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souscrit au gérant des billets causes valeur en actions de la société, lorsqu'ils sont poursuivis en paiement de ces billets (2).

n'étant relatif qu'à la publication par la voie des journaux, de la presse périodique ou non périodique, et du dessin; quant aux autres modes de publication, l'art. 4 de la loi du 27 juil. 1849 continuait à les prévoir et les réprimer. Or cette dernière loi n'était pas applicable dans l'espèce, puisqu'il n'y avait pas mauvaise foi, c'est-à-de la Bienfaitrice une société en commandite dire intention malveillante de la part de l'inculpé.

Opposition par le ministère public.

Du 24 aout 1853, arrêt C. Douai, ch. d'acc., MM. Le Serurier 1er prés., Fiévet subst. proc. gén. (concl. conf.).

« LA COUR; Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure prévention suffisante contre Chaumont (François-Xavier) de s'être rendu coupable d'avoir, en juillet 1853, à Anor, publié, en la racontant notamment dans les lieux publics de cette commune, la fausse nouvelle suivante : « que l'on venait d'attenter aux » jours de l'empereur; qu'une nouvelle machi> ne infernale dans le genre de celle de Fieschi, » formée de 20 à 30 canons de fusil, avait été » dirigée sur lui à la suite d'une revue; qu'une » balle ou deux lui avaient traversé et cassé la » mâchoire; que plusieurs de ses aides-de-camp » avaient été tués; que des généraux et des co> lonels avaient aussi été tués et blessés..... », avec les circonstances que cette publication aurait été faite de mauvaise foi, et qu'elle était de nature à troubler la paix publique, délit prévu Atpar l'art. 15 du décret du 17 fév. 1852; tendu que les premiers juges ont, à tort, déclaré l'art. 15 précité exclusivement applicable aux délits commis par la voie de la presse proprement dite; qu'en effet, cet article prévoit d'une manière générale la publication ou reproduction de nouvelles fausses; qu'il ne limite pas ses dispositions à la publication ou reproduction par telle ou telle voie ; qu'en ne déterminant pas de mode de publication, il les embrasse tous; qu'il n'y aurait pas logiquement plus de raison pour restreindre ses prescriptions à la publication par la voie de la presse que pour les restreindre aux autres modes de publication à l'exclusion de la presse; Par ces motifs, ANNULE l'ordonnance de non-lieu à suivre rendue par la chambre du conseil du tribunal d'Avesnes, et RENVOIE Chaumont devant le tribunal de police correctionnelle de Valenciennes, etc. >>

GRENOBLE (13 juin 1853).
COMPÉTENCE COMMERCIALE, SOCIÉTÉ EN COM-
MANDITE, ACTIONNAIRES, BILLETS, VALEUR
EN ACTIONS.

Les actionnaires d'une société commerciale en
commandite, étant appelés à participer aux |
pertes et aux bénéfices de cette société dans la
proportion et jusqu'à concurrence de leurs
actions, sont, pour les affaires de la société,
justiciables des tribunaux de commerce com-
me la société même dont ils font partie (1).
Il en est ainsi notamment de ceux qui auraient

(1) V. la note suivante.

COLLOMB C. SYNDIC COMP. LA BIENFAITRICE. En 1850, un sieur Magnan fonda sous le nom par actions de 25 et 200 fr., dont le but était d'assurer les propriétés contre l'incendie, et d'établir dans chaque canton des banques pour prêter aux actionnaires et aux assurés. La société devait être constituée dès que l'on aurait recueilli dans un canton une somme de 5000 fr. - Des actions furent prises, pour le montant desquelles quelques personnes, notamment un sieur Collomb, souscrivirent des billets de 25 fr., payables « aussitôt que le capital voulu par les statuts aurait été souscrit, etc. Valeur en actions, etc. » La société ayant été mise en faillite, le sieur Ferouillat, nommé syndic, se mit en mesure de recouvrer les billets souscrits, et fit assigner les souscripteurs récalcitrants, entre autres le sieur Collomb, devant le tribunal de Les assignés déclinèrent la jurisimples diction consulaire, par le motif que, actionnaires, devant rester étrangers aux opérations de la société, ils n'avaient point fait acte de commerce en souscrivant des billets au gérant pour prix des actions qu'ils prenaient.

commerce.

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Le 31 déc. 1852, jugement du tribunal, qui se déclare compétent. Appel par Collomb.

Du 13 JUIN 1853, arrêt C. Grenoble, 1re ch., MM. Royer 1erprés., Gautier subst. proc. gén., Sisteron et Allard av.

