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confident des plaies du corps, comme le prêtre est le confident des plaies de l'âme, soit tenu, comme le prêtre, de tout oublier après avoir entendu.

› C'est toujours ainsi, au surplus, que les médecins ont compris l'exercice de leur profession. Avant même que la loi eût édicté des peines contre la violation du secret, ils avaient senti que, si, dans les habitudes ordinaires de la vie, cette violation est chose blamable, de leur part ce serait plus qu'une inconvenance, plus qu'une faute : ce serait presque un crime. Aussi de tout temps ont-ils adopté comme première règle de conduite le précepte du serment d'Hippocrate que les anciens statuts de la Faculté de Paris résumaient énergiquement en ces termes : « Ægrorum arscana, visa, audita, intellecta, eliminet »nemo. » ( Art. 77 des statuts de 4751 et art. 19 des statuts de 1600 de la Faculté de Paris [1].)

Si ces considérations, que l'on croit devoir se borner à indiquer, sont vraies, si l'obligation du secret est dans tous les cas respectable et sacrée pour les médecins, n'est-il pas évident qu'elle acquiert encore un plus haut degré d'importance en matière d'accouche

ment?

Que l'on se pénètre bien de la position du médecin pour mieux apprécier l'étendue et la portée de ses devoirs. Une femme est saisie par les douleurs de l'enfantement; l'enfant qu'elle porte dans son sein est le fruit d'une faute. Un médecin est appelé, et cette femme, par des considérations qu'il faut savoir respecter, bien que déplorables peut-être dans leur principe, remet à la conscience de ce médecin un secret dont nul autre que lui ne doit devenir le dépositaire. Que fera le médecin? Accepter le secret avec l'arrière-pensée de le dévoiler en le confiant à un registre public, ce serait un acte de la plus insigne trahison. Refuser le secret et mettre à ses soins la condition d'une révélation, c'est-à-dire de ce que la mère doit par dessus tout redouter, ce serait le plus souvent pousser cette mère à un acte de folie ou de désespoir compromettant pour sa vie et celle de l'enfant, ce serait au premier cher un acte d'inhumanité. Dans ce cas, nous n'hésitons pas à le dire, le médecin doit prêter son assistance, la morale lui en fait un devoir; il doit aussi garder le secret, car on ne saurait penser que la loi lui prescrive de le divulguer. Oh! sans doute, ce seront là souvent de regrettables confidences, et cependant il faut reconnaitre qu'il est aussi des naissances dont la révélation, sans profit pour les enfants, pourrait n'être qu'une cause de scandale et de perturbation pour la société et pour les familles. Il faut reconnaître surtout que la violation forcée de pareils secrets serait de nature à entraîner à sa suite de bien funestes conséquences. Que n'aurait-on pas à craindre d'une rigueur qui mettrait la mère dans cette

(1) Quæ vero inter curandum aut etiam medicinam minime faciens, in communi hominum vita vel videro, vel audiero, quæ minime in vulgus silebo. efferri oporteat, ea arcana esse ratus, (Hippocrate.)

terrible alternative ou de ne pouvoir sauver son enfant et sa vie qu'en dévoilant sa honte, ou d'être obligée, pour racheter son honneur, d'exposer sa vie et celle de son enfant ? Dans cette lutte déplorable entre la crainte du scandale et le sentiment du devoir prenons garde que le sentiment du devoir ne succombe, que la mère ne se laisse entraîner à des actes dont le moins coupable peut-être serait une déclaration mensongère qui chargerait une famille innocente du fardeau de sa honte et de son déshonneur.

et

» Il est impossible de supposer que le législateur n'ait pas été touché par d'aussi graves dangers. Répétons-le donc encore : même en cas d'accouchement, surtout en cas d'accouchement, l'obligation qui résulte de l'art. 378 Le médecin, il est est et doit être absolue. vrai, ne pourrait, pour se dispenser de déclarer le fait de la naissance, se mettre à couvert sous l'art. 378; mais la raison de cette différence est facile à saisir. L'obligation du secret n'existe évidemment que dans les rapports du médecin et du malade. Or le fait de la naissance de l'enfant n'est pas le secret de la mère; ce ne serait son secret qu'autant qu'on voudrait le rattacher à l'accouchement et à la déclaration de maternité; mais, pris isolément, c'est un fait qui appartient à l'enfant, ou plu tôt c'est un fait public, d'un intérêt social dont la mère ne peut disposer à son gré, elle est même (à moins de supposer un dessein criminel) sans intérêt à cacher l'existence. L'obligation de déclarer la naissance, fait personnel à l'enfant, se concilie donc très bien avec le principe général de l'art. 378. Ce n'est pas une dérogation à ce principe; au contraire l'obligation de révéler le nom de la mère, lorsque ce nom est confié à titre de secret, serait une exception tellement grave, que, dans le silence de la loi, on ne saurait la suppléer.

