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qui n'intéreffant que les foibles, n'oppofent qu'une foible résistance à leur réformation, mais dont la réformation ne peut produire une reffource falutaire.

Les abus qu'il s'agit aujourd'hui d'anéantir pour le falut public, ce font les plus confidérables, les plus protégés, ceux qui ont les racines les plus profondes, & les branches les plus étendues.

Tels font les abus dont l'existence pèfe fur la claffe productive & laborieufe ; les abus des priviléges pécuniaires; les exceptions à la loi commune, & tant d'exemptions injuftes qui ne peuvent affranchir une partie des contribuables qu'en aggravant le fort des autres :

L'inégalité générale dans la répartition des fubfides, & l'énorme difproportion qui fe trouve entre les contributions des différentes Provinces entre les charges des fujets d'un même Souveveraing

La rigueur & l'arbitraire de la perception de

la Taille.

La crainte, les gênes, & prefque le déshonneur imprimés au commerce des premieres productions:

Les Bureaux de traites intérieures, & ces Barrieres qui rendent les diverfes parties du Royaume étrangeres les unes aux autres:

Les droits qui découragent l'induftrie; ceux dont le recouvrement exige des frais exceffifs & des Préposés innombrables; ceux qui femblent inviter à la contrebande, & qui tous les ans font facrifier des milliers de Citoyens:

Le dépériffement du Domaine de la Couronne, & le peu d'utilité que produifent fes foibles reftes

La dégradation des forêts du Roi, & les vices de leur administration;

Enfin tout ce qui altere les produits, tout ce qui affoiblit les reffources du crédit, tout ce qui rend les revenus infuffifans, & toutes les dépenfes fuperflues qui les abforbent.

Si tant d'abus, fujets d'une éternelle cenfure, ont réfifté jusqu'à préfent à l'opinion publique qui les a profcrits, & aux efforts des Adminif trateurs qui ont tenté d'y remédier, c'est qu'on a voulu faire, par des opérations partielles, ce qui ne pouvoit réuffir que par une opération générale; c'eft qu'on a cru pouvoir réprimer le défordre fans en extirper le germe; c'eft qu'on a entrepris de perfectionner le régime da l'Etat, fans en corriger les difcordances, fans le ramener au principe d'uniformité, qui peut feul carter toutes les difficultés de détail, & revivifier le corps entier de la Monarchie.

Les vues que le Roi veut vous com muniquer tendant toutes à ce but: ce n'eft ni un fyfteme, ni unè invention nouvelle : c'est le réfumé, & pour ainfi dire, le ralliement des projets d'utilité publique, conçus depuis long-tems par les hommes d'Etat les p'us habiles, fouvent préfentés en perfpe&tive par le Gouvernement lui-même, dont quelques-uns ont été eflayés en partie & qui tous semblent réunir les fuffrages de la Nation; mais dont jufqu'à préfent l'entiere exécution avoit paru impraticable par la difficulté de concilier une foule d'ufages locaux, de prétentions, de privileges, & d'intérêts oppofés les uns aux autres.

Quand on confidere par quels accroissemens fucceflifs, par combien de réunions de contrées diverfement gouvernées, le Royaume eft par venu à fa confiftance actuelle, on ne doit pas être étonné de la difparité de régimes, de la multitude de formes hétérogenes, & de l'incohé

miftene

rence de principes qui en défuniffent toutes les parties.

Ce n'étoit pas au fein de l'ignorance & de la confufion dont le v.de a couvert le tems des premieres Races.

Ce n'étoit point lorfque les Rois, mal affermis fur leurs trônes, n'étoient occupés qu'à repouffer fans ceffe les ufurpations des grands vaffaux.

Ce n'étoit pas au milieu des défordres & de l'anarchie du régime féodal, lorfqu'une foule de petits tyrans, du fond de leurs châteaux fortifiés, exerçoient les brigandages les plus révoltans, boulever foient tous les principes dé la conflitution, & interpofoient leurs prétentions. chimériques entre le Souverain & fes Sujets.

Ce n'étoit point lorfque la manie des Croifades, échauffée par le double enthousiasme de la religion & de la gloire, portoit fous un autre hemifphere les forces, la bravoure & les malheurs de la France.