« LA COUR; Attendu que l'appel interjeté par Collomb du jugement du tribunal de commerce n'a pu saisir la Cour que du point de savoir si ce tribunal était compétent pour statuer sur la demande du syndic de la faillite de la compagnie la Bienfaitrice, parce qu'au fond il a prononcé en dernier ressort; - Attendu,

(2) C'est une question controversée que celle de savoir si celui qui prend des actions dans une société commerciale, anonyme ou en commandite, fait un acte de commerce qui le soumette à la juridiction commerciale, et le rende passible de la contrainte par corps. V., dans le sens de l'affirmative, Paris, 23 juin 1825; Bordeaux, 10 nov. 1836; Cass. 28 fév. 1844 (t. 2 1844, p. 644); Paris, 20 et 27 fév. 1847 (t. 1 1847, p. 298 et 436), 20 nov. et 31 déc. 1847 (t. 1 1848, p. 351 et 352), 3 oct. 1850 (t. 2 1852, p. 408), 26 juin 1852 (t. 1 1853, p. 35); Vincens, Législ. comm., t. 1er, p. 322; Malepeyre et Jourdain, Soc. comm., p. 138.

p

V., pour la négative, Rouen, 6 août 1841 (t. 2 1844, p. 519); Paris, 28 fév. 1842 (t. 1 1842, 409); Douai, 26 janv. 1843 (t. 2 1843, p. 79); Paris, 22 déc. 1846 (t. 1 1847, p. 114); Lyon, 7 fév. 1850 (t.1 1852, p. 185); Bourges, 17 déc. 1850 (t. 21850, p. 701); Dijon, 20 mars 1851 (t. 2 1852, P- 320); — Delangle, Soc. comm., t, 1er, nos 312 et suiv.; Nouguier, Trib. de comm., t. 1er, p. 374 et suiv.; Massé, Dict. du cont. comm., vo Soc., no 9; Goujet et Merger, Dict. de dr. comm., vo Acte de comm., no 84.

V. Rép. gen. Journ. Pal., vo Acte de commerce, nos 78 et suiv.

-

JOURNAL DU PALAIS.

à cet égard, que les statuts de la société Magnan et Ce, qui a été régulièrement constituée et publiée, ne peuvent laisser aucun doute sur le caractère commercial de cette société, puisqu'elle avait pour objet l'assurance à primes des propriétés mobilières et immobilières contre l'incendie et des opérations de banque et d'escompte; Attendu que les actionnaires d'une société de commerce, étant appelés à participer aux pertes et aux bénéfices de cette société, dans la proportion et jusqu'à concurrence de leurs actions, sont de véritables associés commanditaires, qui, pour les affaires de la société, sont nécessairement justiciables des tribunaux de commerce, comme la société même dont ils font partie;-Attendu que Collomb, qui a pris des actions après l'établissement de la société, n'a pu ignorer les statuts, et par conséquent qu'il faisait un acte de commerce qui le soumettait à la juridiction commerciale; ces motifs, ORDONNE que pétence du 31 déc. 1852 sortira son effet, etc. >> le jugement de com

CASSATION (9 août 1851).

---

- Par

APPEL CORRECTIONNEL, RAPPORT, CONCLUSIONS,
COMMUNAUTÉ, SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF

(1) V. Rép. gén. Journ. Pal., v° Appel (mat. crim.), nos 310 et suiv.

(2) V. Rép. gen. Journ. Pal., vo Commerçant, nos 269 et suiv., 284 et suiv., 335 et suiv., 368 et suiv. (3) Pour que la portée de cette décision puisse être exactement appréciée, il est nécessaire de rap-| peler ici que, dans l'espèce où elle a été rendue, le tribunal de commerce d'Abbeville avait, par un jugement non attaqué, déclaré en faillite la société en nom collectif formée entre les époux Gavelle, et chacun des époux Gavelle personnellement. si, le tribunal correctionnel saisi d'une prévention - Ain- | de banqueroute simple, le jury saisi d'une accusation de banqueroute frauduleuse, peuvent déclarer que le prévenu ou l'accusé n'est ni commerçant ni en état de faillite, bien qu'un jugement commercial passé en force de chose jugée ait déclaré la faillite ouverte, et que la faillite ait produit tous ses effets civils et commerciaux.