dont

- La question que le pourvoi présente à juger est neuve en jurisprudence (1); mais il est permis de s'étonner qu'elle ait été soulevée en présence du texte si précis de la loi, des considérations morales et d'intérêt public qui ont présidé à la rédaction de ce texte, en présence enfin de l'interprétation que la pratique est venue lui donner.

Si le corps médical s'intéresse vivement à sa solution, s'il désire voir maintenir dans

(1) Il existe, il est vrai, en sens contraire, sur une question analogue, deux arrêts des Cours de Paris et de Dijon; mais ces arrêts, dont la doctrine d'ailleurs n'est pas à l'abri de toute critique, ont été rendus dans des espèces complétement différentes, puisqu'il s'agissait d'accouchements pratiqués chez les médecins inculpés, lesquels même, si nous ne nous trompons, tenaient maison d'accouchement, et conséquemment ne pouvaient prétendre n'avoir connu le nom de la mère qu'en leur qualité de médecin. Ils ne sauraient donc en rien influer sur la solution de la question aujourd'hui soumise à la Cour, relativement à un accouchement pratiqué hors du domicile du médecin, et que les jugements attaqués déclarent n'avoir été connu de lui qu'en sa qualité, à raison de l'exercice de son art, et en outre sous le sceau du secret. (V. les notes qui précèdent.)

toute sa pureté un principe que d'autres pour raient considérer comme gênant et tyrannique, c'est que ce principe est en harmonie parfaite avec les inspirations de sa conscience et le sentiment de ses devoirs. Lorsqu'il revendique le droit de se taire toujours et partout, lorsqu'il appelle hautement sur toutes infractions à la loi du silence les rigueurs de la loi pénale, qu'on ne dise pas qu'il réclame un privilége; ou, si l'on veut, il réclame le plus beau des priviléges, celui d'exercer noblement, selon les prescriptions morales de la loi, sans danger pour sa conscience et pour son honneur, enfin d'une manière rassuraute pour la société, une profession qui a besoin par dessus toutes les autres de la confiance et de la considération publiques.

Toutes les idées morales se confondent à la pensée d'un médecin venant révéler, dans quelque intérêt que ce soit, le secret de ses malades, et l'on sait à quel point une ordonnance récente qui tendait à prescrire, même dans un but d'intérêt public, une pareille révélation, a excité la réprobation de tous les honnêtes gens. Un arrêt qui déciderait en principe qu'un médecin qui n'a connu un accouchement et le nom de la mère qu'à'raison de l'exercice de son art, et sous le sceau du secret, peut et doit violer ce secret, serait également une chose déplorable. Il n'est pas à redouter qu'une pareille décision émane jamais de la Cour suprême...... »

M. l'avocat général Quénault a conclu à la cassation.

S'il fallait en croire, a-t-il dit, la consultation qui vous a été distribuée et l'avocat du sieur Mallet, s'il fallait céder aux illusions qu'on a cherché à faire naître, il semble que tous les cœurs généreux devraient sympathiser avec la cause qu'il a défendue. Le spectacle des intérêts contraires en présence dans cette cause nous inspire un sentiment bien différent.

Que voyons-nous en effet dans ce procès ? D'un côté, c'est une mère qui s'efforce de rompre les liens que la nature et la loi avaient formés entre elle et son enfant, et d'en faire disparaître la trace; c'est un médecin, témoin de l'accouchement, confident de la maternité, qui se rend le complice et l'instrument de cetle fraude, et, s'exagérant ses devoirs envers la mère, y sacrifie ses devoirs envers l'enfant. De l'autre côté, c'est une faible créature, incapable de pourvoir à la conservation de ses droits, qui se trouve dépouillée du premier de tous les titres par les personnes que la nature et la loi lui donnaient pour protecteurs. Nous voyons aussi de ce côté quelque chose de plus que l'intérêt d'un enfant: il importe, dans l'intérêt public de la société comme dans l'intérêt particulier de chacun de ses membres, que leur état civil soit fidèlement constaté. L'enfant naît non pas pour lui seul, mais pour une famille et pour la cité. Les titres de l'état civil des citoyens sont aussi les titres de la constitution des familles, qui est la base de l'ordre social.

