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produit dans un lieu qui, au point de vue de l'exploitation, ou de la voie et du matériel, où de la traction, se trouve sous la dépendance ou sous la surveillance des agents de cette gare succursale; Attendu que, si les premiers juges ont, avec raison, décidé, par des motifs que la Cour s'approprie, que la gare de Cognac devait ètre considérée comme gare succursale, la condition imposée par la jurisprudence pour attribuer compétence au tribunal civil de Cognac ne se trouve pas réalisée;

Attendu, en effet, que les faits sur lesquels les consorts Raby basent leur action se sont produits au passage à niveau n. 9, sur la ligne de Châteauneuf-sur-Charente à Saint-Mariens-Saint-Yzans, et qu'il résulte des documents officiels communiqués par l'Administration des chemins de fer de l'Etat que cette ligne, en ce qui concerne l'exploitation, la voie, le matériel et la traction, se trouve placée dans la huitième section, dite de Saint-Mariens, du deuxième arrondissement, dont le cheflieu est à Saintes, tandis que la septième section, dite de Cognac, qui fait partie du même arrondissement, ne comprend que la ligne de Beillant à Angoulême; Attendu qu'il n'est pas possible, pour justifier le choix du tribunal civil de Cognac, de s'appuyer sur ce que, à raison d'autres faits qui se sont également produits sur la ligne de Châteauneuf à Saint-Mariens, l'Administration des chemins de fer de l'Etat n'a pas soulevé l'exception d'incompétence de ce tribunal, qu'elle soulève aujourd'hui ; que cette renonciation à un droit doit être limitée à l'instance où elle est intervenue; - Attendu qu'il n'est pas douteux que, les faits s'étant accomplis dans l'arrondissement de Cognac, et pouvant avoir un caractère délictueux, les consorts Raby auraient pu, comme parties civiles, actionner les agents responsables devant le tribunal correctionnel de Cognac, et entraîner ainsi devant lui, en responsabilité civile, l'Administration des chemins de fer de l'Etat; mais que, cette juridiction n'ayant pas été saisie, il n'est resté aux consorts Raby que la voie purement civile, pour laquelle l'art. 59, C. proc., reprend tout son empire, sous la restriction apportée par la jurisprudence; Attendu que les considérations d'équité et de bonne administration de la justice, que le tribunal fait valoir à l'appui de sa décision, et qui auraient peut-être dù déterminer l'Administration des chemins de fer de l'Etat à ne pas user rigoureusement de son droit, alors surtout qu'elle n'y a aucun intérêt, ne sauraient prévaloir contre les motifs ci-dessus exposés; Par ces motifs; Réformant; Dit que le tribunal civil de Cognac était incompétent, etc.

(1) La jurisprudence se prononce généralement en ce sens. V. Paris, 16 juill. 1834 (S. 1834.2.440. P. chr.); Besançon, 5 mai 1855 (S. 1856.2.45. - P. 1855.2.421); Paris, 26 déc. 1873 (S. 1874.2. 20. P. 1874.196; Pand, chr.). Adde, la note de M. Dalmbert (8° col.) sous Cass. 6 nov. 1894 (S. 1896.1.185), avec les renvois; et Aubry et Rau, 5 éd., t. 3, p. 893, note 124, § 294. Mais cette solution a rencontré de la résistance dans la doctrine.

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TOULOUSE 15 novembre 1912.

SURENCHÈRE, SURENCHÈRE DU DIXIÈME, IMMEUBLE IMPARTAGEABLE, PART INDIVISE (Rép., v Surenchère, n. 308 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 56).

Lorsqu'un immeuble indivis, impartageable en nature, a été adjugé sur licitation à un étranger, les créanciers inscrits sur l'immeuble du chef de l'un des colicitants peuvent faire porter leur surenchère du dixième, non seulement sur la part de l'immeuble correspondant à la fraction du prix qui revient à leur débiteur, mais sur la totalité de l'immeuble (1) (C. civ., 883, 2166, 2185, 2205).

(Delieux C. Heurtevent). LA COUR;

ARRÊT.

Attendu, en fait, qu'il a été procédé, le 2 avril 1908, à la vente par licitation d'un immeuble indivis entre les consorts Delieux; que le sieur André Delieux, père des colicitants, a été déclaré adjudicataire, moyennant le prix de 42.025 fr.; que, l'adjudicataire ayant fait les notifications prescrites pour la purge des hypothèques, Heurtevent, créancier de Charles-Albert Delieux, l'un des colicitants, a déclaré faire surenchère du dixième, en vertu de l'art. 2185, C. civ.; qu'il est soutenu par André Delieux que, si Heurtevent a le droit de surenchérir, c'est seulement dans la limite des droits de son débiteur sur l'immeuble licité, et que, la part de ce dernier étant d'un quart, la surenchère ne devrait être validée que dans cette proportion; qu'en conséquence, un quart seulement de l'immeuble devrait être remis aux enchères; - Attendu qu'il ne peut être méconnu que, si ces conclusions étaient admises, elles auraient les conséquences les plus dommageables pour le créancier surenchérisseur et pour son débiteur; que ce qui serait vendu, ce ne serait point un immeuble déterminé, mais un quart indivis, dont il serait très difficile d'apprécier la valeur, et qui, par suite, n'attirerait guère les acquéreurs; qu'il apparait, en outre, que l'adjudication ne mettrait point fin à l'indivision, conformément au vou de la loi; qu'elle créerait, en effet, une nouvelle indivision entre le premier et le deuxième adjudicataire; que la nouvelle licitation qui s'imposerait réduirait sensiblement la valeur du gage des créanciers; qu'on ne doit donc pas présumer que le législateur ait voulu imposer aux créanciers d'un copartageant une procédure très compliquée et

