pouvoir, & les modèles de l'obéiffance. Il fit d'admirables réglemens; il fit plus, il les fit exécuter. Son génie fe répandit fur toutes les parties de l'empire. On voit, dans les loix de ce prince, un efprit de prévoyance qui comprend tout, & une certaine force qui entraîne tout. Les prétextes (a) pour éluder les devoirs font ôtés; les négligences corrigées, les abus réformés ou prévenus. Il fçavoit punir; il fçavoit encore mieux pardonner. Vafte dans fes deffeins, fimple dans l'exécution, perfonne n'eut à un plus haut dégré l'art de faire les plus grandes chofes avec facilité, & les difficiles avec promptitude. Il parcouroit fans ceffè fon vafte empire, portant la main par-tout où il allcit tomber. Les affaires renaiffolent de toutes parts, il les finiffoit de toutes parts. Jamais prince ne fçut mieux braver les dangers, jamais prince ne les fçut mieux éviter. Il fe joua de tous les périls, & particulièrement de ceux qu'éprouvent prefque toujours les grands conquérans, je veux dire les confpirations. Ce prince prodigieux étoit extrémement modéré; fon caractere étoit doux, fes manières fimples; il aimoit à vivre avec les gens de fa cour. Il fut peut-être trop fenfible au plaifir des fem mes: (a) Voyez fon capitulaire III, de l'an 811, p. 486. art. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 & 8; & le capitulaire I, de l'an 812, p. 490, art, 1; & le capitulaire de la même année, p. 494, art. 9&11; & autres. mes: mais un prince qui gouverna toujours par lui-même, & qui paffa fa vie dans les travaux, peut mériter plus d'excufes. Il mit une règle admirable dans fa dépense: il fit valoir fes domaines avec fageffe, avec attention, avec économie; un père de famille (a) pourroit apprendre, dans fes loix, à gouverner fa maifon. On voit, dans fes capitulaires, la fource pure & facrée d'où il tira fes richeffes. Je ne dirai plus qu'un mot: il ordonnoit (b) qu'on vendit les ceufs des baffe-cours de fes domaines, & les herbes inutiles de fes jardins; & il avoit diftribué à fes peuples toutes les richeffes des Lombards, & les immenfes tréfors de ces Huns qui avoient dépouillé l'univers, (a) Voyez le capitulaire de Willis, de l'an 800, fon capitulaire II, de l'an 813, art. 6 & 19; & le liv. V. des capitul. art. 303. (b) Capitulaire de Willis, art. 39. Voyez tout ce capitulaire, qui eft un chef d'oeuvre de prudence, de bonne administration & d'économie. CHAPITRE XIX. Continuation du même fujet. CHARLEMAGNE & fes premiers fucceffeurs craignirent que ceux qu'ils placcroient, dans des lieux éloignés ne fuffent portés à la révolte; D 4 ils ils crurent qu'ils trouveroient plus de docilité dans les ecclefiaftiques : ainfi ils érigerent en Allemagne (a) un grand nombre d'évêchés, & y joignirent de grands fiefs. Il paroît, par quelques chartres, que les claufes qui contenoient les prérogatives de ces fiefs, n'étoient pas differentes de celles qu'on mettoit ordinairement dans ces conceffions (b), quoiqu'on voie aujourd'hui les principaux eccléfiaftiques d'Allemagne revêtus de la puiffance fouveraine. Quoi qu'il en foit, c'étoient des pièces qu'ils mettoient en avant contre les Saxons. Ce qu'ils ne pouvoient attendre de l'indolence ou des négligences d'un leude, ils crurent qu'ils devoient l'attendre du zèle & de l'attention agiffante d'un évêque outre qu'un tel vaffal, bien loin de fe fervir contr'eux des peuples affujettis, auroit au contraire befoin d'eux pour se foutenir contre fes peuples. (a) Voyez, entr'autres, la fondation de l'archevêché de Brême, dans le capitulaire de 789, édit. de Baluze, p. 245. (b) Par exemple, la défenfe aux juges royaux d'entrer dans le territoire, pour exiger les freda & autres droits. J'en ai beaucoup parlé au livre précédent. CHA CHAPITRE XX. LOUIS LE DEBONNAIRE. AUGUSTE, étant en Egypte, fit ouvrir le tombeau d'Alexandre: on lui demanda s'il vouloit qu'on ouvrît ceux des Ptolomées; il dit qu'il avoit voulu voir le roi, & non pas les morts Ainfi, dans l'hiftoire de cette feconde race, on cherche Pépin & Charlemagne; on voudroit voir les rois, & non pas les morts, Un prince, jouet de fes paffions & dupe de fes vertus même; un prince qui ne connut jamais fa force ni fa foibleffe; qui ne fçut fe concilier ni la crainte ni l'amour; qui, avec peu de vices dans le cœur, avoit toutes fortes de défauts dans l'efprit, prit en main les rênes de l'empire que Charlemagne avoit tenues. Dans le temps que l'univers eft en larmes pour la mort de fon père; dans cet inftant d'étonnement, où tout le monde demande Charles, & ne le trouve plus; dans le temps qu'il hâte fes pas pour aller remplir fa place, il envoie devant lui des gens affidés pour arrêter ceux qui avoient contribué au défordre de la conduite de fes foeurs. Cela caufa de fangiantes tragédies (a). C'étoient des imprudences bien D 5 (a) L'auteur incertain de la vie de Louis le débonnaire, bien précipitées. Il commença à venger les crimes domeftiques, avant d'être arrivé au palais; & à révolter les efprits, avant d'être le maître. Il fit crever les yeux à Bernard roi d'Italie, fon neveu, qui étoit venu implorer fa clémence, & qui mourut quelques jours après; cela multiplia fes ennemis. La crainte qu'il en eut le détermina à faire tondre fes frères; cela en augmenta encore le nombre, Ces deux derniers articles lui furent bien reprochés (a): on ne manqua pas de dire qu'il avoit violé fon ferment, & les promeffes (b) folemnelles qu'il avoit faites à fon père le jour de fon couronnement. Après la mort de l'impératrice Hirmengarde, dont il avoit trois enfans, il époufa Judith; il en eut un fils: & bientôt, mêlant les complaifances d'un vieux mari avec toutes les fol bleffes d'un vieux roi, il mit un défordre dans fa famille, qui entraîna la chûte de la monarchie. Il changea fans ceffe les partages qu'il avoit faits à fes enfans, Cependant ces partages avoient onnaire, dans le recueil de Duchesne, tome II, pag. 295. (a) Voyez le procès-verbal de fa dégradation, dans le recueil de Duchefne, tom. II, p. 333. (b) Il lui ordonna d'avoir pour fes fœurs, fes freres & fes neveux, une clémence fans bornes, indeficientem mifericordiam. Tegan, dans le recueil de Duchefne, tom. II, p. 276. |