Déjà, par de nombreux arrêts, la Cour de cassation avait jugé que le ministère public peut poursuivre comme banqueroutier, et le juge criminel déclarer failli, un individu contre lequel il n'a pas été rendu de jugement déclaratif de faillite, conformé ment à l'art. 440 C. comm., et cette doctrine a été suivie par les Cours d'appel et par tous les auteurs qui ont écrit sur la matière. V. Cass. 19 avril et 7 nov. 1811, 14 juil. 1814, 15 avril 1825, 22 janv. 1831, 11 août 1837 (t. 2 1837, p. 427), 29 mars 1838 (t. 1 1840, p. 203), 3 avril 1846 (t. 1 1849, p. 385), 23 mai 1846 (t. 1 1849, p. 387); Metz, 18 déc. 1826 et 14 mai 1833; Aix, 9 août 1837 (t. 2 1837, p. 531), et 5 mai 1845 (t. 1 1848, p. 588);- Carnot, C. pén., sur l'art. 402, no 15, t. 2, p. 359; Bourguignon, Jurispr. des C. crim., sur l'art. 2 C. inst. crim., no 8, t. 1er, p. 47; Legraverend, t. 1er, p. 25, note 2; Chauveau et Hélie, Th. du C. pen., chap. 70, 1re édit., t. 7, p. 236, et 2e édit., t. 5, p. 305; F. Hélie, Inst. crim., t. 3, p. 35 et 36; Le Sellyer, Tr. du dr. crim., no 2075, t. 5, p. 419; Mangin, Act. publ., no 420, t. 2. p. 398; Pardessus, Dr. comm., t. 5, no 1094; Bioche, Dict. de proc., vo Faillite, nos 1455 et suiv.; Morin, Rép. du dr. crim., vo Banqueroute, no 6; Goujet et Merger, Dict. de dr. comm., vo Banque

FAILLITE,

TRIBUNAUX DE

ENTRE ÉPOUX, Il ne résulte aucune nullité, en matière d'appel RÉPRESSION, COMPÉTENCE. correctionnel, de ce qu'après le rapport de l'un des juges et les conclusions du ministère public, la cause a été remise pour entendre des témoins, et de ce que l'audition de ces témoins n'a pas été suivie d'une réplique du La femme mariée sous le régime de la commuministère public (1). C. inst. crim. 209. nauté ne peut contracter avec son mari une société commerciale en nom collectif, ni par suite être déclarée en faillite dans le cas où cette société cesse ses paiements (2). C. Nap. Les tribunaux de répression saisis d'une pour1388, 1395, 1421, 1422, 1855 et suiv. suite en banqueroute sont compétents pour décider si le prévenu est ou non commerçant failli (3). C. comm. 437, 585.

GAVELLE.

Les époux Gavelle se sont pourvus en cassation contre l'arrêt de la Cour d'Amiens du 3 avril 1851, que nous avons rapporté au tome 2 1851, p. 78.

Du 9 AOUT 1851, arr. C. cass., ch. crim., MM. Laplagne-Barris prés., Quénault rapp.,

route, no 5; Massé, Dr. comm., no 215, t. 3, p. 206; lay-Paty, Faill. et bang., t. 2, no 481; Lainné, ComRenouard, Tr. des faill. et bang., t. 2, no 449; Bouet bang., no 1206, t. 2, p. 467; Esnault, Tr. des faill. et ment. sur la loi de 1838, p. 603; Bédarride, Tr. des faill. bang., no 680, t. 3, p. 352. S2, art. 8; de M. Duvergier, dans ses annotations ment l'opinion de Merlin, Rép., vo Faillite, sect. 2, Telle paraît être égalesur Legraverend, t. 1er, p. 30, note 5; et des auteurs de l'Encycl. du dr., vo Banqueroute, no 59.-V. aussi Rép. gen. Journ. Pal., vo Banqueroute, nos 31 et suiv.

principe que les tribunaux de répression étaient inDéjà même la Cour suprême avait proclamé en vestis, pour déclarer l'existence de la faillite, d'une compétence absolue et complétement indépendante de la chose jugée au civil, à tel point que le jugeplus être opposé au prévenu que celui-ci ne peut s'en ment rendu par le tribunal de commerce ne peut pas prévaloir. En conséquence, elle avait jugé que le tribunal correctionnel saisi d'une poursuite en banquepaiements ou l'ouverture de la faillite à une époque route simple peut faire remonter la cessation de antérieure (V. Cass. 23 mai 1846 [t. 1 1849, p. 387])... et que celle fixée par le tribunal de commerce. le tribunal de répression peut déclarer qu'il y a banqueroute, bien que le tribunal de commerce ait dé2 1837, p. 531]).... ou ait rétracté le jugement par claré qu'il n'y a pas faillite (V. Aix, 9 août 1837 [t. lequel il avait d'abord déclaré la faillite ouverte. V. Metz, 14 mai 1833, et Aix, 5 mai 1845 (t. 1 1848, p. 589).

