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mentation de dol prohibée par la loi (1). Lorsque, sur l'appel du jugement qui a déclaré mal fondée la prétention d'une femme à la propriété par voie d'accession de plusieurs parcelles de terrain annexées par le mari à son immeuble dolal, celle femme, indépendamment de la même prétention qu'elle renouvelle, revendique également la même propriété comme donalaire de son mari décédé, l'arrêt qui, sans donner de motifs parliculiers sur ce moyen nouveau, se borne à confirmer le jugement de première instance en adoptant les motifs des premiers juges, doit être cassé pour défaut de motifs (2). L. 20 avril 1810, art. 7. La faculté d'aliéner ses biens et droits dolaux stipulée au profit de la femme dans son contrat de mariage n'emporte pas •celle de les hypothéquer (3). La délégation du prix de son immeuble dolal par elle consentie au profit d'un créancier hypothécaire est nulle comme l'hypothèque elle-même, et celle nullité peut être opposée, sans que le créancier doive être mis en cause, à l'acquéreur qui, en payant celui-ci, s'est trouvé subrogé à

ses droits.

En admellant que les intérêts du prix de
vente d'un bien dotal aliénable produits
antérieurement à la séparation de biens
de la femme puissent tomber indistincte
ment dans l'actif de la faillite du mari,
au moins est-il juste de dire que, les in-
lérels des delles contractées par la fem-
me avec l'autorisation du mari antérieu-
re à celle séparation étant une charge du
mariage, ci les revenus dotaux n'étant
altribués au mari que pour subvenir à
celle nature de charge, le paiement de
ces intérêts doit être impule non sur le
prix principal des biens dolaux, mais
sur les intérêts de ce prix qui peuvent
être encore dus par l'acquéreur.
De même la provision accordée à la femme
dotale après la séparation de biens doit
élre impulée non exclusivement sur le
capital, mais sur les intérêts produits
par ce capital depuis la séparation de

biens.

La cassation de plusieurs des chefs d'un arrel relatifs à l'attribution d'intérêts fondée sur la fausseté de la base prise

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pour le calcul des capitaux entraine la cassation du chef relatif aux intérêts produits par ces capitaux, alors que la Cour, au lieu de se borner à ordonner un simple paiement d'intérêts, quel qu'en puisse être le montant, en a elle-même déterminé le chiffre.

La cassation d'un arrêt sur tous ses chefs entraine cassation du chef relatif aux dépens.

BERNE C. BRUYN ET BERNE. Deux arrêts de la Cour de cassation des 15 août 1837 (1) et 29 mai 1839 (2), sous les quels nous avons exposé les faits de l'affaire, avaient jugé 1o que l'autorisation d'aliéner ses biens dotaux accordée à la dame Berne par son contrat de mariage n'emportait pas pour elle faculté de les hypothéquer; 2° qu'encore que l'autorisation d'aliéner portât sur la dot immobilière aussi bien que sur la dot mobilière, il n'en résultait pas que les sieur et dame Berne eussent eu le droit d'employer le prix des immeubles vendus par la femme à un sieur Bruyn à éteindre, par voie de compensation avec le prix d'acquisition, une dette dont ils étaient tenus envers ce dernier.

Le sieur Berne étant tombé en faillite, la

dame Berne forma une demande en séparation de biens, et conclut contre son mari à la resti tution du prix du domaine de Saint-Lambert vendu au sieur Bruyn, ainsi que du prix d'un autre domaine, le Pré de la Mouche, également vendu au sieur Bruyn, lequel prix s'élevait, disait-elle, à 10,000 fr., bien que le contrat ne contint stipulation que de la somme de 5,000 fr., ce qu'elle offrait de prouver par témoins.

Me Bruyn intervint dans l'instance; il prétendit 1° que les parcelles réunies par le mari au domaine dotal en 1825 et 1826 constituaient une propriété distincte appartenant au sieur Berne, et dont la valeur, entrée pour une por lion dans le prix fixé en bloc, ne pourrait être réclamée par sa femme; 2° que des améliorations faites au fonds dotal il résultait pour son débiteur une copropriété dont le montant de vait venir en déduction de sa propre créance. En outre il demandait l'imputation sur le prix dont il était encore débiteur de sommes payées à divers créanciers délégataires des époux Berne.

