extérieures de déférence, et c'est pour n'avoir pas voulu les donner que les croyans ont été envoyés au martyre. Les tyrans les plus exigeans ne peuvent jamais demander autre chose que des marques extérieures de déférence : la faculté de pénétrer dans les consciences leur est heureusement refusée par l'auteur de toutes choses. que Nous sommes intimement persuadés qu'il n'est pas plus dans l'intention du gouvernement dans ses intérêts de porter atteinte à la liberté des cultes qu'il a promis de garantir. La mesure qui vient d'être prise relativement à la force armée qu'on appelait à Nîmes une garde nationale, suffirait seule pour manifester ses intentions, si elles avaient pu être douteuses. Mais le zèle de quelques-uns de ses agens besoin d'être réprimé, et nous espérons qu'il le sera. Si les poursuites dirigées contre les protestans des Cévennes ne s'arrêtaient pas, nous approfondirions dans un de nos prochains volumes la question de savoir si ces poursuites sont conformes ou contraires aux lois. a Les intérêts des protestans sont entre les mains de M. Odilon-Barrot: c'est assez dire qu'ils seront bien défendus. ENCORE tout ému d'une scène dont je viens d'être frappé, je me hâte de prendre la plume pour vous la retracer. Vous m'excuserez si, pour mieux rendre l'effet qu'elle a produit sur moi, je prends les choses d'un peu loin. Dans le courant de l'hiver dernier, sur les dix heures du soir, je fus assailli d'un cri de qui vive? parti d'un corps-de-garde voisin. Je ne veux la mort de personne; je suis au contraire bien aise que tout le monde vive. Ce pendant, comme il est convenu qu'on doit être patriote avant d'être philantrhope, je répondis Français. A ce mot, un nouveau cri de qui vive? plus fort que le premier, vint frapper mon oreille. Quoique je ne sois pas pas naturellement timide, je vous avouerai que ce cri me fit peur : je crus reconnaître une voix que j'avais jadis entendue sur un grand chemin, en voyageant en diligence: sur-le-champ, je répoudis, sans réflexion, citoyen. Un troisième qui vive? plus terrible que tous les autres, porta la terreur dans mon âme ; je répondis d'une voix tremblante, bourgeois. Cette fois, mon crieur de qui vive? perdit patience; heureusement son fusil rata. Il courut vers moi, me saisit au collet, et m'entraîna dans le corps-degarde. Là, les épithètes de jacobin, de scélérat, de patriote, me furent prodiguées, ou par valets en possession des fusils de leurs maîtres qu'on avait désarmés, ou par des prolétaires qui n'avaient rien à défendre, ou par des hommes qui avaient fait le métier de vagabond. Je voulus raisonner, mais le noble gentilhomme qui commandait le poste m'imposa silence d'un grand coup de plat de sabre sur les épaules. « Voilà, dis-je tout bas, ce que me valent l'acte du sénat conservateur, et le décret impérial des qui nous ont enlevé la faculté de nommer nos officiers. >> Au moment où je faisais cette réflexion en moi-même, un vieux journalier à qui j'avais donné du pain dans un temps de disette, s'approcha de moi, et me dit tout bas, après s'être bien convaincu qu'il n'était aperçu d'aucun de ses camarades, qu'au cri de qui vive? il fallait toujours répondre royaliste, si l'on ne vou lait pas être arrêté par la garde, nationale, Cette observation fut un trait de lumière pour moi. « Puisque je me trouve ici avec de si bons royalistes, me dis-je, il me sera facile de m'en tirer je n'ai qu'à leur parler de notre bon Roi; qu'à leur rappeler ce qu'il a fait de bien pour la France, et qu'à invoquer la charte qu'il nous a donnée, laquelle déclare que la liberté individuelle est garantie, nul ne pouvant être arrêté ni détenu que dans les cas et suivant les formes déterminés par la loi. » : " Je m'approchai donc de M. l'officier, le plus respectueusement qu'il me fut possible : je lui fis mes excuses de n'avoir pas su que les mots Français, citoyen, bourgeois, étaient des mots mal sonnans pour les oreilles de messieurs du corps-de-garde; je lui promis de répondre royaliste, toutes les fois que l'un de ces mes¬ sieurs me ferait l'honneur de m'arrêter par un qui vive? Je protestai ensuite de mon zèle et de mon respect pour la personne du Roi, ce qui parut faire peu de plaisir à monsieur l'officier, et à sa petite troupe : enfin, je lui rappelai que sa majesté nous avait garanti à tous notre sûreté personnelle, et qu'elle avait interdit à tous ses fonctionnaires les arrestations et les détentions arbitraires, par un article exprès de sa charte. A ce dernier mot, monsieur l'officier partit d'un grand éclat de rire ; il m'honora des épithètes de grand nigaud, de grand benêt, de grand imbécile, et ordonna à deux de ses gens de m'enfermer dans un petit cachot attenant au corps-de-garde, où je pourrais m'amuser, disait-il, à étudier les dispositions de la charte. « Voilà, disais-je toujours en moi-même, ce que nous devons à sa majesté impériale, qui nous a ravi le droit de choisir nous-mêmes nos officiers. >> Je voulus me faire conduire sur-le-champ chez monsieur le maire, pour réclamer l'intervention de son autorité contre ces violences; mais on refusa de me conduire chez lui, en me disant qu'il ne fallait pas interrompre sommeil des autorités. Le lendemain j'y fus conduit par deux hommes du corps-de-garde; le |