Images de page
PDF
ePub

enfin l'infame châtelet semble ressuscité; et aved des intentions, qui soat sûrement les meilleures intentions du monde, le tribunal du sixième ar rondissement exerce uae inquisition et dos vexations dont eussent peut-être rougi les juges do l'ancien régime. Nous allons parcouric les informations, et l'on verra quels espèces de délits on reproche aux accusés.

Cinq témoins déposent « que M. Brune leur a tenu des discours annonçant un esprit de sédition contre le décret sur l'état du roi, dans la soirée da 15 (juillet), revenant du club des Jacobins, où l'on avoit arrêté de s'assembler au champ de la fédération pour signer une pétitio contraire à ce décret; d'avoir prêché le républicani me, et dit que les républicains avoient des baïonnettes à opposer aux bons citoyens »>.

1

Des discours annonçant un esprit de sedition.... Quels sont ces discours? Les cinq témoins avoientils qualité pour juger ces discours? ont-ils assez de mémoire pour les avoir retenus? les ont-ils rapportés comme ils ont été débités? Si un discours peut être séditieux, qu'est ce qu'un discours annonçant un esprit de sedition? Ce n'est done plus du sens propre, c'est de l'esprit du discours qu'il s'agit ici, c'est l'esprit de M. Brune que Fon a jugé, et jugé sur le rapport de cinq inli vidus qui se sont imaginés qu'il étoit un séditieux parce qu'il sortoit des Jacobins. Cinq témoins déposent que M. Brune leur a tenu des d scours an nonçant un esprit de sédition: si M. Brune cût parlé en présence de cinq honnêtes gens, de cinq patriotes, ceux-ci diroient au contraire que M. Brune leur a tenu des discours très - sages, très-modérés, très justes, des discours qui n'annonçoient qu'un esprit de patriotisme et de soumission à la loi ca effet, de quoi s'agissoit-il, au rapport même des dénonciateurs? D'une pétition. Qu'est-ce qu'une pétition? L'acte par lequel un ou plusieurs citoyens expriment leur vou sur

tout ce qui tient à la chose publique: M. Brune n'a parlé à ces cinq témoins que d'une pétition à signer au Champ de Mars; il étoit donc loin de la sédition, puisque sédition et pétition sont deux choses absolument contradictoires : les dépositions sont donc fausses; elles sont faites ou par des gens achetés, ou par des gens prévenus; elles sont d'ailleurs en contradiction avea elles mêmes, et c'est ce qui arrivera toutes les fois que l'on permettra à des individus de venir déposer sur l'esprit des discours qu'ils entendront.

M. Brune est encore acousé d'avoir prêché le républicanisme, et dit que les républicains avoient des baionnettes à opposer aux bons citoyens. Encore une contradiction de la part des déposans : les républicains et les bons citoyens ne font qu'un: peut-être est-il possible que dans la France il se trouve encore quelques bons citoyens qui ne sont pas républicains; mais, à coup sûr il est impossible, métaphysiquement impossible, que tous les vrais républicains ne soient pas d'excellens citoyens; ils ne sont que cela, ils ne peuvent être que cela, la république est tout leur bien. Cependant le républicanisme est une des charges les plus fortes que l'on oppose à M. Brune: qui ne voit que ce n'est pas à M. Brune, que c'est au républicanisme qu'on fait le procès ? cette opinion des sages, ce seul gouvernement des hommes libres, prenoit la plus haute faveur; Paris, la majorité des départemens, presque toute la France en étoit à désirer une constitution républicaine: or, cette opinion publique ne gênoit pas peu l'opinion trèsparticulière des monarchistes; et malgré la droiture de leurs intentions, ils ont cru que ce seroit bien fait de sacrifier les républicains, pour étouffer le républicanisme; c'est d'après cela que cinq témoins se sont là trouvés tout prêts, pour dire que M. Brune étoit coupable du crime de répubicanisme.

Buirette de Verrières. « Sept témoins déposént l'avoir vu, monté sur un cheval, le samedi 16 juil. let, excitant les ouvriers et autres personnes qu'il rencontroit à se rendre au chamo de la fédéra tion pour signer la pétition, échauffant les esprits contre le dégret, et se vantant d'être à la tête du rassemblement.

Comme le seul crime de M. Verrières est d'avoir engagé à signer la pétition, ses dignes adversaires seront confondus si l'on démontre que la pétition e'le-même n'est point un crime: or, la pé tition est telle que nous l'avons transcrite dans notre numéro 106; et certes, nous défions qui que, ce soit d'oser dire qu'elle at rien de séditieux, rien de contraire aux prineipes établis par la cons titution qui a consacré la pratique des pétitions d'une manière formelle et non équivoque. Mais, dirat on, si la constitution accorde aux représentés le droit de faire des pétitions à l'assemblée nationale, c'est alors que ses décisions sont encore incertaines; mais une fois que l'assemblée natio nale a prononcé, la voie des pétitions cesse d'êtré ouverte: or, l'assemblée nationale avoit prononcé sur le sort du roi, les individus n'avoient dono plus qu'à se soumettre; et la pétition du 17 juillet doit être regardée comme une rebellion aux đẹ crèts, comme une atteinte formelle à la pureté du systême représentatif.