Les syndics intervinrent de leur côté pour demander l'attribution des intérêts courus depuis le 25 janv. 1832, jour de la vente, jusqu'au 25 juin 1839, date de la demande en sé

paration de biens.

Le 15 mars 1840 la dame Berne obtint le paiement d'une provision de 10,000 fr. qu'elle avait demandée dans le cours de l'instance.Le 20 mai 1840, jugement qui nomme des experts à l'effet d'indiquer 1° les impenses et a méliorations faites par Berne à l'immeuble de sa femme, 2 la plus-value résultant de ces impenses, 3° l'augmentation de valeur appor tée par le temps.

Les experts ont opéré sur cette triple base,

(1-2, V. à leur date.

et le tribunal a rendu le 16 janv. 1841 un second jugement ainsi conçu :

En ce qui touche la séparation de biens: Attendu qu'il ne s'élève aucune difficulté sur le point de savoir si la demande de la da me Berne est fondée ;

Sur la liquidation des droits de la dame Berne:- Attendu, quant au prix du pré vendu pendant le mariage, qu'il a été vendu 5,000 fr. par acte public auquel est interveuue la dame Berne; que l'art. 1436 dispose formellement qu'il n'est dû récompense à la femme commune que du prix de ses immeubles portés au contrat, quelque allégation qui soit faite sur le prix de l'immeuble vendu; qu'aucune raison ne se présente pour ne point faire application de cet article à la femme dotale;

Attendu d'ailleurs qu'on ne trouve dans l'espèce aucune contre-lettre, aucun document duquel il résulte que le prix porté au contrat ne fût pas le véritable, et qu'enfin la preuve testimoniale offerte par la dame Berne de la fausseté de l'énonciation dudit prix de 5,000 fr. serait directement contraire à la disposition de l'art. 1344 C. civ.;

Sur la demande de la dame Berne en paie ment du prix de la vente du 25 janv. 1832 :Attendu que le paiement n'est point refusé par le sieur Bruyn, qui se borne à opposer plusieurs chefs d'imputations à compte; Sur le premier chef, consistant en 10,000 fr. payés par lui à titre de provision; sur le deuxième, soit 2,250 fr. payés lors de la vente à la dame Berne, et le troisième, soit 11,000 fr. payés à M. Parent, vendeur : — Attendu que ces trois chefs ne sont pas contestés ; Sur le quatrième, soit 4,400 fr. payés par M. Bruyn au sieur Gaudet: Attendu que, sur ce point, la daHe Berne soutient que sou engagement envers le sieur Gaudet était nul comme celui qu'elle avait souscrit à Bruyn lui-même, qu'ainsi ce paiement ne peut lui être imputé;

Attendu que, si cel engagement pouvait être annulé, ce n'est pas là dans tous les cas une nullité de plein droit qui puisse être reconnue en l'absence du sieur Gaudet; que, jusqu'à ce que la dame Berne ait fait annuler ledit engagement, et le paiement qui en a été la suite, elle ne peut exiger un second paiement de Bruyn, et l'obliger à plaider pour elle avec le sieur Gaudet, pour faire prononcer en sa place la nullité des engagements qu'elle a con

tractės;

»Attendu d'ailleurs qu'en admettant que cette nullité fût prononcée, il y aurait encore à examiner si la dame Berne, qui a bien reçu les sommes qui ont été versées entre ses mains, et dont elle a fait tel usage que bon lui a semblé, n'a pas également bien recu ce qui a été employé pour elle à payer les dettes qu'elle avait précédemment contractées; que, si la Cour de cassation a cru devoir annuler les paiements par compensation faits au sieur Bruyn luimême, c'est là une disposition déjà bien rigoureuse, et qu'il n'est pas possible d'étendre par induction à un paiement réel fait à des

liers;

Attendu qu'ainsi ce chef d'imputation doit tre maintenu au profit de Bruyn;

» Sur le cinquième chef, soit le prix de l'immeuble appartenant au sieur Berne:

» Attendu que cette portion achetée par Berne au prix de 7,200 fr. a été estimée par les experts 9,933 fr. au jour de la vente passée à Bruyn;

» Attendu que la dame Berne soutient que cette portion d'immeuble lui appartient par droit d'accession, à charge par elle d'en payer le prix porté au contrat authentique d'acquisition, ou qu'au moins elle est propriétaire de la moitié en vertu du contrat ;

