée sous ce rapport, et, les faits dont Hernanle transport de marchandises moyennant un dez et Estarico ont demandé à faire la preuve prix convenu? Quel nom est-il possible de donner étant pertinents et admissibles, les premiers juà un tel contrat, si ce n'est celui d'affrétement? ges ont dû l'ordonner; -- Considérant qu'aux -Quant aux annonces, disait-on enfin, elles ne termes de l'art. 428 C. proc. civ., les tribusont qu'un appel à des conventions à venir; elles naux de commerce ont la faculté d'ordonner que n'ont d'autre portée que celle d'une offre de venir les parties comparaissent en personne; - Par traiter, contracter, avec celui qui les a faites, sans ces motifs, MET l'appellation au néant; ORque pour cela il cesse, jusqu'à la perfection de DONNE que ce dont est appel tiendra et sortira ce contrat, de rester dans la plénitude de sa li- son plein et entier effet. » berté d'accepter ou de refuser. Il est dans la position de l'ouvrier, ou du fabricant, dont l'industrie et le tarif sont indiqués sur l'enseigne ou dans les journaux, qui n'est cependant pas obligé de travailler pour tous ceux qui le lui demandent, et dont le refus se trouve suffisamment justifié par sa volonté, sa simple convenance, et les variations de son intérêt personnel. Pour les sieurs Hernandez et Estarico, on a répondu que l'action en dommages-intérêts était cuffisamment justifiée par la promesse que fait 1out entrepreneur qui annonce et établit un service public, promesse irrévocable tant que l'entreprise subsiste, et qui donne naissance à un contrat parfait dès que le public se présente et réclame le service annoncé. C'est là un principe général commun à toutes les entreprises publiques, à tout industriel qui s'annonce et fait appel au public. Il est puisé dans la loi romaine, qui dit, en parlant de l'aubergiste, auquel elle assimile le patron ou maître de navire, qu'il ne saurait choisir ses voyageurs et repousser ceux qui se présentent : Viatorem sibi eligere caupo vel stabularius non videtur, nec repellere potest. L. unic., §6, ff., Furti adversus nautas, etc. Du 8 FÉVRIER 1853, arrêt C. Aix, 1 ch., MM. Poulle 1er prés., Bedarride 1er av. gén. (concl. conf.), Rigaud et Guieu av. CASSATION (8 avril 1853). COLPORTAGE, DISTRIBUTION PAR LA POSTE. Le dépôt à la poste, sans autorisation préalable, d'un écrit ou imprimé, placé sous enveloppes cachetées et adressé à diverses personnes auxquelles il est parvenu, ne constitue pas, en dehors de toute distribution personnelle, distincte et indépendante dudit dépôt, le délit de colportage prévu et réprimé par l'art. 6 de la loi du 27 juil. 1849 (1). DE THIEFFRIES. Le sieur de Thieffries s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la Cour de Douai, du 25 janv. 1853, que nous avons rapporté sup. p. 25. Du 8 AVRIL 1853, arrêt C. cass., ch. crim., MM. Laplagne-Barris prés., Aylies rapp., Bresson av. gén., Béchard av. « LA COUR; -- En ce qui touche le moyen tiré de la fausse application de l'art. 6 de la loi du 27 juil. 1849 aux faits énoncés en l'arrêt attaqué: Attendu que cet arrêt reconnaît et déclare que, dans le courant de nov. 1852, et sans autorisation préalable, le demandeur a déposé au bureau de poste de Saint-Amand (Nord) « LA COUR ; — Considérant que la demande trente exemplaires d'un écrit autographié spéd'Hernandez et Estarico n'a pas pour objet l'in-cifié audit arrêt, lequel, placé sous enveloppes exécution d'un prétendu affrétement, dont la preuve, aux termes de l'art. 273 C. comm., doit être établie par écrit ; qu'il s'agit, au contraire, de l'inexécution, alléguée par Hernandez et Estarico, d'un engagement qui s'est formé entre le commerce en général et les compagnies réunies des bateaux à vapeur espagnols tenant la ligne de Marseille à Barcelonne et les divers ports de la côte d'Espagne jusqu'à Cadix, par l'annonce répétée dans les affiches et l'insertion dans les journaux du départ régulier, par mois, aux