Un certain nombre d'auteurs décident, au contraire, que la surenchère ne peut porter que sur la part du débiteur dans l'immeuble. Ils se fondent sur ce que la surenchère, n'étant que la mise en mouvement du droit hypothécaire, ne peut s'étendre au delà des limites de ce droit ; or, l'hypothèque n'ayant été constituée que sur la part du débiteur, la surenchère ne peut porter sur le tout. A l'objection tirée de ce que l'hypothèque est indivisible, on ré

très dispendieuse, et rendre particulièrement difficile l'exercice d'un droit considéré généralement comme digne de faveur; Attendu, d'autre part, que la loi, qui interdit la saisie d'une part indivise, n'a pu vouloir la vente aux enchères de cette part; que, sans doute, Heurtevent, qui n'est créancier que d'un seul colicitant, ne peut avoir là prétention d'appré hender les parts des autres communistes; mais que, le quart revenant à son débiteur étant indéterminé, son hypothèque grève toutes les parties de l'immeuble sur lequel elle est inscrite; qu'il ne peut, par suite, lui être opposé que son droit de surenchérir est limité; qu'un partage en nature restreindrait, il est vrai, son hypothèque à une quote-part de l'immeuble; mais que, ce partage en nature n'étant pas possible, la surenchère doit s'appliquer à tout l'immeuble, comme l'hypothèque dont elle est la conséquence; qu'on objecterait vainement que, si l'immeuble est intégralement revendu, il pourra être acquis par un colicitant autre que le débiteur du créancier surenchérisseur, et que, dans ce cas, l'hypothèque de ce dernier s'évanouirait; qu'en effet, la situation de ce créancier ne deviendrait pas pire, puisque son hypothèque produirait son effet sur le prix; que l'argument qui consiste à dire que, si l'immeuble tout entier est remis aux enchères, les autres colicitants recevront vraisemblablement plus que ne leur aurait donné la première adjudication, n'a pas plus de portée; qu'en effet, une pareille éventualité ne lèse aucun intérêt respectable, et n'est pas contraire à l'ordre public; Attendu, enfin, qu'il est à considérer que le créancier qui poursuit le partage ou la licitation, parce qu'il lui est interdit de saisir une part indivise, exerce les droits de son débiteur, en vertu de l'art. 1166, C. civ.; qu'on ne voit pas pourquoi il ne pourrait pas, si leprix d'adjudication ne lui parait pas suffisant à assurer le recouvrement de sa créance, continuer d'exercer ce droit du débiteur, en faisant surenchère sur la totalité de l'immeuble; que l'art. 2135, C. civ., confère, il est vrai, au créancier hypothécaire et non au colicitant cette faculté de former surenchère du dixième; mais que cette disposition n'est qu'une application du principe général inscrit dans l'art. 1166, et qu'il n'y a pas de motifs sérieux pour restreindre l'exercice d'un droit qui ne serait point limité à une quotepart de l'immeuble indivis, s'il était exercé par le colicitant lui-même; Par ces motifs; Confirme, etc. Du 15 nov. 1912. M. Bussière, prés.

C. Toulouse, 2o ch.

pond, dans ce système, que l'indivisibilité de l'hypothèque n'existe que dans la limite du bien que grève l'hypothèque, et, dans l'hypothèse, elle ne grève qu'une quote-part. V. en ce sens, Laurent. Princ. de dr. civ., t. 31, n. 571; Guillouard, Tr. des prir. et des hyp., t. 4, n. 2131; Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Nantiss., priv. et hyp., 3o éd., t. 3, n. 2457; Martou, Des priv. et des hyp., t. 4, n. 1571. V. égal., un arrêt de Paris, 3 mars 1820 (S. et P. chr.).

RENNES 1er février 1912.

ASSURANCE SUR LA VIE, STIPULATION POUR AUTRUI, BÉNÉFICIAIRE INDÉTERMINÉ, MARIAGE, COMMUNAUTÉ CONJUGALE, CAPITAL ASSURÉ, PRIMES, RÉCOMPENSE, FEMME BÉNÉFICIAIRE, ASSURANCE CONTRACTÉE AVANT LE MARIAGE (Rép., vo Assurance sur la vie, n. 354 et s., 606 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 466 et s., 510 et s., 559 et s.).

Lorsqu'une personne, qui avait contracté sur sa tête une assurance sur la vie, en stipulant que le capital assuré serait payé, à son décès, selon les dispositions testamentaires qu'elle avait prises ou qu'elle se réservait de prendre, meurt sans avoir désigné le bénéficiaire de l'assurance, le droit au capital assuré, à défaut de bénéficiaire désigné, appartient au stipulant dès le jour du contrat, et, si le contrat est antérieur au mariage

(1) Lorsque le droit au capital stipulé dans une police d'assurance sur la vie n'a pas été attribué par le stipulant à une personne déterminée, le bénéfice de l'assurance tombe dans le patrimoine de l'assuré, et, si ce dernier n'en a pas régulièrement disposé, la créance contre l'assureur appartient aux héritiers, sauf pour ceux-ci à tenir compte des primes, et encore selon les circonstances, si elles ont été fournies, soit par un patrimoine étranger, soit par la communauté, au cas où l'assuré s'est marié au cours de la durée du contrat. V. Cass. 7 févr. 1872 (S. 1872.1.86. P. 1872.176); 15 juill. 1875 (S. 1877.1.26. P. 1877.41); 15 mai 1905 (S. et P. 1905.1.257, et la note de M. Lyon-Caen; Pand. pér., 1905.1.396). Adde, Lefort, Tr. du contr. d'assur. sur la vie, t. 2, p. 386, note 2; Dupuich, Tr. prat. de l'assur. sur la vie, n. 228.

(2) Au cas d'assurance sur la vie, souscrite pendant le mariage par le mari, marié sous le régime de la communauté, en faveur, soit de personnes indéterminées, soit, ce qui revient au même, au profit de son patrimoine, le droit au capital assuré, qui est entré dans le patrimoine du stipulant (V. la note qui précède), tombe dans la communauté, par application du principe que tous les objets mobiliers, corporels et incorporels, sont communs, lorsqu'ils ont été acquis par les époux pendant le mariage. V. Cass. 15 déc. 1873 (S. 1874.1.199. P. 1874. 507); 24 févr. 1902 (sol. implic.) (S. et P. 1902.1. 165; Pand. pér., 1905.1.202). Adde, Lefort, Tr. du contr. d'assur. sur la vie, t. 2, p. 385; Dupuich, Tr. prat. de l'assur. sur la vie, n. 242; Couteau, Tr. des assur. sur la vie, t. 2, n. 561; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Assurance sur la vie, n. 606 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 510 et s.