» Attendu que, lorsqu'un mari a incorporé à la propriété de sa femme un immeuble voi sin, et qu'au jour de la dissolution du mariage, la femme rentre en possession de sa propriété, il peut y avoir lieu d'examiner si le mari a le droit de reprendre sa portion en nature, ou si la femme, en en payant la valeur, ne peut pas la retenir; mais que, dans l'espèce, la question ne se présente point ainsi: que les deux propriétés, celle de la femme et celle du mari, ont été également revendues; qu'il s'agit seulement de déterminer la part du prix qui revient à chacun des propriétaires; que la femme Berne, si elle était encore propriétaire, ne pourrait retenir la part de son mari qu'en lui tenant compte de sa valeur; qu'ainsi il ne lui est fait aucun préjudice en lui retenant cette valeur sur le prix total de l'immeuble au profit dudit sieur Berne ou de ses créanciers;

>>Attendu qu'elle n'est point fondée au point de vue du contrat ; qu'en effet, si le sieur Berne a stipulé qu'il achetait pour lui et sa femme, celle-ci n'a point paru audit acte; que l'immeuble a été revendu en sa présence sans qu'elle ait déclaré dans aucune circonstance qu'elle entendait accepter l'acquisition faite par le mari en son nom; qu'ainsi la vente de 1832 a trouvé le mari exclusivement propriétaire de la part d'immeuble par lui achetée, ́et, par suite, de la portion du prix qui afférait à cette propriété..... ;

Attendu, quant à la contre-lettre portant un supplément au prix de l'acquisition faite par Berne, que c'est là une circonstance complétement indifférente; que le prix par lui payé est sans importance dans la cause; qu'il s'agit seulement de fixer la valeur de la propriété au 25 mars 1832; que les experts ont da sans doute dans les éléments de leur appré ciation faire entrer le montant du prix d'achat, mais que ce n'est là qu'une base d'estimation; que, n'existat-elle pas, et le contrat même d'acquisition ne fût-il pas représenté, le fond du droit des parties n'en serait aucunement modifié ;

la

Sur le sixième chef, soit les améliorations et les réparations faites par le sieur Berne :Attendu qu'en thèse générale, si les impenses ne produisent pas une plus-value égale dépense faite, la femme ne doit que ladite plus-value; mais que dans l'espèce l'amélioration excède, au contraire, les sommes avancées; qu'ainsi c'est faire reste de droit à la dame Berne que de l'obliger seulement à tenir compte du prix des réparations elles-mêmes ;

Attendu que les experts les ont estimées à la somme de 29,106 fr. 25 c.; que la dame

Berne présente des comptes du maçon, du pépiniériste et du fontainier, montant à la somme de 12,000 fr., et soutient que c'est là toute la dépense faite ; mais qu'il est évident qu'il y en a eu d'autres, et de nombreux ouvriers, et notamment des charpentiers, peintres, serruriers, à solder pour ce genre de réparations opérées; que rien n'établit, même pour les ouvriers dont les comptes sont représentés, qu'il n'y ait pas eu d'autres mémoires; qu'il y a lieu sur ce point à s'arrêter à l'estimation des experts;

»Sur le septième chef, soit le mobilier de la campagne : Attendu qu'il est constaté par les actes qu'an jour où la dame Berne a partagé l'immeuble de Saint-Rambert avec son copropriétaire, cet immeuble contenait un mobilier appartenant à la dame Berne;

» Attendu que, par suite de l'espèce de transformation qu'a subie l'immeuble par les embellissements et agrandissements opérés par Berne, il est nécessairement arrivé que le mobilier primitif a été augmenté et embelli aussi par ses soins; qu'ainsi on ne peut déclarer que le mobilier existant au moment de la vente de 1832 fût le même que celui de 1819, et doit être tout entier attribué à la dame Berne; mais qu'il est impossible aussi de lui refuser une part dans le prix de ce mobilier, dont une portion avait été par elle apportée en dot; qu'il s'agit seulement de déterminer cette portion, et qu'il semble juste d'admettre la même proportion pour l'accroissement du mobilier que celle qui est constatée pour l'immeuble; que le montant de cette part du prix allouée à la dame Berne contre Bruyn doit être retranché de ses reprises dotales ci-dessus fixées;