Ainsi, lorsque les lois ont pris sous leur protection et sous leur garde l'état civil de l'enfant; lorsqu'elles ont ainsi pourvu an pre. mier de ses intérêts à cette époque de la vie

où il ne peut y veiller lui-même, elles out en même temps pourvu à l'intérêt public. C'e au nom de l'intérêt public que les lois ont ér gé en délit l'omission de la déclaration de nas sance de l'enfant, et prononcé des peines n seulement contre le père, mais encore contr les médecins, chirurgiens, sages-femmes, e même contre les simples témoins de l'accoschement, qui manqueraient à faire la decaration de naissance de l'enfant.

> En quoi consiste cette obligation, à laque le la loi attache tant d'importance, qu'elle cru devoir assurer son accomplissement par des dispositions pénales? Se réduit-elle, coformément à la théorie que le sieur Mallet a mise en pratique, se réduit-elle à déclarer qu'un enfant est né tel jour, dans telle vile, et qu'il est de tel ou tel sexe ?

» Pour apprécier une pareille déclaration a suffirait peut-être de considérer que les indcations si insuffisantes qu'elle contient sont précisément celles que le Code civil demand dans l'art. 58 pour les enfants trouvés. Estee donc pour donner à l'enfant l'état civil d'ur enfant trouvé que la loi appelle d'abord le pè re, et, à défaut du père, les médecins, chirur giens, sages-femmes, enfin tous les témoins de l'accouchement, à déposer devant l'officier d l'état civil ?

» Non, Messieurs, la loi attend davantage. dans l'intérêt de l'enfant, de l'intervention ligée de ces témoins. L'art. 346 C. pen. el placé sous la rubrique Des crimes ou drita tendant à empêcher ou à détruire la prev ve de l'état civil d'un enfant. Cet article. donc pour objet d'obliger à fournir une déci ration qui serve à la preuve de l'état civi l'enfant. Or dites-nous, je vous prie, de quel utilité serait pour l'état civil de l'enfant une déclaration qui ne le rattacherait à personat dans la société, qui ne lui désignerait pas mé me une mère !

» Mais, dit-on, l'art. 56 C. civ., auquel s réfère l'art. 346 C. pèn., n'exprime pas que a déclaration doive mentionner le nom de mère. — L'art. 56, Messieurs, se borne à prescrire la déclaration : il n'indique aucun des renseignements qu'elle doit contenir; mais ajoute que l'acte de naissance sera rédige suite, en présence de deux témoins, et l'ar 57 énumère les énonciations que cet acte de naissance doit renfermer. D'où pourrait vent à l'officier de l'état civil la connaissance de renseignements à insérer dans l'acte de pas sance qu'il doit rédiger de suite après la de claration, si ce n'est de la déclaration mène qu'on est obligé de lui faire ? L'acte de na sance n'est, à vrai dire, autre chose que transcription de la déclaration de nais-ance sur les registres de l'état civil.

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« Le ministère des officiers de l'état civil, dit M. Siméon dans son rapport sur ce titre, est entièrement passif : simples instruments de la rédaction des actes, ils ne doivent y »sérer que ce qui leur est déclaré par les co parants. Donc la déclaration exigée de contenir les énonciations essentielles à inserer dans l'acte de naissance, c'est-à-dire, suivant la prescription de l'article 57, outre le jour, l'heure et le lieu de la naissance, outre le sexe

de l'enfant et les prénoms qui lui seront donnés, les prénoms, nom, profession et domicile, des père et mère, ou tout au moins de la

mère.

