DES LOIS ET DES ARRÊTS, EN MATIÈRE CIVILE, CRIMINELLE, ADMINISTRATIVE ET DE DROIT PUBLIC; FONDÉ PAR J.-B. SIREY, RÉDIGÉ, DEPUIS 1831, PAR L.-M. DEVILLENEUVE, AVOCAT A LA COUR IMPÉRIALE DE PARIS, CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR, ET A.-A. CARETTE, DOCTEUR EN DROIT, ANCIEN AVOCAT AU CONSEIL D'ÉTAT ET A LA COUR DE CASSATION, CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR. 2e SÉRIE. AN 1859. STANFORD LIBRARY PARIS BUREAUX DE L'ADMINISTRATION DU RECUEIL, RUE DE SAVOIE, 6. 1859 RECUEIL GÉNÉRAL DES LOIS ET DES ARRÊTS. Ire PARTIE. JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION. SUCCESSION.-RENONCIATION.-DONATION.-FORMES.-Preuve | formes requises pour les donations entre-vifs, et elle reste quant PAR ÉCRIT (COMMENCEMENT DE). La renonciation gratuite que des héritiers font au profit d'un cohéritier, et qui, aux termes de l'art. 780, Cod. Nap., emporte acceptation de la succession, n'a pas besoin d'être faite par acte au greffe dans la forme prescrite par l'art. 784, même Code, pour la renonciation absolue (1). Et bien que cette renonciation gratuite au profit d'un héritier ait l'effet d'une donation, elle n'est cependant pas soumise aux (1-2-3) Il est certain que si un cohéritier, se plaçant dans les termes du premier alinéa de l'art. 780, Cod. Nap., fait donation expresse, vente ou transport de ses droits successifs, il ne saurait être question de renonciation à la succession, qu'il n'a pu céder qu'après l'avoir acceptée: dans ce cas, il suffit d'observer les formes de la donation, de la vente ou du transport. On peut en dire autant de la renonciation à titre onéreux faite dans les termes du troisième alinéa du même article: c'est là une véritable cession qui n'a que l'apparence d'une renonciation, et qui au fond équivaut à la vente ou au transport dont parle le premier alinéa de cet art. 780. Quant à la renonciation gratuite que fait un héritier au profit d'un ou de plusieurs de ses cohéritiers, et qui, d'après cet article, emporte acceptation, puisqu'elle emporte disposition, il est également certain qu'elle n'exige pas les formalités particulières de la renonciation absolue dont s'occupe l'art. 784, et qu'elle en est même exclusive, puisqu'une renonciation absolue profite de plein droit à tous les héritiers, et que le bénéfice qui en résulte ne peut être limité à un ou plusieurs. Mais, et c'est là que gît la difficulté, cette renonciation qui a le caractère d'une libéralité, doit-elle être faite dans la forme des donations, ou ne constitue-t-elle qu'un contrat ordinaire entre l'héritier renonçant et celui au profit duquel il renonce, contrat dont la preuve ne serait soumise qu'aux règles du droit commun sur la preuve des obligations? M. Marcadé, tom. 3, sur l'art. 780, et M. Demolombe, des Successions, tom. 2, n. 442 bis, se prononcent pour la nécessité d'un acte en forme de donation. Telle est aussi l'opinion de M. Duranton, tom. 6, n. 397, et de Zachariæ (édit. Massé et Vergé), tom. 2, § 378, note 16, p. 305. Toutefois, nous croyons, avec l'arrêt ci-dessus rapporté, que le texte de l'art. 780 dispense les parties, au cas dont s'agit, de la forme spéciale des donations pour les laisser dans les termes du droit commun. En effet, l'art. 780 prévoit quatre cas distincts: 1° la donation; 2o la vente ou transport; 3° la renonciation gratuite au profit d'un ou de plusieurs cohéritiers; 4° la renonciation à titre onéreux au profit de tous. Ces quatre manières de disposer des droits successifs ont cela de commun qu'elles emportent acceptation de la succession. Mais l'art. 780, en leur accordant le même effet, ne les confond pas sous les