Sur le huitième chef, soit les 15,415 fr. 75 c. du prix excédant l'évaluation faite par les experts: Attendu que ceux-ci ont considéré cet excédant comme le résultat du succès des réparations et améliorations faites par le sieur Berne; qu'il serait peut-être plus vrai de considérer que, dans la position où Bruyn se trouvait vis-à-vis des mariés Berne au moment de la vente de 1832, il a dû être facilement conduit à donner un prix au dessus de la valeur réelle de l'immeuble qu'il achetait; que cela résulte et de l'évaluation des experts et de toutes les circonstances de la cause;

»Attendu que, soit qu'on admette celte o pinion, soit qu'on accueille celle admise par les experts, il en résulte toujours une plus-value générale ou excédant de prix de 45,000 fr. s'appliquant à toute la propriété, et qu'on ne conçoit pas par quelle raison on refuserait d'en appliquer une part proportionnelle à la fraction de l'immeuble qui appartenait au sicur Berne;

» Attendu qu'il suit de toutes ces considérations que le capital de 80,000 fr. dû par Bruyn au jour du contrat doit être diminué au moyen des chefs d'imputation ci-dessus rappelés, savoir les sommes payées à Parent, à Gaudet, et à la femme Berne elle-même, la valeur de la part de propriété appartenant au sieur Berne, celle de ses impenses, et sa part proportionnelle dans le mobilier, dans l'excédant de prix sur la valeur réelle, et qu'il doit être en

core diminué du montant de la provision payée à la dame Berne à la date où elle a été servie; » Attendu, quant aux intérêts du solde, que c'est là une question dans laquelle les syndic intervenants sont intéressés, et qu'il importe d'examiner avec les autres chefs de leurs prétentions;

» En ce qui concerne lesdits syndics et leur intervention : Attendu que Bruyn soutient qu'il y a chose jugée à leur égard par le juge ment du 21 mai 1834, non réformé quant à eux que ce jugement les a renvoyés devant un juge pour débattre le compte entre Berne et lui; que dès lors ils ne peuvent qu'exécuter ledit jugement, et ne sont plus admissibles à attaquer l'acte de vente du 25 janv. 1832;

Attendu que les moyens à l'aide desquels les syndics attaquent l'acte du 25 janv. 1832 sont complétement étrangers à ceux par eux présentés lors du jugement ci-dessus énoncé ; qu'ainsi, aux termes de l'art. 1350 C. civ., on ne peut leur opposer l'exception de chose jugée;

» Attendu, quant au moyen de nullité tiré par les syndics de ce que les obligations bypothécaires consenties à Bruyn par les époux Berne étaient des obligations de crédit dont la valeur n'a pas été soldée au jour de la souscription des engagements, que c'est là une nullité repoussée par la jurisprudence la plus constante, rejetée implicitement par le jugement de 1832, puisqu'il a ordonné qu'il serait fait compte de l'état du crédit accordé par Bruyn aux époux Berne; que d'ailleurs celte nullité même serait sans importance décisive dans la cause; que ce n'est point la validité des hypothèques consenties par Berne, mais celle de la compensation faite le 25 janv. 1832, qui est en question, et que rigoureusement, et en droit, cette compensation aurait pu s'appliquer à une créance chirographaire ;

» Attendu que cette compensation est atta-. quée comme faite en fraude de la masse des créanciers de Berne; que, suivant les syndics, elle doit être annulée, parce qu'il est impossi ble d'admettre que Me Bruyn, qui était en communauté d'intérêts avec les époux Berne, qui tenait en quelque sorte les livres de leur commerce, ignorât au 25 janv. 1832 l'état des affaires du sieur Berne, dont la faillite a été déclarée quelques jours après, et reportée par jugement au 31 oct. 1831, soit trois mois avant l'acte dont s'agit;

» Attendu, en droit, que, pour apprécier les actes faits à titre onéreux dans l'intervalle pendant lequel un jugement a fait remonter la faillite avant sa déclaration, la jurispru dence a constamment reconnu qu'il fallait examiner s'ils avaient été passés de bonne foi;