jours fixés, moyennant un fret également tarifé sui cachetées, était adressé à diverses personnes auxquelles il est parvenu; que le même arrêt ne relève à la charge du demandeur aucun fait de distribution personnelle distinct et indépensi ce dépôt a servi seul de base à la poursuite dant du dépôt dont il vient d'être parlé; qu'ainet motivé la condamnation prononcée; At (1) V. Conf. Cass., 17 août 1850 (t. 1 1851, p. 11). V. aussi nos observations sous l'arrêt attaqué de Douai du 25 janv. 1853 (supra, p. 25), et un jugement da tribunal de Cosne du 14 fév. 1853, que nous avons rapporté en note du même arrêt. tendu qu'il ne constitue pas néanmoins la contravention prévue et punie par l'art. 6 de la loi précitée; qu'il résulte, en effet, du texte et de l'esprit de la loi que cette contravention, quelle que soit d'ailleurs la peine édictée, existe par le fait matériel de la distribution des écrits, et par ce fait seul, sans qu'il y ait lieu de rechercher la culpabilité des colporteurs ou distributeurs au point de vue moral et intentionnel; que cette interprétation peut seule assurer son entière efficacité; que la contravention ne saurait donc exister que sous la condition d'établir directement et personnellement contre les inculpés un fait matériel de colportage et de distribution; —Attendu, à cet égard, que c'est à tort que T'arrêt attaqué pose en principe que le fait est légalement justifié et caractérisé par le simple dépôt des écrits aux bureaux de poste; que c'est s'éloigner évidemment de la vérité même des choses que de confondre ainsi le dépôt antérieur et préalable à la distribution avec la distribution elle-même, qui ne s'accomplit en réalité qu'au moment où la remise des écrits est effectuée entre les mains des tiers destinataires; d'où il suit qu'à s'en tenir au texte de la loi et à ne considérer que la matérialité du fait, ce ne sont pas les déposants, mais très bien les préposés de l'administration des postes, qui sont les agents actifs et personnels de la distribution;- Attendu, d'ailleurs, que les lois et règlements ont attribué à ces préposés la mission de distribuer les écrits de toute nature confiés à la poste, et que, sous ce rapport, ils sont pleinement accrédités et autorisés; - Qu'on ne pourrait exiger que les préposés, pour opérer légalement la distribution des écrits, soient soumis, indépendamment de l'autorisation générale, inséparable de l'exercice de leurs fonctions, à l'autorisation préfectorale, sans attaquer à sa base même l'ordre hiérarchique entre les diverses branches du pouvoir administratif, et sans porter une grave perturbation dans une des parties les plus importantes du service public;-Attendu, enfin, que, s'il est vrai que le législateur de juil. 1849, dans sa juste préoccupation des abus et des dangers du colportage des écrits, ait voulu l'atteindre dans tous les cas et jusque dans les faits de distribution individuelle ac complis en dehors des habitudes du colportage, il n'est pas moins certain qu'il n'a pas voulu, titre et sous peine de contravention, soumettre à l'autorisation préalable des préfets la distribution par la voie de la poste d'écrits de toute origine et de toute nature; - Qu'il résulte, en effet, de toutes les circonstances qui ont accompagné la discussion de la loi du 27 juil. 1849 que nul ne songeait alors à introduire dans la législation existante une modification aussi radicale que celle qui consisterait à conférer à l'administration le droit nouveau de supprimer à son gré toutes les communications écrites, même celles qui, sans sortir du cercle des relations domestiques et privées, affectent à tous les points de vue et sous toutes les formes les intérêts si nombreux et si divers de la vie civile et sociale; — Attendu qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a fait une fausse ap (1) Cette solution de la Cour suprême est-elle exacte? Pour notre part, nous ne saurions le croire, et