Ce n'étoit point lorfqu'un Prince, qui obtine le furnom d'Augufte, recouvroit les principaux démembremens de fa Couronne & en aug mentoit la puiffance & l'éclat; ni lorique la fombre politique d'un de fes Succeffeurs, en don nart de l'extenfion au Gouvernement municipal, préparoit les moyens de réunir dans la main du Souverain tous les refforts de la force publique; ni lorfque le Monarque le plus avide de gloire & le plus valeureux des Chevaliers, difputoit au Souverain fon rival, la célébrité qu'ils acquirent tous deux aux dépens de leurs Peuples.

Ce n'étoit pas dans ces tems orageux & finiftres, où le fanatifme, déchirant le fein de P'Etat, le rempliffoit de calamités & d'horreurs,

ni lorfque ce bon Roi, fi chéri des François, conquéroit fon Royaume à la pointe de fon épée, & avoit à réparer les longs défordres, & les effets defaftreux des guerres civiles.

Ce n'étoit pas lorique toute l'énergie d'un Miniftre habile & rejouré fe concentroit dans le double deffein d'enchaîner l'ambition d'une puiffance, devenue formidable à Europe, & d'aflurer la tranquillité de la France par l'affermiffement du pouvoir Monarchique.

Ce n'étoit pas non plus fous ce regne écla tant, où les intentions bienfaifantes d'un grand Monarque furent trop fouvent interrompues far des guerres ruineufes, où l'Etat s'appau vriffoit par des victoires, tandis que le Royaume fe dépeuploit par l'intolérance, où le foin d'imprimer à tout un caractere de grandeur, ne permettoit pas toujours celui de procurer à l'Etat une folide profpérité.

Ce n'étoit point enfin avant que la Monarchie eût étendu fes limites jufqu'aux points naturellement destinés à les fixer, avant qu'elle fût parvenue à fa maturité, & que le calme tant au dehors qu'au dedans, fût affermi folidemeat par la fage modération de fon Souverain qu'il étoit poflible de fonger à réformer ce qu'il ya de vicieux dans la conftitution, & de travailler à rendre le régime général plus uni

forme.

Il étoit réservé à un Roi jeune, vertueux, & qui n'a d'autre paffion que de faire le bonheur des fuje.s dont il eft adoré, d'entreprendre, après un mûr examen, & d'exécuter avec une volonté inébranlable, ce qu'aucun de fes prédéceffeurs ne pouvoit faire, de mettre de l'accord & de la liaifon entre toutes les parties du corps politique, den perfectionner l'organisa

tion, & de pofer enfin les fondemens d'une prof périté inaltérable.

C'est pour y parvenir que s'arrêtant à l'idée la plus fimple & la plus naturelle, celle de l'unité des principes, qui eft le vœu de la juftice & la fource du bon ordre, il en a fait l'application aux objets les plus effentiels de l'adminiftration de fon Royaume, & qu'il s'eft affuré par une longue méditation fur les conféquences qui devoient en réfulter, qu'il y trou veroit le double avantage d'augmenter les revenus, & de foulager fes peuples.

Cette vue générale a conduit Sa Majesté à s'occcuper d'abord des différentes formes d'adminiftrer, qui ont lieu dans les différentes provinces du Royaume, où il n'y a point de convocation d'Etats. Pour que la répartition des charges publiques ceffe d'y être inégale & arbitraire, Elle a réfolo d'en confier le foin aux Propriétaires eux-mêmes, & Elle a puifé dans les premiers principes de la Monarchie le plan uniforme des délibérations, fuivant lequel l'émanation du vœu des contribuables & leurs obfervations fur tout ce qui les intéreffe, fe tranfmettoient des affemblées paroiffiales à celles des diftris, de celles-ci aux affemblées proving ciales, & par elles jufqu'au Trône.

Sa Majesté s'eft enfuite attachée avec une attention toute particulière à établir le même principe d'uniformité & l'égalité proportionnelle dans la répartition de l'impôt territorial qu'elle a regardé comme étant la base, & devant être la mefure de toutes les autres contributions. Elle a reconnu par le compte qu'Elle s'eft fait rendre de la manière dont fe perçoivent aujour d'hui les vingtièmes, qu'au lieu d'être affis comme ils devroient l'être, fur l'univerfalité

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