» Attendu que, pour examiner la question de bonne foi, il faut se reporter au jour où l'acte a été passé: que dans l'espèce Me Bruyn, qui compensait le prix de l'immeuble acquis par lui des époux Berne avec ses créances, avait, au 25 janv. 1832, une hypothèque qu'il devait croire valable pour toutes ses créances contre la femme Berne, et une hypothèque pour une notable partie contre le mari; que, dès lors, eût-il eu connaissance de l'état de faillite du sieur Berne, la compensation qu'il opérait n'é

tait à ses yeux qu'un mode de paiement d'ube créance hypothécaire qui ne pouvait, en apparence, porter aucun préjudice à la masse des créanciers :

* Attendu que Bruyn considérait la femme Berne comme la principale venderesse; que, si, depuis, et par suite des décisions qui ont annale les engagements de la femme Berne, ceux du mari dans l'acte du 25 janv. 1832 ont pris une importance que Bruyn a intérêt à rechercher, c'est là une circonstance bien posté rieure à l'acte de vente, et, par suite, étranfère à la bonne foi qui a présidé à son accomplissement;

»Allendu que les syndics ont eux-mêmes reconnu cette bonne foi, puisque, placés, lors du jugement de 1834, en face de cet acte de 1832, ils ne l'ont point attaqué pour cause de fraude, et en ont, au contraire, en quelque sorte demandé l'exécution; qu'ils ont en effet demandé à venir en compte des sommes compensées par ledit acte; que, s'il n'y a pas là une fin de non-recevoir absolue contre leur demande actuelle, il faut reconnaitre qu'il y a une grande présomption de bonne foi en faveur d'un contrat quand il a fallu huit années aux parties intéressées pour y découvrir des symptômes de fraude et de collusion;

Attendu qu'il suit de ces considérations que la compensation faite par l'acte du 25 janv. 1832 entre les créances de Bruyn et la part du prix due à Berne l'a été en pleine bonne foi; que, si, en définitive, elle porte préjudice à la masse des créanciers, c'était là une conséquence ignorée des parties au jour du contrat, ignorée des syndics eux-mêmes jusqu'à ce jour; qu'ainsi cette compensation ne peut être arguée de fraude, et doit être maintenue:

Sur les intérêts du solde du prix dû par Bruyn à la femme Berne : Attendu que Berne doit être mis hors de débat quant à ce chef; qu'en effet, si ces intérêts sont dus à la femme Berne, il est évident et Bruyn reconnaît lui-même qu'il n'y a aucun droit; que, si, au contraire, ils appartiennent au sieur Berne, échus depuis la faillite, ces intérêts entrent de droit dans la caisse syndicale; que Berne failli n'a pu payer par préférence un de ses créanciers ni compenser avec lui depuis le jugement qui a déclaré la faillite ; Qu'ainsi, dans aucun cas, Bruyn ne peut retenir les intérêts du solde dû par lui à la femme Berne:

• Attendu que la véritable question sur ce point est celle de savoir si ces intérêts doivent tre comptés à la femme Berne, ou aux syndies de la faillite de son mari;

Attendu que pour attribuer ces intérêts à la femme Berne il faudrait admettre que la femme d'un failli n'est pas dans la nécessité de faire prononcer sa séparation de biens pour rentrer dans l'administration de ses biens, et que par le fait de la faillite seule elle devient apte à gérer sa fortune et à recevoir ses

revenus;

› Attendu qu'il ne peut en être ainsi; que jusqu'à sa demande en séparation de biens la femme d'un failli reste sous l'empire de la règle générale qui rend la femme incapable; que 1843-18

seulement l'administration de ses biens passe du mari, qui est dépouillé de ses droits, à la masse de ses créanciers, qui le représentent;

>>Attendu qu'ainsi, en droit, les revenus de la femme Berne ont dû être reçus par les syndics de la faillite de son mari jusqu'au jour de sa demande en séparation; mais, d'autre part, et en fait, il est démontré que c'est le sieur Berne qui a pourvu aux besoins du ménage depuis sa faillite; qu'en effet on rapporte des documents desquels il résulte qu'il a continué l'industrie qu'il exerçait avant sa faillite, et que, d'autre part, le sieur Berne, qui vivait dans un état d'aisance, qui possédait une propriété rurale toute de luxe, n'a laissé à ses créanciers aucune espèce d'actif, en sorte que tout démontre qu'il a soustrait à sa faillite des ressources à l'aide desquelles il a maintenu l'aisance de son ménage; qu'ainsi la seule raison qui pourrait faire attribuer à la femme Berne ses revenus avant la séparation de biens, et qui se tirerait de ce que le mari ne reçoit les revenus de sa femme qu'à charge de les employer au bien-être de la famille, ce qu'il ne peut faire après sa faillite, cette raison manque en fait dans la cause; en sorte que l'application de la règle du droit qui attribue les revenus de la femme aux créanciers de son mari jusqu'à sa séparation de biens, qui pourrait paraitre sévère en thèse générale, conduit, dans l'espèce, à un résultat complé tement équitable;