il nous semble manifeste (est-ce une illusion?) que la vérité était ici du côté de M. l'avocat général Rouland, concluant à la cassation sans renvoi. C'est assurément chose grave qu'une décision ainsi rendue par les magistrats éminents de la Cour régulatrice mais nous avouons néanmoins que nos plus intimes après longue délibération en chambre du conseil ; convictions résistent à l'admission de la doctrine qu'elle consacre. Ce ne sont pas seulement les plus sérieuses autorités sur cette matière qui commandent la solution contraire, c'est aussi et surtout, si nous ne nous trompons, la raison la plus évidente. Merlin, dans ses Questions de droit (vo Contrariété de incontestable et forcée, la cassation sans renvoi jugem., § 2), admet ici comme chose non douteuse, « Le fond de la cause, dit-il, consiste uniquement dans la question de savoir s'il y a entre le jugement attaqué et le jugement en dernier ressort précédemment rendu une contrariété telle que le jugement attaqué ne puisse pas être maintenu. La Cour de cassation ne peut donc pas, d'après l'essence même des choses, casser ce jugement sans juger le fond; elle ne peut donc pas, en le cassant, renvoyer le fond devant une autre Cour.»-Pigeau (Proc. civ., liv. 2, part. 4, tit. 1, chap. 1er, § 14, no 2-3°) professe la même doctrine et avec la même énergie: «Il ya deux cas, dit-il, où il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire devant un autre tribunal. Le premier...; le deuxième, lorsque la cassation est prononcée pour contrariété d'arrêts: l'arrêt qui casse ordonne que, sans s'arrêter au deuxième arrêt ou jugement, le premier sera exécuté suivant sa forme et teneur, d'après le règlement de 1738, part. 1re, tit. 6, art. 6. Cette disposition du règlement de 1738 n'est pas abrogée par l'art. 3 de la loi du 1er déc. 1790, qui déclare que, sous aucun prétexte et en aucun cas, la Cour de cassation ne peut connaître du fond; qu'elle est tenue de renvoyer aux tribunaux qui doivent en con naître. Dans ce cas, il n'y a pas lieu de juger le fond de nouveau; il s'agit seulement de savoir si tel jugement aura son exécution. » M. Tarbé partageait aussi ce même sentiment, puisque, dans sou Recueil des lois et réglements de la Cour de cassation, en donnant la nomenclature des dispositions aujourd'hui abrogées, il n'y range pas l'article précité du règlement de 1738. Et ce que disent Merlin, Pigeau et Tarbé, d'accord avec les conclusions données dans cette affaire même par M. Rouland, la raison ne le dit-elle pas comme eux; et ne peut-on pas, en choisissant une autre formule de démonstration que celle qui est Le commissionnaire de transports qui a reçu auxquelles était joint un bordereau de remboursement de leur valeur, dont ce dernier commissionnaire l'a débité, peut-il exiger ce dinaire, dans le sens de la loi de 1790, dans le sens, dès lors qui doit seul nous occuper ici, c'est la question pour la solution de laquelle les deux plaideurs ont entrepris leur procès, ce procès dont l'instance en cassation n'est qu'un accident: c'était, dans notre espèce, la question de savoir si le sieur Soudée devait payer aux sieurs Courrat la somme réclamée par ceux-ci. Voilà le fond, le vrai fond, Merlin, dont la solution, assurément, est, tout à ce fond que la Cour de cassation ne doit jamais jula fois parfaitement exacte, et aussi très logique-ger, sous quelque prétexte que ce puisse être... Le ment motivée, a cependant eu un tort, qui, fort lé-fond, dans tous les cas de contrariété de jugements, ger sans doute en lui-même, pouvait être grave c'est précisément la question que décident les deux dans ses conséquences, et l'a été en effet. C'est de jugements contraires, en la jugeant le premier dans n'avoir pas choisi avec assez de soin les mots dont il un sens, et le second dans l'autre. Or, cela étant, se servait pour la démonstration de sa thèse. Les il ne peut pas y avoir lieu, dans un tel cas, à renvoi