L'art. 57 va plus loin que nous, peut-on nous dire il réclame le nom du père; et, si la déclaration doit contenir toutes les énonciations exigées par l'art. 57 dans l'acte de naissance, il faudra donc, même dans le cas où l'enfant serait le fruit d'un commerce illégitime, déclarer la paternité, dont la recherche serait néanmoins interdite dans ce cas. M. Siméon, dans son rapport, a répondu à cette objection: De l'obligation de nommer le père, dit-il, on n'induira pas qu'il doive être nommé s'il ne se déclare pas, ou s'il n'est pas connu par son mariage avec la mère; ce sont des faits certains qui doivent être déclarés. L'existence de l'enfant est un fait, l'accouchement est un fait, la mère est certaine et connue. Ce que dit M. Siméon comme rapporteur au tribunat est conforme à ce qui 'avait été dit au conseil d'état dans la séance du 2 frim. an X.

L'intérêt de la conservation de l'état de l'enfant, que nous devrions appeler non pas seulement un intérêt, mais un droit, exige que la mère soit nommée. Si l'enfant est né hors mariage, la recherche de la maternité est autorisée par la loi, et la déclaration du nom de la mère empêche de perdre sa trace et met sur la voie de cette recherche. On a objecté que le fait de la désignation du nom de la mère dans l'acte de naissance n'est pas une preuve légale de la maternité. Mais, comme le fait remarquer M. Merlin, c'est tout au moins la preuve de l'accouchement, c'est-à-dire la première preuve à faire dans l'intérêt de l'enfant. Si la mère est mariée, l'enfant a pour lui, d'après la loi, la présomption de légitimité, sauf au mari à désavouer, s'il y a lieu. De quel droit un tiers, témoin de l'accouchement, oserait-il préjuger contre l'enfant la question si grave de sa légitimité, et, sur un simple préjugé, sans débat, sans preuve, supprimer l'état de l'enfant, qui aurait en sa faveur la présomption de la loi ?

Tels sont, Messieurs, les motifs qui nous déterminent à penser que la déclaration de naissance de l'enfant doit indiquer le nom de la mère.

› Cette opinion est celle de MM. Merlin, Toullier, Duranton, Favard de Langlade, Rieff, auteur d'un Commentaire sur les actes de l'état civil.

Le sieur Mallet n'a donc fait qu'une déclaration insuffisante, illusoire, qui ne satisfait pas à la prescription de la loi. Examinons maintenant si le sieur Mallet était dispensé d'obéir à cette prescription. Assurément cette dispense n'aurait pu résulter pour le sieur Mallet de la promesse par lui faite de garder le secret sur le nom de la mère, car on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public.

» Mais le sieur Mallet prétend qu'une disposition de la loi, celle de l'art. 378 C. pén., lui aurait non seulement permis, mais enjoint de garder le silence sur le nom de la mère, qui lui aurait été confié sous le sceau du secret à

l'occasion de l'exercice de sa profession dé médecin. Si l'art. 378 avait le sens et la portée que lui attribue le jugement du tribunal de Saintes, il faudrait reprocher au législateur une contradiction monstrueuse : car l'art. 378 C. pén. dispenserait, à raison de leur profession, les médecins, chirurgiens et sages-femmes, de l'obligation que l'art. 346 du même Code et l'art. 56 C. civ. imposent à ces mêmes personnes également à raison de leur profession. En outre, si l'on admettait avec le jugement attaqué que par l'art. 378 les devoirs des médecins sont modifiés en ce sens, qu'ils peuvent se borner à faire une déclaration restreinte comme celle du sieur Mallet, il faudrait reconnaître plusieurs sortes de déclarations pour constater les naissances : des déclarations avec réticences de la part des médecins, des déclarations plus complètes de la part des simples témoins de l'accouchement, comme s'il ne s'agissait pas pour toutes ces personnes d'un seul et même acte, celui des art. 56 et 57; d'un seul et même intérêt à satisfaire, celui de la constatation de l'état civil de l'enfant.

Il est temps, Messieurs, de faire justice de ces contradictions que l'on veut trouver dans nos lois, et qui ne doivent leur existence apparente qu'à la fausse interprétation donnée par le jugement attaqué à l'art. 378. L'art. 378 n'est pas applicable aux révélations provoquées dans l'intérêt public, et surtout aux déclaratious commandées par la loi. L'art. 378, placé sous la rubrique Des calomnies et injures, ne prohibe et ne punit que les révélations spontanées, indiscrètes, inspirées par la méchanceté et le désir de nuire : c'est ce que fail entendre l'orateur du gouvernement dans l'exposé des motifs de la loi; c'est ce que vous a vez formellement décidé dans un arrêt du 23 juil. 1830. (— V. à sa date, aff. de Me Cressent, notaire.)