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(3) L'assurance sur la vie, contractée avant le mariage au profit de la future femme de l'assuré, ne fait point partie de la communauté d'acquêts; elle constitue un propre de la femme. V. Cass. 10 nov. 1879 (S. 1880.1.337. P. 1880.833), et la note de M. Labbé. Adde, Dupuich, Tr. prat. de l'assur. sur la vie, n. 241; Couteau, Tr. des assur. sur la vie, t. 2, n. 560; Lefort, Tr. du contr. d'assur. sur la vie, t. 2, p. 354. C'est l'application tant des principes du droit commun sur la communauté réduite aux acquêts, réservant aux époux la propriété des propres qui leur appartenaient avant le mariage, que des règles concernant l'assurance sur la vie, qui reconnaissent un droit exclusif au bénéficiaire déterminė. V. Cass. 29 juin 1896 (S. et P. 1896.1.361; Pand. per., 1897.1.113); Paris, 23 juin 1898 (S. et ANNÉE 1913. — 70-8o cah.

du stipulant, le bénéfice, loin de tomber dans la communauté réduite aux acquêts, doit être porté à la succession de l'assure, à charge par cette succession de tenir compte à la communauté du montant des primes payées par elle, et dont il lui est dû récompense (1) (C. civ., 112 et s., 1468 et s.).

Si, au contraire, l'assurance a été contractée postérieurement au mariage de l'assuré, le droit de créance contre la Comp. d'assurances, acquis au stipulant dès le jour du contrat, tombe dans la communauté qui existe entre lui et son conjoint, et doit être porté à l'actif de la communauté (2) (Id.).

L'assurance sur la vie, qu'un assuré a contractée avant son mariage au profit de sa femme, conférant à cette dernière un droit direct et personnel, le capital assuré n'est jamais entré dans le patrimoine du souscripteur, et il n'y a pas lieu, par suite, de

P. 1900.2.1, et la note de M. Wahl; Pand. pér., 1900.2.209). V. égal., Cass. 4 août 1908 (S. et P. 1909.1.5; Pand. pér., 1909.1.5), et la note de M. Lyon-Caen; 2 août 1909 (S. et P. 1910.1.540; Pand. pér., 1910.1.540); Besançon, 10 mars 1911 (S. et P.1911.2.222; Pand. pér., 1911.2.222), la note et les renvois; Cass. 30 mai 1911 (sol. implic.) (S. et P. 1911.1.560; Pand. pér., 1911.1.560). Adde, la note de M. Lefort avec les renvois sous Rennes, 6 avril 1910 (S. et P. 1911.2.321; Pand. pér., 1911. 2.321).

De ce que le capital assuré n'a jamais été dans le patrimoine du souscripteur de la police, qu'il est réputé avoir toujours appartenu, dès le jour même du contrat, à la bénéficiaire, il s'ensuit qu'il ne peut donner lieu, de la part de cette dernière, à aucun rapport à la succession du stipulant. V. Cass. 30 mai 1911, précité, et les renvois. Adde, la note précitée de M. Lefort et les renvois, sous Rennes, 6 avril 1910.

(4-5) L'intérêt de l'arrêt reproduit réside, non point dans l'application des principes indiqués plus haut touchant le sort du contrat d'assurance luimême, et qui sont aujourd'hui constants, mais dans la solution donnée sur la question du rapport des primes.

Par arrêt du 6 avril 1910 (S. et P. 1911.2.321; Pand. per., 1911.2.321), la Cour de Rennes avait jugé que les bénéficiaires à titre gratuit d'une assurance sur la vie devaient rapporter à la succession du souscripteur de la police, et jusqu'à concurrence du capital assuré, le montant intégral des primes, par ces motifs, retenus et précisés par l'arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 1911 (S. et P. 1911.1.560; Pand. pér., 1911.1.560), rendu sur le pourvoi qui avait été formé contre la décision de la Cour de Rennes, que le de cujus avait considéré les primes comme un capital, faisant partie des biens qui constituaient son patrimoine, et que les primes avaient été acquittées au prix des plus grandes privations ». Malgré les objections très graves qu'elle soulevait (V. la note de M. Lefort sous Rennes, 6 avril 1910, précité. Adde, Journ. des assur., 1910, p. 301; Lefort, Rec. pér. des assur., 1910, p. 483; Barrère, Du dr. des créanciers et des héritiers dans un contr. d'assur. sur la vie, p. 219 et s.), cette manière de voir pouvait se concevoir jusqu'à un certain point, puisqu'il s'agissait, somme toute, de ces principes généralement admis que le rapport doit être ordonné quand les primes proviennent du capital même et qu'elles étaient quelque peu élevées, même si la somme à

le comprendre dans l'actif de la succession, pour l'attribuer ensuite à la femme (3) (Id.).

Mais, si rien, dans les circonstances de la cause, ne permet de dire que l'assuré ait entendu dispenser sa femme de faire récompense du montant des primes payées pour alimenter l'assurance, ces primes doivent être rapportées par la femme, même lorsqu'elles ont été prélevées annuellement sur la part de ses revenus, que, d'après ses charges et ses facultés, l'assuré avait l'habitude de consacrer à l'achat de valeurs mobilières dont l'acquisition augmentait l'actif de la communauté d'acquéts (4) (C. civ., 1437).

Alors, d'ailleurs, que le montant de ces primes excède de beaucoup le chiffre des libéralités que l'assuré, qui avait des enfants du premier lit, et qui s'était toujours montré soucieux de respecter leurs intérêts, pouvait faire à sa femme (5) (Id.).