» Attendu, quant aux dépens, que les parties succombent respectivement sur divers chefs de leur demande; que cependant la plus grande partie des réclamations de la femme Berne se trouve rejetée ;

» Dit que la femme Berne est séparée de biens du sieur Berne, son mari; que ses droits dotaux sont liquidés à la somme de 15,800 fr., montant du trousseau et du mobilier constitués par son contrat de mariage, et du prix d'un pré vendu par elle et son mari durant le mariage, déduction faite d'une somme de 1,200 f. à clle attribuée pour le mobilier par elle vendu avec la maison de campagne à Bruyn; Que les 80,000 fr. montant de la vente du 25 janv. 1832, que la dame Berne réclame à M Bruyn, sont réduits :

1° De la somme de 2,250 fr. à elle comptée lors du contrat, ci. 2,250 fr.

2o De celle de 11,000 fr. comptée pour elle à Parent.

»3° De celle de 4,400 fr. comptée à Gaude'.

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11,000

4,400

»4° De celle de 29,106 fr. pour, améliorations faites par Berne 29,106 »5° De celle de 9,933 fr. pour valeur de la part de propriété de Berne..

6o De celle de 4,765 fr. pour sa part proportionnelle dans l'excédant du prix

....

7° De celle de 2,145 fr. pour la part du mobilier lui appartetenant....

9,933

4,765

2,145

63,599 fr.

Total, soixante-trois mille cinq cent quatre-vingt dix-neuf francs. Ce qui réduit le montant du prix dû par

Bruyn au jour du contrat à 16,400 fr.; et à partir du 15 mars 1840, jour où il a compté une provision de 10,000 fr., à 6,400 fr.;

» Condamne Bruyn à payer ladite somme de 6,400 fr. à la dame Berne; en outre, à lui payer les intérêts de la somme de 16,400 fr. depuis le 25 juin 1839, jour de sa demande en séparation de biens, jusqu'au 15 mars 1840, et depuis ledit jour les intérêts de 6,400 fr. jusqu'à effectif paiement; - Condamne Bruyn à payer aux syndics de la faillite de Berne les intérêts de la somme de 16,400 fr. depuis le 25 janv. 1832 jusqu'au 25 juin 1839; Dit que les dépens seront mis en masse pour être supportés, un quart par Bruyn, un quart par les syndics de la faillite Berne en leurdite qualité, et le reste par la dame Berne. »

Appel par la dame Berne. Bientôt après, le sieur Berne étant décédé, șa veuve conclut à ce que la propriété des parcelles acquises par le mari tant en son nom qu'en celui de sa femme, et pour le survivant d'eux, lui fût attribuée, conformément à la donation réciproque qu'ils s'étaient faite par leur contrat de mariage.

Le 11 fév. 1842, arrêt de la Cour royale de Lyon qui statue en ces termes :

En ce qui touche la compensation prétendue par la dame Berne : Considérant que la vente de l'immeuble de Saint-Rambert a eu Hieu en 1832, et avant l'ouverture de la faillite de Berne; que cette vente, dont le prix a été payé comptant soit en obligations solidaires souscrites en faveur de Bruyn, acquéreur, soit en espèces dont le contrat porte quittance, n'a jamais été attaquée, et ne l'est même pas en ce moment;

» Attendu qu'en ce qui touche Berne, tout ce qui concerne la vente et le paiement du prix est consommé irrévocablement, et qu'il ne s'agit dans l'instance actuelle que de régler entre la femme Berne et Bruyn le prix des parties de l'immeuble vendu en commun par les époux, et que Bruyn doit payer à la femme dotale, puisque les paiements faits à son égard se trouvent annulés par l'arrêt de la Cour de Dijon;