autres rapports, et sa rédaction main- | tient à chacune un caractère distinct et par conséquent des formes particulières. Ainsi, lorsque le premier alinéa de l'art. 780 dit que la donation que fait de ses droits successifs un des cohéritiers, soit à un étranger, soit à tous ou à quelques-uns de ses cohéritiers, emporte de sa part acceptation de la succession, et que le second alinéa de cet article ajoute qu'il en à la preuve dans les termes du droit commun (2). Par suite, elle peut être prouvée à l'aide d'un commencement de preuve par écrit appuyé de présomptions graves, précises el concordantes (3). (Foubard C. Périer.) La demoiselle Christine Foubard est décédée en 1834, laissant pour héritiers six frères ou sœurs, et une fille naturelle, Henriette Foubard, qui avait droit à la moitié de sa succession. A la est de meno de la renonciation, même gratuite, que fait un des héritiers au profit d'un ou de plusieurs de ses cohéritiers, il est bien évident qu'il établit une différence entre la donation dont parle le premier alinéa, et la renonciation dont parle le second, et que cette difference consiste nécessairement en ceci, que la renonciation gratuite n'est pas la même chose qu'une donation, et que, par conséquent, elle n'est pas soumise aux formes des donations. Et comme, d'un autre côté, la renonciation dont parle l'art. 780 n'est pas celle que l'art. 784 soumet à des formes particulières, il faut en conclure que la validité et la preuve de cette renonciation ne sont soumises qu'aux formalités ordinaires et de droit commun requises pour les obligations en général. La rédaction de l'art. 780 ne se comprendrait pas si la renonciation dont il parle devait être en forme de donation, puisque le second alinéa de cet article serait complétement inutile et se confondrait avec le premier.-Il ne faut pas d'ailleurs s'étonner que l'art. 780 n'ait exigé aucune formalité particulière pour la renonciation spéciale dont il détermine les effets; car il est reconnu par la plupart des auteurs qu'entre les successibles, la renonciation conventionnelle faite par l'un d'eux au profit des autres n'est soumise qu'aux formes ordinaires des conventions, parce que, comme le dit très-bien M. Demolombe, toute convention est obligatoire lorsqu'elle est légalement formée, c'est-à-dire lorsqu'elle n'est pas contraire aux bonnes mœurs, à l'ordre public ou à | quelque disposition prohibitive de la loi. V. notamment MM. Vazeille, Success., sur l'art. 784, n. 2; Championnière et Rigaud, Dr. d'enregist., tom. 1, n. 517; Belost-Jolimont sur Chabot, art. 784, obs. 1re; Marcadé, t. 3, sur l'art. 784; Aubry et Rau d'après Zachariæ (3o édit.), t. 5, p. 168; Zachariæ (édit. Massé et Vergé), t. 2, §380, p. 316; Demolombe, Success., t. 3, n. 20 et 21. V. aussi Cass. 11 août 1825 (S-V. 26.1.9; Collect, nouv. 8.1.175), et 6 nov. 1827 (S-V. 28.1.227; C. n. 8.1.693).—Sans doute, si la renonciation, au lieu d'être faite au profit d'un successible, était faite au profit d'un tiers, il ne pourrait plus être question de convention sur une chose commune, et la renonciation constituerait une véritable donation qui ne pourrait être valablement faite que dans la forme prescrite pour ces sortes de libéralités. C'est ce qui a été jugé par la Cour de cassation le 17 août 1815 (S-V. 15.1.413; C. n. 5.1.92). Mais cette décision s'applique au cas prévu par le premier alinéa de l'art. 780 et non au cas prévu par le second alinéa du même article, qui suppose que la renonciation est faite uniquement au profit d'un cohéritier, et dès lors on ne peut l'opposer à la solution qui vient de prévaloir devant la Cour suprême. G. M. |