rapporter était égale à l'émolument recueilli (V. la note de M. Lyon-Caen sous Cass. 4 août 1908, S. et P. 1909.1.5; Pand. pér., 1909.1.5). Il était permis de penser que la solution serait différente, au cas où les primes proviendraient des revenus, et où le prélèvement à effectuer de ce chef n'aurait rien d'excessif, eu égard à la situation pécuniaire de l'assuré. En effet, déterminée sans nul doute par cette circonstance que les primes s'acquittent en général sur les revenus affectés aux besoins courants (V. la note de M. Lyon-Caen, 3 col., sous Cass. 4 août 1908, précité; et les notes sous Cass. 2 août 1909, S. et P. 1910.1.540; Pand. pér., 1910.1.540, et sous Besançon, 10 mars 1911, S. et P. 1911.2.222; Pand. pér., 1911.2.222. Adde, Lefort, La prime en mat. d'assur. sur la vie, p. 79; Cosmao-Dumanoir, De l'assur. sur la vie dans ses rapports avec le patrimoine de l'assuré, p. 139), la Cour de cassation, loin d'imposer le rapport d'une façon absolue, dans tous les cas, a décidé qu'il anrait lieu d'après les circonstances. V. Cass. 22 févr. 1888 (S. 1888.1.121. P. 1888.1.281, et la note de M. Crépon; Pand. pér., 1888.1.134); 7 août 1888 (S. 1889.1.97. P. 1889.1.241, et la note de M. Labbé; Pand. pér., 1889.1.22); 23 juill. 1889 (S. 1890. P. 1890.1.5, et la note de M. Labbé: Pand. per., 1890.1.442); 4 août 1908, précité, et la note de M. Lyon-Caen; 2 août 1909, précité, et la note. V. aussi, Cass. 30 mai 1911, précité, avec la note; et les renvois de la note sous Besançon, 10 mars 1911, précité. Cette formule, constamment employée, a toujours été considérée comme manifestant, de la part de la Cour de cassation, l'intention d'imposer le rapport des primes quand elles ont été prises sur le capital, et surtout quand elles ont exigé un prélèvement quelque peu important, un prélèvement trop considérable pour les ressources de l'assuré. V. la note de M. Crépon sous Cass. 22 févr. 1888, précité; la note de M. Lyon-Caen (3o col.) sous Cass. 4 août 1908, précité; et la note sous Cass. 2 août 1909, précité. V. égal., les notes de M. Lefort, sous Paris, 30 avril 1891 (Pand. pér., 1892. 2.241), et sous Paris, 10 janv. 1900 (Pand. pér., 1902.2.1). Adde, dans le même sens, en matière de récompenses à communauté, Paris, 8 mars 1911 (S. et P. 1912.2.36; Pand. pér., 1912.2.36), la note et les renvois.

1.5.

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LA COUR; Considérant que l'appelante demande à la Cour de juger que l'état liquidatif sera rectifié, en ce que ... 5o le montant des deux assurances sur la vie des 26 févr. 1892 et 6 mars 1895 sera porté à l'actif de la communauté, et non de la succession; 8° l'assurance en date du 25 mars 1893, touchée par l'appelante, n'ayant jamais fait partie, ni de la communauté, ni de la succession, ne devra pas être comprise dans la masse successorale, et, par conséquent, sera sortie de l'état liquidatif; Considérant que, de leur côté, les intimés demandent que, dans le cas où il serait jugé que l'assurance du 6 mars 1895 appartient à la communauté, ou qu'elle appartient à la succession, avec obligation de tenir compte à la communauté des primes qu'elle a payées, il soit jugé aussi que la veuve Simon doit ellemême tenir compte à la communauté des primes qu'elle a payées pour alimenter l'assurance du 25 mars 1893;

Sur le cinquième point: Considérant que Paul Simon avait contracté, le 26 févr. 1892, suivant police n. 17459, une assurance à la Comp. la Confiance, pour une somme de 40.000 fr., payable à son décès aux trois enfants du premier lit, Jean, Marcel et Madeleine Simon ; que les primes ont été payées seulement jusqu'au 26 févr. 1894 inclus, et que, par avenant du 16 mars 1895, la somme assurée a été réduite, en raison de cette circonstance, à 5.762 fr., et l'assuré déchargé du paiement des primes ultérieures; que, plus tard, par un nouvel avenant, Paul Simon a modifié l'attribution du bénéficiaire, et stipulé que le capital serait payé à son décès, suivant les dispositions testamentaires qu'il avait prises ou qu'il se réservait de prendre; Considérant que Simon est décédé sans

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revenus beaucoup supérieurs aux besoins du ménage, a considéré que, même dans cette éventualité, le rapport des primes à la succession, ou la récompense de ces primes à la communauté par la femme bénéficiaire, qui avait accepté la communauté, devait être ordonné. V. dans le même sens, la note, in fine, de M. Wahl, sous Paris, 23 juin 1898 (S. et P. 1900.2.1). Adde, Wahl, L'assur. en cas de décès dans la succ. et la comm., n. 40 et s. (Rev. trim. de dr. civ., 1902, p. 59, n. 40 et s.); Lassaigne, Des libéralités faites à un époux remarié, p. 58.

Pour justifier sa solution, la Cour de Rennes relève, en premier lieu, que la police litigieuse avait pour but d'assurer, dès le jour du mariage, à la femme, en cas de décès prématuré du mari, les ressources que, par la capitalisation certaine et prévue d'une partie des revenus, elle pouvait espérer recueillir à la dissolution de la communauté, si cette communauté avait quelque durée. Seulement, outre que la stipulation ne tendait pas à augmenter la communauté, puisque le contrat était conclu au profit de la femme, et qu'en pareille circonstance, c'est la femme seule, et non la communauté qui recueille la créance contre la Comp., d'après une doctrine et une jurisprudence constantes (V. les arrêts cités à la note qui précède), on peut se demander comment l'argument, basé sur la création de ressources en cas de veuvage, peut

prendre aucune disposition; qu'à défaut de bénéficiaire désigné, le droit au capital assuré appartient au stipulant du jour du contrat; que, ce contrat étant antérieur au second mariage, le bénéfice de l'assurance n'est pas tombé dans la communauté réduite aux acquêts, qui n'a été formée que le 6 avril 1893; qu'il est resté propre du mari, et a été régulièrement porté à la succession Paul Simon; qu'il y a lieu de dire toutefois que la succession doit être débitée du montant des primes que la communauté Simon-Ducrot a payées, et dont il lui est dû récompense;

Considérant que, par autre police n. 682840, du 6 mars 1895, Paul Simon avait contracté à la Comp. la Mutual Life une assurance, pour une somme de 36.000 fr., payable, au décès de l'assuré, à ses trois enfants du premier lit; que, par avenant du 17 janv. 1907, il a déclaré définitivement annulée l'institution bénéficiaire par lui faite, et stipulé que le bénéfice du contrat appartiendrait à titre gratuit à sa succession, suivant les dispositions testamentaires qu'il avait prises ou qu'il se réservait de prendre; Considérant que Paul Simon est décédé sans désigner le ou les bénéficiaires de l'assurance; que même l'attribution à sa succession ne devait se faire que suivant les dispositions qu'il s'était réservé de prendre, et qu'en l'absence de ces dispositions, la volonté du stipulant reste encore imprécise; qu'à défaut d'un bénéficiaire déterminé, l'assuré est censé avoir stipulé, dans les termes de l'art. 1122, C. civ., pour lui et ses héritiers ou ayants cause; que le droit de créance contre la Comp. d'assurances, acquis au stipulant du jour du contrat, est tombé dans la communauté d'acquêts existant alors entre les époux Simon-Ducrot; que, dût-on admettre, de la part de Paul Simon, d'après certaines circonstances, l'intention

se concilier avec une mesure tendant précisément à restreindre ces ressources par le rapport des primes, et à les restreindre au fur et à mesure que la vieillesse approchera pour la bénéficiaire, puisque la prolongation de la vie de l'assuré augmentera le montant des primes à restituer.