Si, comme vous l'avez jugé, les personnes désignées dans l'art. 378 ne sont pas dispensées par leur profession de faire les révélations que provoque la justice, apparemment elles ne sont pas non plus dispensées de faire les déclarations que la loi commande par une disposition formelle. D'après votre jurisprudence, si dans un procès un médecin était appelé pour donner à la justice des renseignements sur un accouchement auquel il aurait assisté, il ne pourrait refuser son témoignage à la justice, et vous voudriez qu'il pût refuser le témoignage que la loi lui demande d'une manière bien plus formelle encore pour la constatation de l'état civil d'un enfant !

» Les lois, et la jurisprudence, qui les a interprétées, ne dispensent de toute révélation que les personnes qui sont obligées au secret par un devoir supérieur consacré dans l'intérêt public: le prêtre, pour ce qui est parvenu à sa connaissance sous le sceau de la confession, parce que le secret de la confession est inséparable de la liberté de l'exercice de la religion catholique, garantie comme droit public par la Charte constitutionnelle; l'avocat, parce que l'inviolabilité de ses communications avec son client est inséparable de la liberté de la défense, qui est de l'essence de 1813-76

l'administration de la justice criminelle, et que votre jurisprudence élève à ce titre au rang des principes de notre droit public. Mais la dispense réclamée pour les médecins n'aurait pour objet que de protéger les secrets d'intérêt privé qui leur sont confiés. C'est faire assez pour ces intérêts privés que de les garantir contre les révélations sans nécessité, sans autre motif que le désir de diffamer et de nuire. Mais ce serait dépasser le but posé par la loi et la jurisprudence que de chercher à faire prévaloir ces intérêts privés sur l'intérêt public, et sur les prescriptions établies dans ce grand intérêt.

Votre arrêt, Messieurs, remettra toutes choses à leur vraie place, et, en condamnant la fraude faite à une loi d'ordre public, fera cesser une perturbation fâcheuse dans les idées que l'on s'est formées des devoirs en matière de déclaration de naissance.

» Le premier devoir en morale et en droit c'est le devoir envers l'enfant pour la conservation de son état et de ses droits. Les autres devoirs sont d'un ordre inférieur. Ainsi le de. voir imposé par la mère de garder le secret sur sa maternité doit céder aux devoir envers l'enfant car la mère, toujours obligée envers l'enfant par la nature et par la loi, ne peut dicter des devoirs contraires à ses propres obligations. Les médecins, les sages-femmes, les témoins de l'accouchement, ne sont pas d'ailleurs, comme ils paraissent le croire, les représentants et les mandataires des volontés de la mère. Ils sont des témoins institués par la loi dans l'intérêt de l'enfant, ou plutôt dans l'intérêt public, qui veut que l'état des citoyens ne soit point supprimé, mais fidèlement conservé. - Ils comprennent bien mal l'importance de ce mandat public, et leur vraje dignité, qui consiste à le remplir fidèlement, ceux-là qui l'abdiquent pour céder à des considérations privées, et peut-être à des suggestions coupables. Dans tous les cas, ils manquent à un devoir commandé par la loi dans l'intérêt public, sous une sanction pénale, et qu'il importe de rétablir dans toute son autorité..

DU 16 SEPTEMBRE 1843, arrêt C. cass., ch. crim., MM. de Crouseilles cons. f. f. prés. Dehaussy rapp., Quénault av. gén. (concl. contr.), Ledru-Rollin av.

LA COUR (après délib. en ch. du cons.); - Attendu que l'art. 56 C. civ. n'impose aux personnes y dénommées qu'une obligation formelle, celle de déclarer le fait de la naissance de l'enfant à laquelle elles ont assisté ; que cet article n'exige pas que l'on déclare les noms des père et mère de l'enfant ;

Attendu que les dispositions de l'art. 56 précité ne sauraient être étendues, alors surtout qu'il s'agit d'appliquer la disposition de l'art. 346 C. pén., qui leur sert de sanction;

» Attendu que ledit art. se réfère uniquement à l'art. 56 C. civ., et ne s'occupe que de la déclaration qu'il prescrit;

Attendu que dans l'espèce il est déclaré par le jugement attaqué que Mallet avait déclaré à l'officier de l'état civil le fait de la nais

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COUR ROYALE DE MONTPELLIER. (16 septembre 1843.)