mots sont plus puissants qu'on ne le pense commu- après cassation, par la raison bien simple qu'il n'y nément; et telle idée qui n'a été admise que diffici- a pas lieu à juger le fond, puisque ce fond est jugé... lement et à la longue l'eût été peut-être très faci- Le fond, disons-nous, à la différence de ce qui a lieu lement si son auteur avait eu soin de la mieux pré- dans les pourvois ordinaires, reste ici un point jugé senter... Merlin a eu le tort de dire que, dans le cas après et malgré la cassation. C'est bien évident, de pourvoi pour contrariété de jugements, LE FOND puisque ce fond avait été jugé deux fois, avait été DE LA CAUSE est uniquement de savoir si les deux | l'objet de deux jugements souverains tous deux, et jugements dont l'un est attaqué sont vraiment contraires. que, le seul but et le seul effet de l'arrêt de cassaSans doute c'est bien la le fond pour la Cour de cas- tion étant de supprimer le dernier de ces deux jusation; mais ce n'est pas ce qu'on entend par le fond gements, on se trouve dès lors en face du premier, du procès, ce n'est pas là, entre les parties, le fond de qui contient, et n'a jamais cessé de contenir, la solula contestation qui les fait plaider, ce n'est pas le fond tion souveraine du débat... Dans les cas ordinaires, des affaires dont la loi parle quand elle défend à la quand l'arrêt de cassation a précisément pour effet Cour de cassation de s'en occuper. Si l'on adopte d'anéantir le seul jugement qui tranchait le débat, cette manière de parler de Merlin, il faudra dire | il faut bien, puisque la Cour suprême ne juge pas aussi que le fond de tous les pourvois ordinaires est le fond des affaires, qu'elle renvoie à une juridiction uniquement de savoir si la décision attaquée est ou qui mettra un nouveau jugement à la place du jugenon contraire à la loi, et si dès lors elle doit être ment anéanti; mais ici, qu'il y avait deux jugements cassée ou maintenuc. Rien sans doute ne s'oppose dont le second contrariait le premier, deux jugeà ce qu'on parle ainsi, à ce qu'on distingue deux ments dont le second a été annulé précisément parce fonds au lieu d'un, le fond du procès considéré dans qu'il contrariait le premier, n'est-il pas clair que son ensemble et dans son but définitif, puis le fond la suppression de ce second jugement fait tout ce de l'instance en cassation, qui n'est qu'une des pé- qu'il y avait à faire, et que, le premier étant toujours riodes de ce procès; mais alors, au lieu de pouvoir la, le fond est jugé par lui ?... La théorie est ici fort dire que la Cour de cassation ne doit jamais juger simple, elle se réduit à cette règle élémentaire de le fond, il faudra dire au contraire, pour ce qui est l'arithmétique: De deux, ôtez un, RESTE UN. de ce fond de l'instance en cassation (qui n'est pas du tout le fond de l'affaire), que la Cour de cassation juge TOUJOURS le foud, et qu'ELLE SEULE peut le juger. Ceci est certes bien évident; il est bien clair que si l'on appelle le fond, dans un pourvoi pour contrariété de jugement, la question de savoir si le second jugement est contraire au premier,' puis, dans un pourvoi ordinaire, celle de savoir si la décision allaquée viole la loi et doit être cassée, il est bien clair que c'est la Cour de cassation, ET ELLE SEULE, qui juge et doit juger ce fond... Merlin a donc eu tort, en présence de textes de loi qui défendent à la Cour de cassation de connaître jamais, et sous quelque prétexte que ce soit, du fond, de venir appeler le fond ce dont la Cour de cassation doit connaître toujours, et dont elle peut connaître seule, puisque c'est précisément là l'objet unique de sa mission et de son institution!... Et c'est ce tort de Merlin qui a produit l'arrêt que nous critiquons ici. Merlin disait que, dans le cas particulier de contrariété d'arrêts, la Cour pouvait juger le fond (ce qui était très vrai en entendant la chose comme il l'entendait), et voilà que les