Enfin, la Cour de cassation, par une conséquenjury saisi d'une accusation de banqueronte frauduce nécessaire du même principe, avait jugé que le leuse doit, à peine de nullité, déclarer dans sa répouse si l'accusé est commerçant, et s'il est commersept. 1828, 16 sept. 1830, 3 fév., 3 mars et 21 avril çant failli. V. notamment Cass. 22 juin 1897, 19 1831, 28 déc. 1837 (t. 1 1843, p. 350), 29 mars 1838 (t. 1 1840, p. 203), 20 sept. 1838 (t. 1 1843, p. 351), 30 oct. 1839 (t. 1 1843, p. 352). surplus, Rép. gén. Journ. Pal., vo Banqueroute, nos 41 V., au | et suiv.

Malgré la généralité des termes dans lesquels la

Sévin av. gén. (concl. conf.), Martin de Strasbourg av.

mun aux deux demandeurs, ledit moyen pris de la violation des art. 209, 190 et 210 C. inst. crim., en ce que, le rapport ayant été fait à l'au

« LA COUR ; — Sur le premier moyen, com-dience du 13 mars, et les conclusions données

-

Cour de cassation avait posé le principe, des doutes se sont élevés sur le point de savoir s'il ne devait pas subir d'exceptions. Ainsi, M. Renouard, tout en admettant que le tribunal de répression n'est pas lié par un jugement commercial négatif de la faillite, pense qu'il en doit être autrement si le jugement est déclaratif de la faillite. « Après qu'un tribunal, dit-il, a déclaré que la preuve d'opérations de commerce ou de la cessation des paiements n'a pas été administrée devant lui, la raison ne se refusera point à admettre que cette preuve soit ensuite fournie devant un autre tribunal. Mais nier la preuve légalement faite de l'état de faillite devant le tribunal qui, spécialement institué pour constater cet état, a par là créé pour le failli une condition sociale toute nouvelle, et a modifié profondément jusqu'à son existence politique, ce serait violer la chose jugée, ce. serait vouloir que ce qui est ne soit pas. » Cette distinction, on le voit, est repoussée, au moins implicitement, par l'arrêt que nous recueillous, et la Cour de cassation maintient dans toute sa généralité le principe de l'indépendance absolue de la juridiction criminelle.

Malgré des autorités aussi imposantes, les deux savants auteurs du Traité du contrat de commission, MM. Delamarre et Le Poitvin, ont entrepris de démontrer, dans la partie encore inédite de leur ouvrage (t. 5, nos 68 et suiv.), que les officiers du ministère public sont sans action pour exercer des poursuites en banqueroute, et les tribunaux criminels sans compétence pour statuer sur ces poursuites, tant que la faillite n'a pas été déclarée par le tribunal de En attendant la publication complète de cette remarquable dissertation, qui nous paraît de nature à ébranler, et peut-être même à changer bien des convictions, nous sommes heureux de pouvoir, grâce à la communication bienveillante qui nous en a été donnée, en mettre les principaux passages sous les yeux de nos abonnés.

commerce.

« Les motifs sur lesquels est fondée la jurisprudence de la Cour suprême, disent MM. Delamarre et Le Poitvin, sont résumés complétement dans l'arrêt du 7 nov. 1811, et dans celui du 29 mars 1838. Examinons d'abord les motifs énoncés dans l'arrêt de 1811. Ils se reproduiront tous dans l'unique argumentation que voici: Les tribunaux de commerce n'étant institués que pour les intérêts privés, des créanciers peuvent seuls les saisir d'une demande en déclaration de faillite. Le ministère public n'a pas d'action devant eux. D'un autre côté, l'action du ministère public est essentiellement indépendante de l'action privée; or elle en dépendrait s'il ne pouvait poursuivre en banqueroute avant un jugement déclaratif qu'il n'a pas le droit de provoquer: donc il peut agir sans ce préalable. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait que le législateur eût expressément ordonné une disposition contraire, qu'il n'a pas édictée.

>>...... Que les tribunaux consulaires ne soient, en général, institués que pour les intérêts privés, le contentieux du commerce, nous ne refusons pas de le reconnaître. Mais quant aux faillites, nous posons en principe que l'intérêt public n'est pas moins que l'intérêt privé commis à la garde exclusive de ces mêmes tribunaux. On veut des lois qui le disent expressément; en voici deux bien expresses: C'est d'abord notre art. 440, celui, sans doute, qui gêne le plus, car à peine en parle-t-on per transennam. Cette loi ne donne pas seulement au tribunal de commerce le pouvoir de prononcer la déclaration de faillite sur la demande des parties privées;