D'autre part, la Cour de Rennes fait valoir que le montant des primes excédait de beaucoup le chiffre des libéralités que l'assuré pouvait se permettre vis-à-vis de son second conjoint, eu égard à la présence d'enfants du premier lit. D'abord, et sans s'arrêter à rechercher si, comme on l'a dit (Monit. des assur., 1912, p. 620), la prime, qui crée l'indemnité en cas de décès, est plus une libéralité que la prime qui crée l'indemnité en cas d'incendie, et si la souscription d'une assurance n'est pas l'exécution d'un devoir moral, imposant à un mari l'obligation de laisser des ressources propres à la femme pour le cas de veuvage, on ne voit pas à quel titre un mari serait tenu de limiter les libéralités effectuées avec les revenus. Ce qui est vrai, c'est que le mari a le droit de disposer des revenus à sa guise, puisqu'il est de leur nature d'être dépensés, qu'il peut en faire tel usage qu'il lui plaît, lautius vivendo, et que la dépense ne peut donner lieu à un grief que si elle est hors de proportion avec les ressources du ménage; ainsi que l'a très justement fait observer M. Lyon-Caen, pour décider si le rapport est dû, il y a lieu de comparer au montant des revenus le

d'exclure cette créance de la communauté, sa volonté, faute d'avoir créé un bénéfi ciaire de son droit, serait inopérante pour modifier à cet égard les effets de la loi et des conventions matrimoniales;

Sur le huitième point: Considérant que, suivant police n. 550861, du 25 mars 1893, Paul Simon avait contracté à la Comp. la Mutual Life une assurance de la somme de 30.000 fr., payable lors de son décès à la dame Simon, née Camille Ducrot, sa femme; que la bénéficiaire a touché le montant de cette assurance en vertu d'un droit direct et personnel; que le capital assuré n'est jamais entré dans le patrimoine du souscripteur, et qu'il n'y a pas lieu, par suite, de le comprendre dans l'actif successoral, pour l'attribuer ensuite à la veuve Simon; Considérant, en ce qui concerne les primes payées par la communauté pour cette assurance, et dont les intimés demandent le rapport, que la veuve Simon n'avait apporté en mariage, outre ses linges et hardes, que deux obligations Orléans et une rente de 300 fr. à servir par ses père et mère, ladite rente devant être réduite à 150 fr. au bout de quelques années; que le mari, au contraire, avait des revenus de beaucoup supérieurs aux besoins du ménage; que l'assurance dont s'agit, dans les circonstances où elle fut contractée, avait pour but d'assurer, dès le jour du mariage, à la femme, en cas de décès prématuré du mari, les ressources que, par la capitalisation certaine et prévue d'une partie des revenus du mari, elle pouvait espérer recueillir à la dissolution de la communauté, si cette communauté avait quelque durée; que les primes payées pour permettre à la bénéficiaire de la police de recevoir le capital assuré ont été prélevées annuellement sur la part de revenus que, d'après ses charges et ses facultés, Paul Simon avait l'habitude

montant des primes. V. la note sous Cass. 4 août 1908, précité. Or, la Cour de Rennes a reconnu elle-même que, dans l'espèce, l'assuré avait des revenus de beaucoup supérieurs aux besoins du ménage, et qu'il avait pu affecter au service des primes des sommes qu'il employait à l'achat de valeurs mobilières.

La jurisprudence sur le rapport des primes est, somme toute, contradictoire. La Cour de cassation ne semble pas disposée à mettre un terme à la controverse, comme on pouvait penser qu'elle le ferait, lorsqu'il lui a été demandé de préciser ce qu'elle entendait dire en décidant que les primes sont rapportables d'après les circonstances. V. Cass, 4 août 1908; 2 août 1909, et 30 mai 1911, précités, les notes et les renvois. Plus que jamais, c'est le cas de désirer le vote du projet de loi sur le contrat d'assurance sur la vie, qui, dans son art. 60, admet le rapport pour les primes seulement quand elles ont été manifestement exagérées eu égard aux facultés de l'assuré, formule qui, selon une remarque récemment faite (Monit. des assur., 1912, p. 620), viserait aussi bien le cas d'un père désireux de déshériter ses enfants que celui d'une personne s'attachant à tromper ses créanciers.

J. LEFORT,

Ancien avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

de consacrer à l'achat de valeurs mobilières, et dont la capitalisation a élevé à plus de 60.000 fr. l'actif de la communauté d'acquêts; que le montant de ces primes excédait de beaucoup le chiffre des libéralités que Simon pouvait se permettre, ayant (comme il l'a prouvé) un égal souci des intérêts de sa femme et de ceux des enfants du premier lit; que rien dans les faits de la cause ne permet de dire qu'il a entendu dispenser la veuve Simon d'en faire le rapport; qu'il y a lieu, sur ce point, de faire droit à l'appel incident; Par

- Dit

ces motifs; Dit que le montant de la police d'assurance n. 17459, souscrite le 26 févr. 1892 à la Comp. la Confiance, restera à l'actif de la succession Paul Simon, mais qu'il y a lieu à récompense pour le montant de la prime ou des primes payées par la communauté Simon-Ducrot; que le capital de l'assurance contractée le 6 mars 1895 à la Comp. la Mutual Life, suivant police n. 682840, appartient à la communauté Simon-Ducrot, et doit être porté à l'actif de ladite communauté; Dit que l'assurance du 25 mars 1893, touchée par l'appelante en vertu de son droit direct et personnel, ne doit pas être comprise dans la masse à liquider et partager, et ne doit pas figurer à la liquidation; Dit que les primes payées pour alimenter ladite assurance n'ont pas constitué, d'après la volonté du stipulant, des libéralités non sujettes à rapport, et que la veuve