magistrats, rapprochant cette proposition de celle qui leur dit, dans la loi, que la Cour ne doit connaître du fond dans aucun cas et sous aucun prétexte, se sont dit que la loi devait l'emporter sur Merlin, et n'ont pas osé, par un scrupule assurément fort honorable, mais peu fondé, suivre la doctrine, très exacte en elle-même, mais très mal formulée, de l'ancien procureur général. Le fond d'une affaire, dans le sens habituel et or Et que devient cette objection, qui a préoccupé et fait dévier, suivant nous, des vrais principes, que jamais, dans aucun cas que ce puisse être, et sous aucun prétexte, la Cour de cassation ne peut connaître du fond de l'affaire ?... Sans doute, jamais elle ne doit juger le fond; mais aussi elle ne le juge pas ici; ni elle ni aucun tribunal ne le jugera, par la raison bien simple, encore une fois, qu'il est tout jugé d'avance... Et qu'on ne disc pas qu'elle le jugerait implicitement ou indirectement en prononçant le maintien du premier des deux jugements: car la Cour n'a pas à maintenir, confirmer ou corroborer ce jugement, qui se maintient et subsiste par lui seul, en sorte que la Cour suprême ne fait rien autre chose que le laisser subsister, comme elle ne fait que laisser subsister toutes les décisions frappées de pourvoi qu'elle rejette. Ici la chose est même plus claire encore, puisque le premier dos deux jugements n'est pas même frappé de pourvoi, mais le second seulement ! En résumé, un arrêt portant cassation pour contrariété de jugements n'est rien autre chose que la suppression d'un second jugement qui en contrariait un premier, d'où la conséquence que celui-ci reste là, jugeant le fond de l'affaire, en sorte qu'il n'y a pas de nouveau jugement à chercher, et dès lors pas de renvoi à prononcer. V. MARCADE. V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Cassation (mat. civ.), nos 1901 et suiv. remboursement du propriétaire ou expéditeur des marchandises? C. Nap. 2102, n° 6,; C. comm. 93 et 106. (Rés. aff. par le jugem. cassé, et nég. par le premier jugem.) SOUDÉE C. COUrbat. ---- des tribunaux différents, en dernier ressort et entre les mêmes parties; - Attendu qu'ils ont été rendus sur le même objet et sur les mêmes moyens; qu'en effet, dans les deux instances sur lesquelles ils ont statué, l'objet du procès consistait dans deux colis de marchandises envoyés à la destination de Marseille par Soudée, par l'entremise d'Hirvoix frères, commissionnaires à Paris, qui s'étaient substitué, dans cette mission, Courrat père et fils, commissionnaires à Marseille, et dont la remise était, à raison de la non-réception de la part du destinataire, réclamée par Soudée, propriétaire et expéditeur, et consentie par Courrat père et fils; Que le seul point en litige entre Soudée et Courrat père et fils, devant les tribunaux de la Seine et de Marseille, consistait en ce que Soudée prétendait n'être obligé à payer à Courrat père et fils, contre la remise des deux colis, que le prix du transport de ces colis de Paris à Marseille, qu'il offrait; et que Courrat père et fils prétendaient avoir, avant de s'en dessaisir, le droit d'exiger, en outre, le prix des deux colis; Attendu que les motifs de ces prétentions respectives étaient, devant les deux tribunaux: de la part de Soudée, que, tout en accompagnant ses deux colis d'un bordereau de remboursement de leur valeur pour le cas où le prix en serait payé par le destinataire, il ne s'était pas dessaisi de la propriété de ces colis, sur lesquels il n'avait reçu ni prix ni aucune avance, ni d'Hirvoix frères, ni de Courrat père et fils; qu'ainsi il avait le droit, en présence de la nonréception de la part du destinataire, d'en réclamer la remise, en payant à Courrat père et fils le prix de leur transport seulement; - De la part de Courrat père et fils, qu'ayant crédité Hirvoix frères, en compte courant, de la totalité de la somme énoncée en la lettre de voiture, tant pour frais de