La condamnation à la peine de la réclssion prononcée en vertu de la loi du 13 juil. 1829 contre un militaire déclare coupable de vol d'effets appartenant a l'étal soumet de plein droit le condame à la surveillance de la haule police conformément à l'art. 47 C. pèn. (1).

MINISTÈRE PUBLIC C. BLANC.

DU 16 SEPTEMBRE 1843, arrêt C. roy, Ment pellier, ch. correct., MM. de Serres cons. I. prés., Massot-Reynier av. gén., Génie av.

LA COUR ; Attendu que Jean Blanc a été arrêté le 2 août 1843 sur la route de Va brègue à Gigeau muni d'un passe-port qui l' avait été délivré le 1er juillet dernier par M. maire de Lyon pour se rendre à Nîmes, et de vant lui servir de feuille de route jusqu'à cete destination;

Attendu que ce prévenu, ayant été o damné le 22 juil. 1836 par le premier conse de guerre d'Oran à cinq ans de réclusion et a la dégradation pour vol d'effets militaires partenant à l'état, peine qu'il a subie dans 'a maison centrale de Nimes, et dont il a e libéré le 3 août 1841, se trouvait, aux termes

(1) V. l'arrêt qui suit, Orléans, 18 mars 18:4 qui consacre une décision contraire, et voir note critique qui accompagne cet arret, dont y motifs ont d'ailleurs été rédigés avec le plus grand

soin.

Aussi, la jurisprudence s'est-elle rangée à'a décision de la Cour de Montpellier, qui deja** trouvait consacrée in terminis par l'arrêt de a Cour de cassation, du 12 août 1842, qui, sur l l'intérêt de la loi la cassation d'un arrêt de recours du garde-des-sceaux, a prononcé dans Cour d'appel de Paris, en date du 19 août 184 (aff. Boucher). - Et la Cour d'appel de Par elle-même n'a pas fait difficulté de se soumet à cette jurisprudence par un dernier arrêt du 26 mai 1848 (aff. Stahf).

Jugé que le délit résultant de la vente des effats de petit équipement est puni, à l'égard de militaires, par la loi du 15 juil. 1829, et à l'égard des non-militaires, par l'art. 5 de la loi de 23 mars 1793: Cass. 16 janv. 1841.

V. également Cass. 10 déc. 1841.

de l'art. 47 C. pén., placé pendant toute sa vie sous la surveillance de la haute police, et ne pouvait par conséquent pas quitter la ville de Nimes sans une autorisation des autorités de cette ville;

Attendu qu'en continuant sa route, après avoir traversé Nîmes, sans s'être même présenté aux autorités, Blanc a contrevenu aux dispositions de l'art. 44 C. pén.;

Attendu que c'est mal à propos que le tribunal de Montpellier s'est refusé à faire au prévenu l'application de cet article, sur le fondement que la condamnation que le prévenu avait encourue avait eu pour cause un délit militaire qui est réprimé par la loi du 15 juil. 1829, laquelle, en prononçant la peine de la réclusion, n'y ajoute pas celle de la surveillance de la haute police;

Qu'il ne faut pas en effet perdre de vue que, si Blanc a été condamné pour un délit militaire et en vertu d'une loi spéciale, cette loi ne contenant aucune disposition sur le mode d'exécution des peines qu'elle prononce, et ces peines, se trouvant empruntées par la loi spéciale au Code pénal, qui est la loi commune, doivent nécessairement être exécutées telles qu'elles sont réglées et définies par ce Code et avec toutes les conséquences légales qu'il y attache, à moins qu'il n'en soit autrement ordonné par une disposition expresse;

Et attendu que les dispositions de l'art. 47 C. pén. sont générales et absolues, et placent sous la surveillanee de la haute police tous les condamnés aux travaux forcés à temps, à la détention et à la réclusion;

Attendu qu'aucune disposition législative ne dispense de la surveillance ceux qui ont été condamnés à l'une de ces peines par les tribunaux militaires pour des faits qui, d'après les lois ordinaires, ne seraient pas de nature à

entraîner la surveillance de la haute police;