elle lui donne aussi le droit de la prononcer d'office,' même contre les receveurs généraux des finances, consuls, notaires, magistrats de tout ordre, etc.; en un mot, contre toutes personnes faisant habituellement des opérations commerciales, animo lucrandi; et ce droit lui est conféré à l'exclusion de tous autres juges. Ceux-là même qui se prétendent investis de la pleine juridiction n'oseraient prendre sur eux de déclarer d'office une faillite, ni de faire remplir les formalités consécutives qu'un tel jugement nécessite, v. g., l'arrestation du débiteur (art. 455). Jusqu'ici du moins la chose est sans exemple. Nul autre tribunal quelconque qu'un tribunal de commerce n'a jamais déclaré personne commerçant failli qu'incidemment à une demande civile ou par suite d'une plainte dont il était saisi. Or, prononcer d'office, c'est prononcer proprio motu, sans y être sollicité par qui que ce soit. Que fait donc le juge consulaire lorsqu'il rend ex officio un jugement déclaratif? Il exerce un grand acte d'autorité publique, un pouvoir extraordinaire et discrétionnaire, un jus singulare, on pourrait dire en quelque sorte un merum imperium.

-

Et dans quel intérêt? Serait-ce,, comme quelques auteurs le disent, dans le seul intérêt des créanciers éloignés? C'est daus l'intérêt de tous, commerçants ou non commerçants, éloignés ou proches, même dans l'intérêt de l'état; en un mot, dans l'intérêt du crédit commercial, par conséquent dans l'intérêt général; c'est-à-dire afin que personnue n'ignore qu'il n'y a plus de sûreté à traiter avec le commerçant devenu l'objet du jugement solennel rendu extra ordinem. Tels sont le but et les motifs de l'art. 440, loi unique dans son espèce car aucune autre loi n'arme aucun autre tribunal du droit exorbitant de priver d'office et par provision, causa inaudita, un citoyen de sa liberté, de l'administration de ses biens, de ses droits politiques. Les Cours souveraines ellesmêmes, toutes chambres assemblées, ne sont pas investies de ce pouvoir redoutable! Si ce n'est pas là exercer la juridiction dans un intérêt public, qu'on nous dise donc quelle autre chose ces expressions signifient. Faut-il un autre texte plus explicite encore? C'est l'art. 515, ainsi conçu: « En cas >> d'inobservation des règles ci-dessus prescrites, ou » lorsque des motifs tirés, soit de l'intérêt public, » soit de l'intérêt des créanciers, paraîtraient de na>>ture à empêcher le concordat, le tribunal en re>> fusera l'homologation. » Voilà donc encore un texte qui, par une attribution exclusive, commet au juge de commerce l'appréciation discrétionnaire de l'intérêt public, et le fait seul arbitre entre cet intérêt et l'intérêt privé. C'est un blanc seing, une procuration cum libera, que la loi lui donne. – Enfin, l'intérêt public est aussi placé sous la surveillance du juge-commissaire durant tout le temps de la liquidation de la faillite, par conséquent sous la protection des juges du tribunal, où sa qualité de rapporteur l'appelle toujours et nécessairement à prendre place (V. Renouard, t. 1er, no 152). « Si la » législation se compose de lois d'exception (disait l'ex>>posé des motifs des art. 631 et 632 du Code de » 1807), ce n'est pas pour l'avantage des commerçants » qu'elles sont faites, c'est pour l'intérêt de tous, parce » que la richesse publique, l'aisance, le bonheur des ci»toyens, sont attachés à la prospérité du commerce. Par >> cette raison qui nous paraît si simple, c'est le com»merce, et non les commerçants, qui doit être l'objet » de la législation qui nous est confiée, etc....» (Locré, Esprit C. comm., t. 8, p. 373.) Voilà pourquoi la faillite est un tout indivisible; voilà pourquoi, fussent-ils cent fois plus nombreux que les créanciers

par le ministère public à l'audience du 15 du même mois, la Cour d'appel d'Amiens aurait rouvert les débats pour l'audition de deux témoins, sans entendre un nouveau rapport et pour faits de commerce, et n'y en eût-il qu'un seul de cette dernière espèce, les créanciers civils sont tenus, ainsi que les administrations publiques et l'état lui-même, de venir justifier de leurs créances et débattre leurs intérêts devant le tribunal des marchands (art. 635).

Il n'est donc pas exact de dire avec l'arrêt de 1811, premier fondement de la jurisprudence existante, que le tribunal de commerce n'est institué que pour les intérêts privés; plus haute est sa mission. Ainsi, l'argumentation s'écroule avec sa base, et nous pourrions, à bon droit, n'en pas pousser plus loin la réfutation.

>> Mais nous tenons à prouver par le rapprochement de quelques autres dispositions du Code, et par la combinaison des unes avec les autres, que, dans l'intention de la loi, le ministère public ne peut exercer des poursuites, ni en banqueroute simple, ni en banqueroute frauduleuse, que si, par des motifs tirés soit de l'intérêt public, soil de l'intérêt des créanciers, le tribunal de commerce a déjà rendu, sur requête ou d'office, un jugement déclaratif de la faillite.