Nous répondrons, premièrement, que la loi qui accorde aux individus le droit de pétition est une loi simple, claire, et qui ne distingue pas entre les pétitions antérieures et les pétitions posté rieures aux décrets rendus: or, toutes les fois que le législateur, que la loi elle-même n'a pas distingué, il n'est permis ni aux tribunaux, ni aux juges, ni à qui que ce soit d'introduire des distinctions particulières et arbitraires; conséquemment de cela seul que la constitution permet les pétitions, elle les permet autant sur les décrets rendus que sur les décrets à rendre; et par une ultérieuré consé quence,

quence, la pétition du 17 juillet, par cela seul qu'elle est une pétition, n'est point un crime, elle est un acte légal de souveraineté.

Nous direns, en second lieu, que non-seulement le corps constituant n'a point ôté aux citoyens le droit de pétition sur les décrets rendus, mais qu'il n'auroit pas même été en son pouvoir de le faire. La souveraineté du peuple ayant été reconnue, nous ne devons obéissance à la loi qu'autant qu'elle est l'expression de la volonté générale; la voie des pétitions est la seule manière de manifester cette volonté générale : une loi qui défendroit les pétitions après les décrets rendus seroit une entrave à la manifestation de toute espèce de vœu public; empêcher la manifestation du vou public sur les décrets du corps législatif, seroit mettre la volonté du corps législatif à la place de la volonté publique, cet acte seroit un acte de tyrannie; un peuple libre n'obéit point à la tyrannie; conséquemment une déclaration qui défendroit les pétitions sur les décrets rendus seroit nulle, au cunement obligatoire, et tout-à-fait hors du pouvoir des législateurs, qui ne sont, qui ne doivent pas être des tyrans.

Ainsi, soit que M. Verrières ait signé, soit qu'il ait engagé à signer la pétition du 17 juillet, M. Verrières n'est pas coupable; le droit de signer la pétition étoit un droit appartenant à tous, l'on ne fait ni tort ni injure à personne en usant de ses droits.

et

Mais il échauffoit les esprits contre le décret.... Messieurs les déposans voudroient-ils bien nous dire ce que c'est qu'échauffer les esprits contre un décret; comment M. Verrières échauf foit les esprits contre le décret, ce qu'il faisoit, ce qu'il disoit pour échauffer les esprits contre le décret? Disoit-il qu'il ne falloit point y obéir? invitoit il le peuple à assommer ceux qui l'ont porté? offroit-il de se mettre à la tête de cette expéditon? offroit-il de mener Louis XVI à Orléans? No. cxj.

B

de l'assassiner de sa main, parce qu'on ne l'avoit pas livré au bras de la justice ? Si M. de Verrières tenoit ces propos, s'il les accompagnoit de gestes, sans doute il avoit tort, il troubloit l'ordre, et il peut être puni comme séditieux; mais s'il se bornoit à dire que le décret étoit injuste, qu'il trom. poit l'attente de la nation, qu'il étoit impolitique, ab urde, inique, détestable ; qu'il falloit le faire réformer; que, pour y parvenir, il falloit faire une pétition, qu'il falloit signer cette pétition, qu'il falloit la faire signer des 83 départemens; si telle a été la conduite de M. de Verrières, ses ennemis n'ont rien à lui reprocher; il étoit libre de mani fester son opinion sur un décret; et le moyen qu'il employoit pour en obtenir la réforme, est un moyen de soumission, un moyen légal qui n'a pu déplaire qu'à des despotes.

(

Legendre. Cinq témoins déposent lui avoir en» tendu tenir des propos incendiaires contre le dé» cret, contre le commandant-général; dire qu'il » tireroit sur la garde nationale, et avoir vu distria »buer chez lui des écrits incendiaires ». Si M. Legendre a eu la coupable audace de dire du mal de M. de la Fayette, s'il a poussé à ce point la témérité et la scélératesse, il a sans doute commis un erime de lèse-nation, il est dans le cas d'être puni d'une manière exemplaire; mais encore ce n'étoit point au tribunal du sixième arrondissement à le faire pendre, c'étoit à M. le commandant général lui-même, s'il se prétendoit calomnié, à poursuivre son calomniateur. Quant aux propos incendiaires qu'on fait également tenir à M. Legendre contre le décret du 15 juillet, nous ne pouvons que renvoyer à ce que nous venons de dire relativement à M. de Verrières : ou ces propos incendiaires étoient une simple manifestation de son opinion, telle opposée qu'elle pût être à l'esprit de l'assemblée nationale, ou bien c'étoit une provocation formele à la désobéissance. Dans le premier cas, M. Legendre est inculpable; dans le se

« PrécédentContinuer »