(1) L'art. 443, C. pén., punit la détérioration des marchandises, matières ou instruments quelconques servant à la fabrication "" en aggravant la peine, lorsque la détérioration est le fait d'un ouvrier ou commis de l'établissement. Les appareils électriques servant à la transmission de la force motrice peuvent être considérés comme rentrant dans les instruments servant à la fabrication, au sens de l'art. 443. Il en serait de même des appareils d'une usine électrique ayant pour objet la production de la force motrice ou de la lumière. Mais il paraît plus difficile de faire rentrer dans cette dénomination les appareils uniquement destinés dans une usine à la transmission de la lumière électrique, alors du moins que la lumière n'est pas produite dans l'usine, et est transmise du dehors. V. d'ailleurs, sur ce qu'on doit entendre par matières et instruments servant à la fabrication, Blanche, Et. prat. sur le C. pen., t. 6, n. 599; Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2o éd., t. 6, n. 2702; et notre C. pén. annoté, par Garçon, sur l'art. 443, n. 7 et s., 10.

(2) A supposer que le fait incriminé (dans l'espèce, la déformation des lamelles d'un appareil d'éclairage électrique d'une usine) eût été établi à la charge du prévenu, la déformation étant insignifiante et sans portée, d'après les constatations du tribunal, ce fait n'aurait pu constituer qu'une tentative du délit prévu par l'art. 443, C. pén., tentative qui, n'ayant pas été prévue par ce texte, échappe à toute répression pénale. V. Paris, 5 avril 1911 (S. et P. 1911.2.319; Pand. pér., 1911.2.319), et la note.

(3) L'art. 414, C. pén., qui punit l'entrave à la liberté du travail, exige la réunion de deux conditions il faut qu'il y ait eu d'abord des violences ou des voies de fait (V. comme exemple de ce qu'il faut entendre par violences, au sens l'art. 414, Paris, 5 avril 1911, S. et P. 1911.2.319; Pand. pér., 1911.2.319, et la note), des menaces ou

de

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TRIB. CORR. DE MARSEILLE 16 mars 1910.

1° DÉGRADATION ET DESTRUCTION DE MARCHANDISES OU EFFETS MOBILIERS, MATÉRIEL SERVANT A L'ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE, DÉTÉRIORATION, DÉLIT, TENTATIVE (Rép., vo Tentative, n. 187 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 175 et s.). 2o COALITION, ATTEINTE A LA Liberté du travVAIL, USINE, OUVRIERS, EXTINCTION DE L'ÉLECTRICITÉ, ABANDON DU TRAVAIL, DÉLIT, ELÉMENTS CONSTITUTIFS, MENACES, MANOEUVRES FRAUDULEUSES (Rép., vis Coalition, n. 64 et s., Syndicat professionnel, n. 306 et s.; Pand. Rép., vis Coalition, n. 48 et s., 63 et s., Syndicat professionnel, n. 49 et s.). 1o La détérioration des organes d'un interrupteur électrique servant dans une usine à l'éclairage électrique peut-elle être considérée comme la détérioration d'instruments de travail, au sens de l'art. 443, C. pén. (1) (C. pén., 443)? V. la note.

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La tentative du délit prévu par l'art. 443, C. pen., est-elle punissable (2) (C. pén., 2, 443)? - Id.

2o Constitue une manœuvre ou menace en

des manœuvres frauduleuses, et il faut ensuite que, par ces agissements, on ait amené ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir une cessation concertée de travail, en vue de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail, ou de forcer la hausse ou la baisse des salaires. Tandis que le premier élément doit toujours se rencontrer réalisé, pour qu'il y ait lieu à l'incrimination de l'art. 414, le délit peut être réprimé, alors même que le second élément n'existe qu'à l'état de tentative. V. Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2o éd., t. 6, n. 2440 et 2443.

Dans l'espèce, le but poursuivi par les actes incriminés était bien d'amener une cessation concertée de travail, en vue de porter atteinte à la liberté du travail, puisqu'il s'agissait de contraindre les ouvriers à cesser de travailler, conformément aux ordres donnés par un comité de grève, en employant la contrainte pour décider les récalcitrants à quitter le travail. La deuxième condition se trouvait donc réalisée.

Mais les actes incriminés rentraient-ils dans les faits spécialement prévus par l'art. 414? La prévention relevait à la charge de l'ouvrier préposé aux appareils d'éclairage électrique le fait d'avoir interrompu le courant, et, en plongeant ainsi l'usine dans l'obscurité, d'avoir forcé l'équipe de nuit à quitter l'usine. Le tribunal décide qu'il y avait là une « menace ou manœuvre frauduleuse », au sens de l'art. 414. Que le fait incriminé, dans les conditions où il s'était produit, de la part d'un ouvrier, qui, chargé d'assurer l'éclairage, avait méconnu ses obligations professionnelles pour obéir au mot d'ordre qu'il avait reçu, et exercer une pression sur ses camarades, pût constituer une manoeuvre frauduleuse, cela est aisément admissible, si l'intention du prévenu avait été de faire croire au personnel de l'usine que la lumière nécessaire au travail faisait défaut par suite d'un accident, et d'entraîner

vue d'amener la cessation concertée du travail, au sens de l'art. 414, C. pén., le fait, par l'ouvrier chargé de la surveillance des appareils électriques destinés à l'éclairage d'une usine, d'avoir, sur l'avis à lui donné par le délégué d'une commission de grève, interrompu brusquement le courant électrique, de manière à obliger, par cette contrainte exercée sur eux, les ouvriers de l'équipe de nuit à cesser le travail (3) (C. pén., 414).

(C...).