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de nouvelles conclusions du ministère public, avant de prononcer son arrêt définitif : Attendu qu'après le rapport fait à l'audience et les conclusions données du ministère pules causes et le caractère de la faillite. Voilà, en résumé, quelques effets importants de la faillite. Qui oserait prétendre qu'ils sont dus au seul fait de la cessation de paiements, ou attachés au jugement de quelque autre tribunal que le tribunal de commerce? Ces effets se lient au jugement déclaratif; leur existence en est une émanation.

» Après cela, que la Cour de cassation ait dit : « La >> cessation de paiements est un fait qui existe par lui>> même, que le jugement déclaratif constate, mais » qu'il ne crée pas », qu'importe? Là n'est pas la question. La question est de savoir si la loi (art. 440) qui a chargé le juge consulaire de constater ce fait a entendu l'en charger exclusivement à tous autres juges, et ce point n'est pas douteux. Nous pensons l'avoir démontré. Le décès d'un citoyen est aussi un fait que l'acte de l'état civil constate, mais qu'il ne crée pas. Cependant, à moins que les registres n'aient pas existé ou qu'ils soient perdus, si l'acte n'est pas représenté, le fait du décès n'existera pas quant aux effets légaux que ce même acte aurait eu la vertu de lui faire produire (art. 46 C. civ. — V. notre t. 1, no 304); et ce n'est pas le seul cas où il soit exact de dire Forma dat esse rei.-Il n'en est pas autrement de l'état de faillite. Ce décès commercial dont les coaséquences sont immédiates, si graves et presque toujours irréparables, n'a de consistance avec effet légal qu'autant qu'il soit constaté par le juge que la loi désigne seul.....

>> Concluons: La cessation de paiements et le jugement qui déclare ce fait sont aussi inséparables que l'âme et le corps. Pas de jugement déclaratif sans cessation de paiements; pas de cessation de paiements, aux yeux de la loi, sans un jugement déclaratif.

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D'un autre côté, pas de faillite, pas de banqueroute. Or la faillite n'existe que quand elle est déclarée par le juge de commerce. Donc, jusque alors, le ministère public ne peut agir.

>> Ce n'est pas seulement une loi (l'art. 440) qui, pour emprunter les expressions de la Cour suprême, ordonne expressément une disposition contraire; c'est toute une législation d'intérêt privé et d'intérêt social qui refuse action au ministère public. C'est dans cette pensée que la législation des faillites et banqueroutes a été préconçue, combinée, coordonnée, et, nous ne craignons pas de le dire, parmi le grand nombre de dispositions dont cette loi se compo se (207 articles), il n'en est pas une seule qui ne converge à ce résultat avec chacune des autres. Epargnons au lecteur l'inutile eunui de les passer en revue une à une, pour n'arriver chaque fois qu'à des conséquences uniformes et monotones. Mais arrê tons-nous un instant aux trois seuls textes où il soit fait mention du ministère public.

» En effet, le commerçant seul peut faillir; le commerçant failli peut seul être en banqueroute. Or, point de jugement déclaratif, point de faillite, légalement parlant. Voilà notre thèse.- La simple cessation de paiements n'est qu'un fait, ou plutôt, selon la très juste expression du rapporteur, un ensemble de circonstances, qui doit être examiné, apprécié, constaté, déclaré. Qu'il n'y ait pas de jugement déclaratif, et le débiteur ne pourra être ni placé en état d'arrestation ou sous la garde d'un officier de police, ni frappé d'une capitis diminutio, dont les effets ne s'effacent que par une réhabilitation presque toujours impossible (art. 604). C'est le jugement déclaratif qui dessaisit de plein droit le débiteur de l'administration de ses biens; opère une saisie générale qui, accompagnée de scellés et d'inventaire, le réduit à l'impuissance de rien aliéner, et de ses biens fait une masse une, comme l'état de faillite est un (art. 443). C'est encore par le jugement déclaratif ou par un jugement ultérieur qui s'identifie avec lui, que l'époque de la cessation de paiements est fixée, et cette époque, acquérant ainsi une date certaine, devient le fondement de la théorie de la loi sur la nullité, l'annulabilité ou la validité des actes faits par le débiteur depuis qu'il a cessé de payer, ou dans les dix jours antérieurs (art. 446). Par le jugement déclaratif qui dessaisit ipso jure le débiteur de l'administration de ses biens, cette administration passe immédiatement à la masse de ses créanciers, avec pouvoir de vérifier et de contrôler le bilan du débiteur, de traiter avec lui, de liquider, de transiger, de vendre, de répartir (art. 443, 468, 493, 507, 529, etc.). Point de jugement déclaratif, et l'on ne pourra concevoir ni l'organisation du syndicat, sans laquelle la masse des créanciers ne peut gérer et liquider la faillite, ni la législation du concordat, qui, contrairement au droit civil et à la raison du droit, impose à la minorité des chirographaires la loi de la majorité, et lie les créanciers, présents ou absents, connus ou inconnus, majeurs ou mineurs; ni l'union, qui, le concordat refusé, se forme de plein droit entre tous les créanciers sans distinction, et les appelle tous à participer aux délibérations d'intérêt commun; ni l'institution du commissariat, déléga-nir le failli dans une maison d'arrêt proprement dite. tion du tribunal de commerce que nécessitent les intérêts divers et opposés qui s'agitent dans une faillite, et chargée de suivre les opérations, de les hâter, de les surveiller, de statuer en cas d'urgence, et d'éclairer la religion des juges sur les contestations,

