giflateurs ont employés, aient plus de puiffance que ceux que les Légiflateurs moder nes s'efforcent de prendre dans la raifon & dans l'équité. On a reproché aux Juifs de regarder l'ufure & le vol comme permis par le Talmud, à l'égard des Etrangers. L'Auteur de l'Apologie affure que le Talmud permet feulement de profiter de l'erreur, non pas des Etrangers, mais des Idolâtres. Il ne s'agit donc plus que de favoir fi un Chrétien eft un Idolâtre aux yeux d'un Juif. Les Rabbins difent que les Chrétiens, ni les Mahométans, ne doivent point être regardés comme tels. Il eft ailé de fentir que cette décision eft un bien foible garant, puifque les Juifs traitent les Chrétiens & les Mahométans en Idolâtres, lorfqu'il s'agit de boire de leurs vins, dont ils s'abit ennent fcrupuleufement. Mais quelles que foient leurs idées; rien ne nous autorife à les priver de l'exercice de leurs droits naturels. En refpectant ces droits dans autrui, nous nous refpectons nous mêmes; d'allears les Loix ne doivent juger que les actions & non les penfées. La conduite des Juifs, comme celle des autres Citoyens fera foumife à ce frein falutaire, & s'ils pouvoient jamais s'y fouftraire, ils n'échapperoient point à l'opinion publique, au Tribunal de laquelle ils feront toujours forcés de fe foumettre, ne fût-ce que par intérêt. Ceux qui ont cherché à rendre la Nation Juive odieufe, fe font plu à retracer les cruautés qu'ils exercèrent dans les différens temps, & fur tout dans leur invafion de la Palestine. Un tel reproche est bien frivole; c'est comme li on reprochoir aujourd'hui aux François, & aux autres Nations de l'Europe, les cruautés de Clovis & des autres Chefs des Hordes forties des forêts de l'Allemagne. Du temps de Moïfe & de Jofeé, le droit de la guerre n'étoit pas vraisemblablement meilleur chez les autres Nations. Les Peuples, dans l'état barbare, fe font toujours montrés auffi impétueux & auffi cruels pendant leurs invafions, qu'ils ont été doux & humains après la conquête. Moïfe lui même, qui ne passe pas pour avoir été un homme fort doux dins l'efprit de certaines gens, offre les traits les plus touchans d'humanité dans quelques endroits de fes Loix: » Si le bœuf de votre frère, eft-il dit dans le Deuté» ronome, s'est égaré, & que vous le rencontricz, vous ne pafferez point outre, mais vous le lui ramenerez; ou fi votre frère eft éloigné, vous le garderez dans " votre maifon jufqu'à ce qu'il vienne le redemander «. Quelle fenfibilité délicate dans le précepte ou confeil fuivant! » Si, ba, en vous promenant, vous appercevez ». fur un arbre ou à terre un nid d'eifeaux,. » & que la mère, réchauffant fes petits, fe: Jaffe prendre, vous ne retiendrez que » les petits, & vous donnercz la liberté à » la mère «. Un Législateur qui a fu graver de tels principes,, ou plutôt de tels fentimens dans le cœur des Juifs, ne doit pas en avoir fait une Nation méptifable; fon veut fe dépouiller de tout préjugé, on trouvera même qu'elle et dans le cas d'infpirer de l'intérêt. On voit en efle un cuple antique & malheureux, oppofant lans celle, le travail & la frugalité à l'oppreflion, cherchant un adoucilement à fes maux dans l'union fraternelle, la fidélité conjugale,. & dans des mœurs domeftiques dignes de fervir de modèle à tous les Peuples. On le voit fugitif & difperfé, mais emportant foigneufement dans fes mains des Livres auffi anciens que lui, où les maximes de la plus haute fageffe font mélées aux images. les plus touchantes, & dont le charme eft tel que l'imagination fe plaît à fe reporter: fans ceffe fur le berceau de ce Peuple, parce qu'il offre fans doute l'homme heureux au fein de la Nature & des vertus. Malgré cela, l'oppreflion des Juifs a été & eft encore fi générale, qu'il y a de l'honneur à gagner pour les Nations qui ne voudront: être que juftes à leur égard. Il y a lieu d'efpérer que leurs droits ne feront point: dédaignés dans un moment où la Nation Françoife travaille avec tant de diftinction & de courage à établir les fiens. UNE feule Faute, ou les Mémoires d'une Demoifelle de qualité. 2 Volum. in 12. Prix, 2 liv. 8 f. br. & 3 liv. francs de port par la Pofte. De l'Imprimerie Acádémique de Strasbourg; & à Paris, chez Buillon, Libr. rue Haute feuille, No. 20. CE Roman eft affez purement écrit: le ton en eft excellent; le ftyle ni les penfées n'ont rien de trivial. Les tableaux ne font pas neufs; ceux qui ont lu les Romans de Mouhy, de Marivaux & de Crébillon, reconnoiffent des defcriptions que l'Auteur a fu rajeunir par la manière dont il en a fait ufage. On retrouve à peu près les mœurs des jeunes gens de qualité quant à celles de Sophie, fon état eft pendant fi long-temps équivoque, Créfiphon a une morale fi bizarre, Adélaïde & M. Vigeac font fi peu dans la vérité, que les Lecteurs y pourront tout au plus faifir quelques traits. Le Roman n'eft point écrit avec chaleur; les fituations qui fembleroient devoir finir par des catastrophes terribles, font toujours dans une douce mefure. L'Auteur n'intérele pas beaucoup, mais il plaît toujours. Nous penfons que fon Livre fera lu avec plaifir. La décence eft continuellement ménagée, & les roués n'y jouent point le plus grand to'e, quoiqu'ils aient le projet de fédnize une jeune fille qui a contie elle les bienfais d'un Duc, & une première fante qui l'a obligée de fuir la maifon paternelle & l'a jetée, par une fuite d'évènemens qui n'ont rien de forcé, fur les pas d'un Duc, dirigé par une intrigante officieufe dont le maintien a trompé Sophie & fa fœur. La fcène commence à Saumur & finit en Bourgogne, au moment où, prête à épou-. fer par vertu un Payfan, Sophie devient en fecret époufe du Duc. Le genre de vie de Caliphon paroîtra original: la Lettre d'un Narses à Sophie, que nous allons tranfcrire, n'eft pas moins originale. " » Madame, je fais une de ces machines qu'on appelle hommes, & vous êtes une » de ces machines plus agréables qu'on appelle femmes. Nous nous fommes mis enfemble pour former d'autres machines » qui nous reffemblent, lefquelles feront » des hommes ou des femmes, comme il plaira à Dieu. » Dès ce moment vous êtes ma moitié » & je fuis la vôtre. Malheur à celui qui » viendra gâter ce tout! Malheur à celui » de nous deux qui fe fera la moitié d'une autre machine! La Nature, le Ciel, la Société, ont reçu nos fermens; nous ne » pourrons les vicler fans les outrager, & » fans devenir des êtres exécrables à leurs |