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que C... est poursuivi pour avoir, aux termes de l'art. 443, C. pén., volontairement détérioré, à la Raffinerie Saint-Louis, des instruments servant à la fabrication, avec cette circonstance qu'il était ouvrier de ladite fabrique;

Attendu que le seul fait relevé par l'information consistait dans la déformation, par courbure à angle droit, des lamelles d'un interrupteur électrique, déformation d'ailleurs insignifiante, au dire même du chef mécanicien, et qui fut facilement redressée; Attendu que, sans rechercher si les organes d'une machine électrique servant à l'éclairage peuvent être envisagés comme rentrant dans les termes de la loi, qui visent les instruments servant à la fabrication, il suffit de constater qu'en l'espèce, et quelles que soient les présomptions et les vraisemblances, la preuve que le prévenu serait lui-même personnellement

ainsi, par suite de l'interruption de l'éclairage, la cessation du travail. Mais l'intention du prévenu paraît bien avoir été différente; elle semble avoir été de communiquer aux ouvriers, sous la forme brutale de l'interruption de la lumière, l'ordre de grève, et, dans cette hypothèse, la question se posait de savoir s'il y avait là une menace, au sens de l'art. 414. La jurisprudence est fixée en ce sens qu'il faut entendre par menaces punissables tont ce qui a pu avoir pour résultat d'agir violemment ou frauduleusement sur la volonté de l'ouvrier pour lui faire quitter son travail. V. Cass. 5 avril 1867 (S. 1867.1.228. - P. 1867.539), et la note. Adde, Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2o éd., t. 6, n. 2441; notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 414 à 416, n. 34 et s.; et notre Rép. gen. du dr. fr., o Coalition, n. 67 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 63 et s. Il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse de menaces de voies de fait; de simples menaces morales peuvent suffire. V. Paris, 5 févr. 1901 (S. et P. 1902.2.277), la note et les renvois. Si donc l'interruption de la lumière pouvait et devait être interprétée comme un acte de nature à agir violemment sur la volonté des ouvriers, on pouvait la qualifier de menaces. Il reste cependant un doute, car, pour qu'elle eût ce caractère, il était indispensable que cette interprétation lui fût donnée par les ouvriers eux-mêmes. Et, si l'interruption de la lumière était considérée par eux comme un pur et simple accident, elle n'était pas de nature à exercer sur leur volonté une contrainte morale en vue de la cessation de travail. On peut donc reprocher au jugement ci-dessus de n'avoir pas, pour retenir, soit la manoeuvre frauduleuse, soit la menace, suffisamment analysé les faits de l'affaire; ses constatations sont impuissantes par ellesmêmes à justifier l'une et l'autre qualification des faits qui étaient déférés au tribunal de police correctionnelle.

l'auteur de cet acte n'est point rapportée;

Mais attendu qu'il résulte des débats la preuve que, le 9 février, C..., qui était seul chargé de la conduite et de la surveillance des appareils électriques pour le service. de nuit pendant la semaine en cours, a brusquement interrompu le courant vers six heures moins dix du matin, plongeant ainsi dans l'obscurité l'usine entière, où étaient occupés de nombreux ouvriers composant les équipes de nuit; qu'il a reconnu lui-même, dês la première heure, devant le commissaire de police, qu'il venait de recevoir, par le sieur B..., délégué de la commission de grève, l'ordre pris par celle-ci d'arrêter le travail dans toute l'usine; qu'il lui aurait fait observer qu'il convenait d'attendre que les hommes fussent habillés et prêts à sortir, ce dont B... convint avec lui;- Mais que, quelques minutes après, certains ouvriers, plus exaltés, étaient intervenus, et leur avaient enjoint d'éteindre la lumière, parce qu'il y avait certains chantiers qui ne voulaient pas s'arrêter; que, cette injonction lui ayant été faite à deux ou trois reprises, il avait fini par céder; Attendu qu'il y a incontestablement, dans ce fait, la manœuvre ou la menace constitutive de contrainte matérielle vis-à-vis d'ouvriers hésitants, et destinée à leur forcer la main, en vue d'amener la cessation concertée du travail, aux termes de l'art. 414, C. pén. ; Attendu que le prévenu, bien que non cité de ce chef particulier, interpellé spécialement à cet égard, consent à être jugé; que le tribunal est régulièrement saisi par sa Attendu, en ce comparution volontaire; qui touche l'application de la peine, qu'il convient de signaler, dans le sens l'aggravation, le fait que deux touches, dites manettes de connexion de la dynamo moyenne, dont on se servait pour remplacer la grande dynamo, avaient été cachées dans un placard de l'atelier sis dans un autre local, alors que leur place habituelle et réglementaire était dans la chambre des machines; que C... ne méconnait pas les y avoir placées, mais prétend qu'il le faisait habituellement; que, sur ce point, il reçoit un démenti du chef mécanicien H... et de son collègue B..., qui l'ignoraient; qu'il faut aussi rapprocher de ce fait cet autre que de nombreux fils avaient été

ae

(1-2-3) C'est un point certain que le jugement d'expropriation a pour effet de résoudre de plein droit les baux de l'immeuble exproprié. V. Cass. 23 nov. 1880 (S. 1881.1.129. P. 1881.1.280), et les renvois; Paris, 21 juill. 1886 (S. 1888.2.4. P. 1888.1.84), et les renvois; Paris, 15 févr. 1907 (sol. implic.) (S. et P. 1908.2.197; Pand. pér., 1908.2.197), et les renvois; Trib. de la Seine, 26 avril 1910 (S. et P. 1911. 2.153; Pand. pér., 1911.2.153), la note et les renvois. V. anal., pour la cession amiable, Cass. 19 déc. 1904 (S. et P. 1905.1.414), et les renvois; Paris, 15 févr. 1907, précité. De ce principe, on a tiré la conséquence que, si le locataire continue, après le jugement d'expropriation, à occuper les lieux loués, sa jouissance ne procède pas du bail résolu, et a un caractère précaire. V. Paris, 21 juill. 1886, précité. Adde, la note et les renvois sous Trib. de la Seine, 26 avril 1910, précité. Le jugement ci-dessus tire du même principe une autre conséquence, à savoir que le locataire n'est plus tenu au paiement du loyer fixé par le con

desserrés, ce qui n'avait pu être fait que par un spécialiste; que, par suite, il apparaît bien que C... a voulu, par ces actes, empêcher ou retarder dans la mesure du possible le rétablissement du fonctionnement normal; - Attendu, en sens inverse et atténuant, que le courant n'a été interrompu que huit à dix minutes avant l'heure de la relève de l'équipe de nuit par l'équipe de jour; que la grande dynamo, qui assurait le service régulier quotidien, et tous ses organes ont été respectés; que C... a pu enfin, lui-même, subir, de la part de camarades plus impatients. une pression morale, à laquelle cependant il a eu le tort de céder; qu'il n'a pas subi de condamnations et est bien noté; Par ces motifs; Condamne C... à huit jours de prison, avec sursis, etc.