» Il en est parlé pour la première fois dans l'art. 460. La faillite est déjà juridiquement déclarée, car cette disposition a précisément pour objet de mander au procureur de la république l'exécution du jugement déclaratif en ce qui concerne le dépôt de la personne du failli dans la maison d'arrêt pour dettes, etc...; et, chose remarquable! le même mandat est concurremment donné aux syndics. Et eux aussi ont le droit de requérir la force publique. Remarquez encore ces mots maison d'arrêt pour dettes. Le ministère public n'aurait pas le droit de faire déte

Il n'y a point ici de prévenu, expresssion propre à la procédure criminelle. La faillite est un fait innocent (a pæna remotum), un fait purement commercial, comme le disait très bien M. le rapporteur. Mais les engagements du failli auxquels il n'a pas satisfait le soumet

blic, appelant, la Cour d'Amiens n'a prononcé a l'audience du 15 mars qu'une simple remise de la cause, avec indication de deux témoins à entendre; qu'au jour indiqué pour la continuatant à la contrainte par corps avant sa cessation de paiements, il est conséquent qu'on s'assure de sa personne par sa détention dans une maison d'arrêt pour dettes. La seconde de nos trois dispositions présuppose encore l'existence d'un jugement déclaratif. C'est l'art. 459, d'après lequel le greffier du tribunal de commerce doit, dans les vingt-quatre heures, adresser au procureur de la république du ressort extrait du jugement déclaratif, mentionnant les principales indications et dispositions qu'il renferme, précaution sage et bien entendue qui éveille la sollicitude du magistrat chargé de la vindicte publique, et éclaire sa surveillance.-Vient enfin l'art. 483, ainsi conçu: « Les » officiers du ministère public pourront se transporter >> au domicile du failli et assister à l'inventaire. Ils » pourront, à toute époque, requérir communication » de tous les actes, livres et papiers relatifs à la failli>>te.»> Cette disposition serait, à elle seule, la clef du problème, car, dans une loi d'ordre public, puisque les faillites ont été établies dans l'intérêt du commerce et de la société (V. M. Esnault, t. 1, no 133), et que l'état de faillite modifie d'une manière décisive la position sociale du commerçant et lui enlève toute capacité (V. M. Bédarride, t. 1, no 72); en un mot, dans une loi toute spéciale, par conséquent essentiellement restrictive, on juge du pouvoir que cette loi ne veut pas attribuer ou qu'elle entend limiter par l'étendue exprimée de celui qu'elle attribue, et c'est, ou ja mais, le cas de la règle des inclusions.

>> Ce n'est donc qu'après le jugement déclaratif que le procureur de la république peut se transporter au domicile du failli. Auparavant, il y aurait incompétence. Il ne peut pas non plus demander au failli communication de ses actes, livres et papiers: ils sont sous les scellés. Mais une fois le syndicat formé, le ministère public peut requérir des syndics, avant, pendant et après l'inventaire, en un mot, à toute époque depuis le jugement déclaratif, la communication mentionnée dans l'art. 483, ce qui, à notre avis, implique le droit de requérir le lief des scellés et la confection de l'inventaire, parce que qui veut la fin veut les moyens.