Que c'est mal à propos que le tribunal a invoqué à l'appui de sa décision l'art. 5 C. pén., portant que les dispositions de ce Code ne s'appliquent pas aux contraventions, délits et crimes militaires: car cet article, qui n'a d'autre but que celui d'empêcher la confusion entre deux législations entièrement distinctes, ne saurait être appliqué lorsque c'est en vertu d'une disposition spéciale de la loi militaire qu'on a recours à la loi pénale ordinaire ;

»Par ces motifs, disant droit sur l'appel du procureur du roi du siége de Montpellier,DECLARE Jean Blanc, ouvrier natif de Nimes, coupable du délit d'infraction au ban de surveillance à laquelle il était soumis, et le CoxDAMNE à la peine d'un mois d'emprisonnement et par corps aux frais. »

$ 2.

COUR ROYALE D'ORLEANS.
(18 mars 1844.)

La condamnation à la peine de la réclusion prononcée en vertu de la loi du 15 juil. 1829 contre un militaire déclaré coupable de vol d'effets appartenant à l'état n'emporte pas avec elle le place

ment du condamné sous la surveillance de la haule pouce (1).

(1) Tout en reconnaissant la force des arguments sur lesquels s'est fondée la Cour d'Orléans pour refuser de considérer Jean Blanc comme étant en état de rupture de ban, nous inclinons à penser que l'arrêt de la Cour de Montpellier est plus conforme non seulement à l'esprit, mais au texte de la loi du 15 juil. 1829 :

A l'esprit, parce qu'il nous paraît résulter de ce qui a été dit aux deux chambres lorsque le rapport leur en a été fait à l'une par M. d'Ambrugeac, à l'autre par M. Lobau, qu'il a été réellement dans l'intention des rédacteurs de cette loi d'appliquer aux vols qui sont l'objet des art. 1 et 2 les peines prononcées par les art. 19 et 20 C. pen., avec toutes leurs conséquences. Voici, en effet, ce que disait M. d'Ambrugeac, dans la séance de la chambre des pairs du 29 avril 1829.

<< Nous vous avons proposé d'admettre les peines portées au Code pénal ordinaire pour chacun des crimes ou délits énumérés au présent Code. Toutes ces peines se trouvent comprises au nombre de celles dont les art. 1 et 2 de la présente loi autorisent l'application par les tribunaux militai

res. >>

Et voici ce que dans la séance de la chambre des députés du 2 juin répondait M. Lobau à l'observation de quelques membres qui voyaient dans l'art. 1er trop de latitude donnée aux juges, en même temps qu'ils trouvaient que les termes de travaux forcés étaient trop vagues alors qu'on ne disait pas à quel Code il fallait avoir recours pour en chercher la durée et en reconnaître les effets:

« Les mots travaux forcés qui se trouvent à l'art. 1er ne sont pas vagues, car on a procédé dans le projet comme dans le Code pénal ordinaire, en indiquant seulement la nature de la peine et en laissant aux juges la faculté d'appliquer le minimum jusqu'au maximum.

Il ne peut non plus y avoir de doute sur le Code auquel il faut recourir pour reconnaître la durée des travaux forcés, car cette peine n'est reconnue que par le Code pénal ordinaire. Les lois militaires ne connaissent que les fers, et les fers ne sont pas les travaux forcés. >>

Au texte, parce qu'en appliquant aux vols dont il s'agit les travaux forcés, ou, en cas de circonstances atténuantes, la réclusion, sans s'expliquer ni sur la durée de ces peines, ni sur leurs effets, les rédacteurs de la loi du 15 juil. 1829 ont suffisamment démontré qu'ils entendaient se référer purement et simplement au Code pénal. Autrement ils n'auraient pas manqué de s'en expliquer et de préciser sous quelles modifications is voulaient que ces peines fussent appliquées.

Remarquons d'ailleurs que, si, malgré les termes si absolus de l'art. 5 C. pén., on a recours à ce Code pour fixer la durée des travaux forcés on de la réclusion prononcée en vertu de la loi du 15 juil. 1829, la raison veut qu'on y ait également recours quand il s'agit d'apprécier les conséquen ces de ces peines, car il est impossible de séparer l'effet de la cause.

Enfin les vols prévus par les art. 1 et 2 de cetto litaires; ce sont des délits communs, et dès lors loi ne constituent pas des infractions aux lois miil est rationnel qu'ils soient punis par la loi com

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