Du 16 mars 1910. Trib. corr. de Marseille. MM. Rabaud, prés.; Duverger,

av.

POUR

TRIB. DE LA SEINE 11 mars 1912. EXPROPRIATION UTILITÉ PUBLIQUE, BAUX, RÉSOLUTION, LOCATAIRE, PAIEMENT DES LOYERS, COMMANDEMENT, NULLITÉ, INDEMNITÉ D'OCCUPATION, LOYERS PAYÉS D'AVANCE (Rép., vo Expropriation pour cause d'utilité publique, n. 1010 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 853 et s., 864 et s.). Le jugement qui prononce l'expropriation pour cause d'utilité publique d'un immeuble ayant pour effet de résoudre de plein droit les baux consentis sur cet immeuble, le propriétaire exproprié est sans droit pour faire au locataire, en vertu de l'art. 819, C. proc., commandement de payer les loyers échus depuis le jugement d'expropriation (1) (C. proc., 819; L. 3 mai 1841, art. 14).

Le locataire exproprié, n'ayant plus qu'une jouissance précaire, sans durée certaine et dépourvue de toutes les garanties résultant du bail, ne doit plus à son propriétaire qu'une simple indemnité d'oocupation (2) Id.).

Cette indemnité doit être évaluée par les tribunaux d'après les circonstances (3) (Id.). -Sol. implic.

Si le locataire avait payé des termes de loyers d'avance, imputables sur les derniers mois de jouissance, les termes de loyers

trat, et qu'il doit seulement au propriétaire une indemnité d'occupation (V. en ce sens, Paris, 24 déc. 1885, Journ. Le Droit, 31 déc. 1885; Lyon, 17 juill. 1890, Rec. Gaz. Pal., 1890.1.213; Trib. de la Seine, 7 mars 1899, Journ. La Loi, 15 avril 1899; et notre Rép. gen. du dr. fr., vo Expropriation pour cause d'utilité publique, n. 1016; Pand. Rep., eod. verb., n. 853 et s. V. encore, Daffry de la Monnoye, Théor. et prat. de l'expropr., 2o éd., t. 2, sur l'art. 55 de la loi du 3 mai 1841, p. 399, n. 26), que les tribunaux fixeront suivant les circonstances, à défaut d'un accord amiable entre les intéressés (V. Cass. 16 avril 1862, S. 1862.1.721. - P. 1862.469, et la note; Crépon, Code annoté de l'expropr., 2o éd., sur l'art. 55 de la loi du 3 mai 1841, n. 39), et dont le paiement ne peut être assorti des garanties accordées par la loi au bailleur pour le recouvrement des loyers, et ne peut notamment être poursuivi au moyen d'une saisie-gagerie, conformément à l'art. 819, C. proc. Sur le point de savoir si le locataire, dont le bail a

payés d'avance doivent s'imputer sur la période courue depuis le jugement d'expropriation (4) (Id.). Id.

(Epoux Bouquiès C. Vve Héry).

Le 19 nov. 1908, le tribunal civil de la Seine a prononcé l'expropriation pour cause d'utilité publique d'un immeuble sis à Billancourt, appartenant à Mme Héry, et dont M. et Mme Bouquiès étaient locataires. M. et Mme Bouquiès sont restés dans les lieux jusqu'au 1er avril 1910. Ils ont continué à payer leur loyer intégral à la propriétaire jusqu'au 1er oct. 1909. Sur leur refus de continuer à payer, Mme Héry leur a signifié commandement. Les époux Bouquiès ont formé opposition à ce commandement, et ont réclamé à Mme veuve Héry la restitution d'une somme de 905 fr. 80, qu'ils prétendaient avoir payée en trop, l'indemnité d'oc cupation due depuis le jugement d'expropriation devant, d'après eux, être évaluée au tiers du loyer.

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que les époux Bouquiès ont assigné la veuve Héry en nullité de commandement, en discontinuation de poursuites, et en restitution d'une somme de 905 fr. 80; Attendu que le jugement d'expropriation du 19 nov. 1908 a eu pour effet de résoudre de plein droit le bail passé les 27 oct. et 12 nov. 1896 entre la veuve Héry et les époux Bouquiès; Attendu, par suite, que la propriétaire était sans droit pour faire commandement en vertu de l'art. 819, C. proc., alors surtout qu'il est justifié que. les locataires ont payé, en entrant dans les lieux, six mois de loyers d'avance, imputables sur les derniers mois de jouissance, ces six derniers mois ayant commencé à courir du jour de l'expropriation; tendu qu'il résulte également du principe rappelé plus haut que le locataire exproprié, n'ayant plus qu'une jouissance précaire, sans durée certaine, et dépourvue de toutes les garanties résultant du bail, ne doit plus à son propriétaire, dont les charges ont diminué et les ressources ont augmenté à la suite de l'expropriation, qu'une simple indemnité d'occupation; - Attendu que le tribunal, en tenant compte des éléments de la cause, fixe aux deux tiers du

At

pris fin par l'effet du jugement d'expropriation, et qui continue à jouir de l'immeuble exproprié, est tenu de supporter la charge des impôts. V. Trib. de la Seine, 26 avril 1910, précité, la note et les renvois.

(4) C'est là une conséquence nécessaire du principe admis par le jugement ci-dessus. Si, à partir du jugement d'expropriation, le locataire ne doit plus de loyers, comme le décide le jugement, la conséquence devrait en être que le locataire pourrait demander, dès après le jugement d'expropriation, la compensation entre les loyers payés d'avance, qu'il a versés au bailleur et les loyers qu'il doit à celui-ci à la date du jugement d'expropriation. Mais, en tout cas, les loyers d'avance doivent se compenser avec l'indemnité que le locataire pourra devoir pour l'occupation de l'immeuble depuis le jugement d'expropriation, sans qu'il y ait lieu d'attendre l'expiration de l'occupation, pour les imputer sur la période qui précédera immédiatement l'expulsion du locataire..

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