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tion de la cause, après l'audition des deux témoins, les défenseurs des époux Gavelle ont été entendus dans leur défense, et que, si le ministère public n'a pas usé de la faculté de réplinels, au nombre desquels est éminemment la banqueroute. Nous croyons l'avoir déjà démontré. Mais, après tout, poser un principe, c'est prendre l'obligation de le suivre dans ses corollaires. Si donc le ministère public peut exercer l'action en banqueroute sans le préalable du jugement consulaire dont il est parlé dans l'art. 440, et qu'il estime que le délit soit flagrant, il pourra, il devra même se transporter, sans aucun retard, au domicile du commerçant, ou peut-être du non-commerçant, qu'il se propose de poursuivre en banqueroute frauduleuse, pour y dres ser procès-verbal du corps du délit (art. 32 C. inst. crim.), et faire emporter dans un sac (art. 38 même Code) les livres, actes et papiers pouvant établir contre ce commerçant ou non-commerçant la conviction, v. g., a qu'il s'est constitué, soit dans ses écritu>>res, soit par des actes publics ou des engagements >> sous signature privée, débiteur de sommes qu'il ne » devait pas »; en un mot, pouvant servir à conviction » contre lui de quelqu'un des faits énoncés dans l'art. 594...; inquisition inouie qui n'irait à rien moins qu'à l'entière abolition du commerce!.... Sans doute on n'a jamais vu, et certes on ne verra jamais, le ministère public s'engager dans une procédure aussi monstrueuse; mais son abstention elle-même, que prouve-t-elle autre chose, sinon qu'il reculerait devant les déductions logiques du seul principe dont il s'autorise? Or, détourné de son application naturelle, un principe sage et vrai à l'égard des matières qu'il a pour objet de règler est évidemment un principe faussé quand celui qui l'invoque n'oserait pas en pratiquer les conséquences nécessaires.

» Voilà jusqu'où l'on est conduit quand on veut transporter des lois faites pour un ordre de choses dans un autre ordre de choses! — C'est qu'en effet, le délit et le crime de banqueroute sont un crime ou un délit qui ne peut être commis que par des commerçants, et uniquement dans le commerce; nous avons presque dit qu'il y est localisé. La preuve, c'est que le débiteur en déconfiture peut impunément se permettre tout ce qui constitue l'une et l'autre banqueroutes. On respecte en lui, à la différence >> Telle est la délimitation exacte des pouvoirs du du commerçant, le droit de propriété, jusque dans ministère public en matière de faillite. Pourquoi l'usage immoral qu'il lui a plu d'en faire. Par exemcette délimitation? Pourquoi surtout cet art. 483, ple, la violation d'un dépôt, qui, sous le Code de marquant avec tant de précision la phase de la fail- 1807, était un fait de banqueroute frauduleuse, ne lite où le procureur de la république a le droit de constitue aujourd'hui qu'un délit simple. Si donc s'y montrer et d'adresser aux syndics des réquisi-j'ai déposé chez Jacques, qui n'était pas encore en tions? Si la loi commerciale n'eût pas entendu mo- faillite, une somme de 60,000 fr., et qu'il ait dédifier, quant aux faillites et banqueroutes, le pou-tourné ce dépôt, sa méchante action, il est vrai, voir que la loi commune a donné à ce magistrat de poursuivre en tout temps les délits et les crimes, quel besoin de parler de lui? Le moyen le plus simple de lui laisser ce pouvoir tout entier, c'était de n'en rien dire, et de passer sous silence jusqu'au nom même de procureur de la république.-Et quand, d'un autre côté, dans la loi tout entière, il ne se trouve pas un seul texte, ni, dans un seul texte, un seul mot, qui révèle ou qui même fasse soupçonner la plus légère intention d'armer le ministère public d'un ponvoir antérieur au jugement déclaratif, qui pourra jamais croire qu'un tel silence est l'effet d'une omission ou d'un oubli involontaire?

ne restera pas impunie, le ministère public le poursuivra pour ce fait avant tout jugement déclaratif; mais quelle sera la peine? Deux ans, ou deux mois peut-être, d'emprisonnement correctionnel (art. 408 C. pén.). Au contraire, si Jacques, commerçant failli, a détourné sa montre, ses rasoirs ou son manteau, il aura encouru la peine afflictive et infamante des travaux forcés, à coup sûr pendant cinq ans, et peut-être durant vingt années. Ainsi Jacques est cent fois plus coupable et plus puni pour avoir déplacé sa propre chose (car, bien que failli il n'en reste pas moins propriétaire), que s'il eût volé la propriété d'autrui! Il ne fallait rien moins que la toute-puissance d'une loi sui generis pour créer une fiction qui répugne tant au droit naturel.

» Aussi la jurisprudence et la doctrine que nous pensons devoir combattre ne s'appuient-elles sérieusement sur aucun texte de la loi marchande. Elles Aussi n'est-ce pas le Code pénal qui fait de la se retranchent l'une et l'autre dans l'art. 4 C. inst. banqueroute un crime ou un délit. Les délits et les crim., qui déclare l'action publique indépendante de crimes que définit ce Code sont tous des faits dél'action privée, mais non pas essentiellement indéfendus à tous, tantôt par la loi sociale, le plus soupendante, comme le dit la Cour suprême (arrêt de vent par la loi naturelle. Mais c'est le Code de com1811). Nous ferons voir qu'il est des cas exception- mercè qui définit l'une et l'autre banqueroutes (art.

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