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5542. III. Autrefois les tribunaux n'admettaient l'action en cantonnement qu'autant qu'elle était intentée par le propriétaire pour obtenir l'affranchissement du surplus de son fonds : les usagers n'étaient pas reçus à la proposer, parce qu'il n'y a que celui qui est copropriétaire d'un fonds qui puisse en exiger le partage pour en avoir à lui seul une portion, et que le droit d'usage n'étant alors regardé que comme une simple servitude, les usagers ne devaient point être considérés comme associés dans la propriété.

que

C'est en conséquence de cette ancienne tradition l'article 8 de la loi du 27 septembre 1790 déclare que les demandes en cantonnement de la part des propriétaires contre les usagers de bois, prés, marais et autres terrains, continueront d'être exercées comme ci-devant, et seront portées aux tribunaux de districts, qui sont aujourd'hui les tribunaux d'arrondis

semens.

Cette disposition fut confirmée encore par la la loi du 6 octobre 1791, dont le texte sera transcrit ci-après.

Jusque-là il n'y avait que le propriétaire qui fût admis à proposer l'action en cantonnement pour obtenir par ce rachat, fait en nature, la liberté du surplus de son fonds; mais la loi du 28 août 1792 a opéré un changement considérable à cette ancienne jurisprudence, en statuant, article 5, que le cantonnement pourra être demandé tant par les usagers que par les propriétaires; d'où il résulte que, dans l'état actuel de

notre législation, celui qui a un droit d'usage établi à perpétuité doit être considéré comme étant en quelque sorte associé au droit de propriété, puisque la loi lui accorde une action en partage pour obtenir l'adjudication de sa part du fonds (1)..

3343. IV. L'action en cantonnement n'ayant pour objet que des droits de propriété à balancer et compenser de part et d'autre, il est de toute évidence qu'elle reste exclusivement dans les attributions de la justice ordinaire; et comme elle est toute réelle dans son objet, il est évident encore que c'est par-devant le tribunal d'arrondissement de la situation du fonds qu'elle doit être portée en première instance.

SECTION III.

Quels sont les droits d'usage à raison desquels on peut former l'action en cantonnement ?

L'usage peut être personnel ou réel ; il peut avoir pour objet la coupe du bois, ou le pâturage des bestiaux.

3344. I. Lorsqu'il s'agit d'un droit d'usage servitude-personnelle, la division du fonds, par forme d'aménagement, peut bien être demandée de part et d'autre; mais l'action en cantonnement ne peut être forcément exercée ni par propriétaire, ni par l'usager.

le

(1) Voyez ce que nous avons dit à ce sujet, au chap. 76, sous les n. 3063 et 3064.

La division par aménagement est proposable, parce qu'elle ne tend point à changer la condition des parties; et elle doit être communément accueillie, parce qu'elle a pour but de faire cesser l'indivision dans la jouissance.

Nous disons communément, parce qu'il serait possible qu'eu égard à l'exiguité du droit d'usage, qui néanmoins serait répandue sur tout un domaine, on trouvât des difficultés insurmontables à faire sur le fonds un partage convenable aux intérêts des parties.

Au contraire la division par forme de cantonnement ne peut être exigée pour opérer le rachat du droit d'usage servitude- personnelle, parce que la valeur de ce droit est absolument incertaine, pris égard à l'incertitude où l'on est nécessairement sur la longévité de l'usager, d'où il résulte que le rachat n'aurait que l'effet d'un jeu purement aléatoire, ce qui fait qu'il ne peut être forcément ordonné, parce que personne ne peut être condamné à jouer son bien.

Nous croyons encore qu'on devrait admettre la même décision à l'égard du droit d'usage qui aurait été concédé à quelqu'un tant pour lui que pour sa postérité, sans le rattacher, comme servitude réelle, à la possession d'aucun fonds; car, quoiqu'en ce cas la durée du droit d'usage dût être plus étendue, néanmoins son terme étant également incertain, il y aurait toujours même impossibilité d'en faire l'estimation, et même jeu aléatoire dans le rachat.

Ainsi, sous le rapport de sa nature propre, il n'y a que le droit d'usage servitude-réelle,

raison duquel l'action en cantonnement soit recevable.

5345. II. En considérant le droit d'usage comme servitude réelle, la règle générale est que l'action en cantonnement est admissible de part et d'autre pour en opérer le rachat; et cela est sans difficulté lorsqu'il s'agit d'un droit d'usage qui a pour objet une prise de bois quelconque dans la forêt d'autrui.

Mais doit-on admettre aussi l'action en cantonnement de la part des usagers, lorsqu'ils n'ont qu'un droit de vaine pâture dans la forêt grevée de leur usage ? II y a des personnes qui ont élevé du doute à cet égard, et c'est cela que nous nous proposons d'examiner ici.

Pour bien éclaircir cette question et en écarter toutes les notions qui lui sont étrangères, il faut d'abord observer en quoi le vain pâturage dans les bois convient avec la vaine pâture dans les champs, et en quoi il en diffère.

Ces deux droits conviennent en ce que l'un et l'autre n'ayant pour objet qu'un produit de peu de valeur, on doit présumer que le pâturage dans les bois n'est naturellement, comme la vaine pâture dans les champs, qu'un droit purement facultatif.

Mais les choses qui ne sont, par elles-mêmes, que de pure faculté, peuvent dégénérer en droit de servitude, et sous ce rapport de conversion d'une espèce en une autre, il y a une grande différence à remarquer entre le vain pâturage dans les bois et la vaine pâture qui s'exerce sur les autres terres différence qui dérive de la

cause originelle de l'un et l'autre de ces droits. Comme nous l'établirons mieux encore dans le chapitre où nous traiterons généralement de la vaine pâture, celle qui s'exerce sur les champs après la levée des récoltes, a sa cause originelle dans une société tacite par laquelle les propriétaires sont convenus de laisser en commun la jouissance du produit de peu de valeur qui reste sur ces fonds, et cette société tacite est fondée sur la nécessité même, parce que les divers propriétaires de champs qui souvent sont de peu d'étendue, ne pourraient, chacun en ce qui le concerne, faire paître leurs bestiaux par troupeaux séparés et exclusivement sur les fonds qui leur appartiennent, sans éprouver des embarras tels que les inconvéniens, résultant d'une telle pratique, l'emporteraient de beaucoup sur l'utilité qu'ils pourraient retirer d'un pâturage d'ailleurs si peu productif.

Il n'en est pas de même de ce que l'on appelle le vain pâturage dans les bois : s'il est dû à la généralité des habitans d'une commune, c'est sur la forêt d'un seul qu'il s'exerce: on n'en jouit pas pêle-mêle ou confusément, par rapport à la multiplicité de petits cantons de bois possédés par divers propriétaires, comme on jouit confusément de la vaine pâture ordinaire, par rapport à la multiplicité des héritages qui y sont soumis et qui appartiennent aux divers habitans: il n'y a donc pas ici de mise de fonds conférés en commun de la part de ceux qui jouissent du pâturage, comme il y a mise de fonds respectivement conférés en commun de la part des ha

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