» Attendu d'ailleurs que les reprises dotales que la femme Berne a été admise à faire va loir à l'ouverture de la faillite de son mari ne peuvent s'exercer que sur les ressources actives de Germain Berne à cette époque, et non sur les immeubles que ce dernier a possédés pendant le mariage, puisqu'ils ont été vendus Jégalement, et le prix payé et reçu avec purgation de l'hypothèque légale de la femme;

» Attendu dès lors qu'aucune compensation ne peut s'établir entre des reprises dotales non liquidées et un prix de vente reçu par le mari antérieurement, lorsqu'il jouissait de toute l'intégrité de ses droits;

» Adoptant pour le surplus les motifs des premiers juges, etc. »

Pourvoi en cassation de la dame Berne. Premier moyen. Violation de l'art. 1554 C. civ., et fausse application des art. 1436 et 4341 même Code, en ce que l'offre faite par La dame Berne de prouver qu'une partie notable du prix de la vente du pré dotal de ia Mouche avait été dissimulée a été repoussée par trois motifs : l'un puisé dans l'art. 1436,

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l'autre dans l'art. 1341, le troisième enfin résultant de ce qu'il n'existerait dans la cause aucune contre-lettre.

On disait : 1° L'art. 1436, au dire de l'arrêt attaqué, disposerait en termes formels qu'il n'est dû récompense à la femme commune que du prix de ses immeubles porté aux contrats, quelque allégation qui soit faite sur le prix de l'immeuble vendu. C'est là une grave erreur. Pour se dispenser d'observer la loi envers madame Berne on n'a pas craint d'en fausser le texte. Voici les véritables termes de l'art. 1436: « La récompense n'a lieu que sur le pied de la vente (et non point n'est que du prix porté au contrat), quelque allégation qui soit faite touchant la valeur (et non point touchant le prix) de l'immeuble aliéné.

On sait que par cette disposition les rédacteurs du Code ont voulu mettre fin à la divergence des anciennes coutumes, dont quelques unes autorisaient la femme à demander le juste prix ou la valeur réelle de son immeuble aliéné par le mari, tandis que d'autres ne lui permettaient de réclamer que le prix conventionnel, la somme réellement reçue. Si donc la dame Berne était venue demander une expertise, une estimation, sous prétexte que son pré, vendu 5,000 fr., en valait 10,000, elle au rait été très justement repoussée au nom de cet article. Mais quand, au contraire, elle venait dire : « Je ne recherche pas si mon immeuble valait plus ou moins de 10,000 fr.; je soutiens seulement et j'offre de prouver que, quelle que fùt sa valeur, il a été vendu non pas 5,000 fr., mais 10,000, alors elle se bor. nait à demander, conformément au texte de la loi, que sa récompense eût lieu sur le pied de la vente. La vente, en effet, ce n'est pas l'acte, l'instrument, c'est le contrat, c'est la convention qui existe indépendamment de l'ècriture; et, si le législateur a voulu que la femme se contentat du prix, il a voulu du moins qu'elle pût exiger le prix véritable. Ce prix, l'arrêt attaqué le lui dénie; mais pour cela il a fallu altérer le texte même de la loi.

2° L'argumentation tirée de l'art. 4341 C. civ., qui prohibe la preuve testimoniale contre et outre ce qui est contenu aux actes, n'est pas mieux fondée. En effet, est-ce que l'art. 1353 n'admet pas la preuve par témoins non seulement contre le dol, c'est-à-dire quand un des contractants trompe et dépouille l'autre, mais aussi contre la fraude, c'est-à-dire, suivant la définition donnée par M. Chardon,

quand on veut violer les lois ou tromper les magistrats par la forme des actes. »? Et la Cour de Lyon n'aurait pas dû oublier que, dans une espèce où la Cour de cassation avait déclaré cette preuve inadmissible au cas de fraude à la loi, elle a la première lutte contre cette jurisprudence, et ramené à son opinion les chambres réunies (1).

D'ailleurs la femme est toujours placée, vis-à-vis du mari, dans la position d'un créan cier auquel il est permis d'attaquer les actes feits par son débiteur en fraude de ses droits (art. 1167), et, dans l'état de dépendance el

(1) V. Cass. 29 mai 1827; Lyon, 4 août 1845; Cass. 7 mai 1856.

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