transport que pour prix des marchandises, montant ensemble à la somme de 248 fr. 20 c., ils étaient fondés à exiger le paiement de cette somme préalablement à la remise des colis; Qu'ainsi les deux jugement sont été rendus sur les mêmes moyens de demande et de défense; Attendu que le tribunal de commerce de la Seine, par son jugement du 5 septembre 1849, a ordonné la remise des deux colis de la part de Courrat père et fils à Soudée, à la charge par celui-ci de payer aux premiers seulement le prix du transport de ces colis de Paris à Marseille; Et que le tribunal de commerce de Marseille, par son jugement du 25 avr. 1850, a ordonné cette remise, mais à la charge par Soudée de payer à Courrat père et fils, non seulement le prix du transport, mais en outre le prix même de ces colis; Et qu'ainsi il y a contrariété manifeste entre ces deux jugements; Qu'il suit de là qu'il y a lieu à l'application de l'art. 504 C. proc., et conséquemment à la cassation du jugement du tribunal de commerce de Marseille du 25 av. 1850, attaqué par le pourvoi: « LA COUR (apr. délib. en ch. du conseil); Vu l'art. 504 C. proc. civ.; Attendu que les deux jugements, le premier du tribu- Attendu enfin que, suivant l'art. 3 de la loi nal de commerce de la Seine du 5 sept. 1849, des 27 nov.-1er déc. 1790, sur la formation le deuxième du tribunal de commerce de d'un tribunal de cassation, « sous aucun préMarseille du 25 avr. 1850, ont été rendus par» texte et en aucun cas, le tribunal de cassa En mars 1848, deux colis, destinés au sieur Taggiasco de Marseille, furent remis aux sieurs Hirvoix et Ce, commissionnaires de transports à Paris, par le sieur Soudée. Ces colis, dont la lettre de voiture mentionnait, en outre du prix de transport, le remboursement de la valeur des marchandises, s'élevant à 228 fr., furent adressés, par Hirvoix et Ce, aux sieurs Courrat père et fils, commissionnaires de roulage à Marseille, et la maison Hirvoix et Ce inscrivit le montant de la lettre de voiture au débit de ces derniers. Plus tard, le sieur Soudée reçut avis des sieurs Courrat que, le destinataire n'ayant pu être trouvé, ils tenaient ses marchandises à sa disposition, à la charge par lui de leur rembourser, en sus des frais de transport, le prix de ces mêmes marchandises, prix dont la maison Hirvoix les avait rendus créanciers en le portant à leur débit. Soudée, soutenant ne devoir que les frais de transport, en offrit le paiement et poursuivit les sieurs Hirvoix et Courrat devant le tribunal de commerce de la Seine à fin de re mise des colis. De leur côté, les sieurs Courrat assignèrent les sieurs Soudée et Hirvoix de vant le tribunal de commerce de Marseille en paiement de la somme par eux réclamée. Sur ces deux instances, il intervint: 1° un jugement du tribunal de commerce de la Seine, du 5 sept. 1849, portant en substance que les commissionnaires n'étant privilégiés pour leurs avances que sur les marchandises à eux remises par le propriétaire, et non sur celles qui leur sont adressées par d'autres commissionnaires, simples intermédiaires comme eux, les sieurs Courrat ne pouvaient pas exiger de Soudée le remboursement de la somme dont ils avaient été débités par Hirvoix; 2° un jugement du tribunal de commerce de Marseille, du 25 avr. 1850, qui, «< attendu que la lettre de voiture portait, outre le prix du transport, le remboursement de la valeur de la marchandise, et que ces deux conditions étaient indivisibles », maintient un jugement par défaut précédemment rendu, le 20 juin, et qui condamnait le sieur Soudée à payer intégralement la somme réclamée par les sieurs Courrat. Pourvoi par le sieur Soudée contre le jugement du tribunal de Marseille pour contrariété avec le jugement précédemment rendu à Paris, et pour violation de la chose jugée. DU 28 JUILLET 1852, arrêt C. cass., ch. civ., MM. Bérenger prés., Moreau (de la Meurthe) rapp., Rouland av. gén. (concl. contr.), Jager Schmidt av. |